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Vivre le chômage de longue durée: Roger, 53 ans, raconte le "drame silencieux"

Vivre le chômage de longue durée: Roger, 53 ans, raconte le "drame silencieux"
 
 

Comme des milliers d'autres personnes en Wallonie, Roger (prénom d'emprunt) a plus de 50 ans et plusieurs années de chômage derrière lui. Lorsqu'il a été licencié, il pensait retrouver vite comme auparavant. Mais il s'est retrouvé face à un mur, celui de son âge, raconte-t-il.

"Un drame silencieux". C'est le titre que Roger (prénom d'emprunt) donne au chômage des plus de 50 ans. Un film noir dont il est l'un des involontaires héros. À 53 ans, il cherche du travail, tel un Graal, depuis quatre ans. En vain. "J'ai perdu mon dernier job à 49 ans et depuis, c'est la galère!", résume-t-il. Outplacement, formation, conseillère du Forem et une multitude de CV envoyés. Rien n'y fait. "Je réponds à des annonces qui me vont comme un gant mais je ne suis jamais recontacté", expose-t-il. Le quinquagénaire qui habite en province de Liège reste donc dans une pesante inactivité avec ce qu'on peut imaