En ce moment
 
 

Taxe kilométrique: "Face au mur", Fabrice, un petit patron de transport belge témoigne

Taxe kilométrique: "Face au mur", Fabrice, un petit patron de transport belge témoigne
 
 

De leur propre initiative, hors du cadre des fédération professionnelles, Fabrice et trois autres homologues, tous patrons de petites entreprises de transport belges, se rendent au cabinet du ministre wallon du Budget ce vendredi matin. Leur but: faire entendre les nombreux problèmes auxquels ils doivent faire face alors qu'entre en vigueur la taxe kilométrique, la goutte d'eau qui fait déborder le vase d'un secteur menacé de disparition selon Fabrice.

"Face au mur". C'est ainsi que Fabrice Ausloos, 46 ans, patron d'une petite entreprise de transport à Villers-le-Bouillet en province de Liège, voit son secteur alors que la taxe kilométrique pour les poids lourds de plus de 3,5 tonnes entre en vigueur ce vendredi 1er avril.

Ce matin à 10h, avec trois autres transporteurs comme lui, il rencontrera à Namur le chef du cabinet du ministre wallon du Budget pour faire entendre les difficultés d'une activité dont l'existence est menacée en Belgique. "On nous a mis devant un mur avec cette taxe. Beaucoup de sociétés sont prêtes à tomber et ça fera de nouveaux chômeurs", prévient Fabrice, un homme d'abord inquiet pour les 4 à 5 personnes qui travaillent pour lui. Il rappelle la vie difficile de ceux qui donnent une partie de leur vie à la route, qui dorment dans leur camion, loin du luxe des mobil-homes, comme il dit. Il rappelle que derrière ces travailleurs, il y a des familles, qu'il connait. "Dans des petites entreprises de transport comme la mienne, on connait le nom de la femme de chacun des chauffeurs", dit-il.


Plusieurs transporteurs belges sont partis fonder une société en Europe de l'est

Fabrice est un ancien chauffeur lui-même et il a créé sa société il y a 10 ans. Il est triste. "Je verse ma larme", confie-t-il. Mais il ne veut pas abandonner. Pas s'en aller, comme d'autres. "Beaucoup cèdent, ils arrêtent parce que c'est plus possible et ils s'exportent, ils ouvrent une entreprise en Roumanie, en Slovaquie", observe-t-il. Lui veut encore se battre ici et c'est pourquoi ce vendredi matin à 10h, il ira au devant du cabinet du ministre. "On n'a plus le choix, on veut se faire entendre, on cherche le dialogue", explique le petit patron qui déclare se battre pour qu'il y ait toujours des routiers belges en Belgique, lutter pour sauvegarder l'activité de transport qui est en train de disparaître dans son pays.


Une promesse d'aide de 20 millions d'euros: "Des clopinettes"

Face à cette menace d'extinction, il reproche aux Régions de ne pas prendre les bonnes mesures. "On nous promet 20 millions d'euros pour aider les transporteurs. C'est rien ça, c'est des clopinettes. C'est pas ça qui va aider les entrepreneurs actuels ou futurs. On veut que des alternatives soient trouvées", estime-t-il. "On investit de l'argent. On veut des résultats et là on ne les a pas. On n'est pas protégé, on est harcelé par des contrôles, des contrôles et des contrôles. La taxe kilométrique est un contrôle supplémentaire", raconte-t-il.


Des factures payées tardivement qui réduisent les liquidités (cash flow)

Le quadragénaire a fait son calcul. La nouvelle taxe entraînera une augmentation des coûts de 12%, en comptant les frais de gestion. Alors, pour faire face, il réclame une aide publique. Et justifie: "Les banques commencent à fermer les portes. Or, il nous faut énormément de cash flow. Un camion consomme entre 25 et 30 litres par 100 km. S'il en fait 600 par jour, le calcul est vite fait, vous connaissez le prix du jour, vous savez combien il faut. On doit avancer beaucoup d'argent, beaucoup de cash. La taxe kilométrique va encore accentuer cette difficulté de cash flow. Car, en plus, on fait la banque pour nos clients. En France, Sarkozy a fait voter une loi pour que les factures soient payées dans les 30 jours. Si demain, on est plus vite payés, plus vite on peut payer nos fournisseurs. Mais en Belgique, il n'y a aucune véritable réglementation. On peut vous payer après 60, 90 jours."


Les fédérations professionnelles craignent une nouvelle baisse de compétitivité des entreprises de transport belges

Pour les organisations professionnelles du transport mais aussi pour les fédérations de commerce et de distribution, le surcoût engendré par la taxe kilométrique va rendre les entreprises moins compétitives et menacera donc des emplois et la prospérité en Belgique.

Par ailleurs, ces organisations affirment que le système d'enregistrement des déplacements des camions, qui permet de calculer le montant de la taxe, ne fonctionne pas correctement. La société qui a mis au point le système assure pour sa part que des problèmes ont existé mais qu'ils sont presqu'entièrement résolus.

Comeos qui représente les commerces en Belgique plaide pour une taxe kilométrique affinée: "Nous demandons la mise en place, d'ici le 1er avril 2017, d'une taxe kilométrique intelligente, variant en fonction du lieu et de l'heure du déplacement. Avec ce système, les transporteurs roulant en dehors des heures de pointe, bénéficieraient d'un tarif plus avantageux, contribuant ainsi à réduire les embouteillages. Une taxe kilométrique intelligente inciterait le commerce alimentaire à faire rouler 800 camions en dehors des heures de pointe".

La taxe kilométrique est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Mais qu'y avait-il déjà dans le vase? Fabrice et ses homologues vont exposer au chef de cabinet d'autres problèmes. Il nous en a présenté certains.


La sécurité des chauffeurs sur les parkings et aires de repos

Fabrice déplore le manque de parkings sécurisés et, plus généralement d'infrastructures adéquates pour le repos des routiers. "En Allemagne, aux sorties d'autoroutes, on voit régulièrement des panneaux indiquant des centres routiers, des parkings sécurisés. En Belgique, y a peut-être trois plaques indiquant de tels parkings pour tout le pays", assure le transporteur.

Les vols dans des camions se produisent de plus en plus selon Fabrice. "Nous n'avons pas des véhicules super équipés comme certaines voitures, nos véhicules sont forcés régulièrement", informe-t-il avant de nous décrire un type de vol impressionnant. "Des chauffeurs ont déjà été gazés la nuit. Quand ils se réveillent le matin, il n'y a plus rien dans le camion, les voleurs ont vidé le véhicule. C'est fréquent", allègue-t-il. La solution ? Des contrôles plus fréquents et des caméras sur les parkings. "Je ne vois jamais de caméras dans un parking. Vous allez pas me dire que c'est pas possible d'installer deux caméras par parking", dit-il. Ce surcroit de vols a une autre conséquence fâcheuse: la hausse des primes d'assurance. "Les assureurs commencent à trouver le secteur à risques", rapporte le patron de Villers-le-Bouillet qui doit lâcher plus de 4000 euros d'assurances au total par an (assurances pour les marchandises, pour le véhicule, RC classique)


Le stress de chauffeurs toujours plus contrôlés

"Je pense qu'on est un des métiers les plus contrôlés dans le pays", dit Fabrice. Il énumère: contrôle des temps de repos et conduite, contrôle des douanes, contrôle des marchandises pour voir s'il n'y a pas des migrants qui s'y cachent, contrôle administratif, contrôle social et maintenant le contrôle lié à la taxe kilométrique. "En plus, c'est divisé par régions. On a la Flandre, Bruxelles, la Wallonie. Chacune a ses équipes de contrôle et n'accorde pas ses violons", constate le quarantenaire. "C'est déjà arrivé que sur la même journée, un chauffeur se fasse contrôler trois fois", soupire-t-il.


Le dumping social, bien sûr

Le problème est désormais bien connu et Fabrice ne souhaite pas s'étendre dessus car on en a déjà beaucoup parlé. Il nous répète ce qu'on a effectivement souvent entendu au cours des derniers mois: "Les charges sociales pour les patrons belges sont beaucoup trop importantes".


Sécurité: une taxe kilométrique qui entraînerait un nombre accru de camions sur les petites routes

Un effet collatéral de la taxe kilométrique pourrait être une hausse des accidents de camions sur de petites routes. C'est ce que craint Fabrice qui voit des patrons regarder des itinéraires alternatifs sur les routes secondaires pour ne pas payer cette taxe. "J'ai entendu des patrons qui disaient: je gagne autant d'euros si je passe par tel petit village à la place de prendre une nationale. Je leur dis 'Attention, vous n'allez pas prendre une voirie qui n'est pas adaptée à votre tonnage ou la taille de votre véhicule'"


 

Vos commentaires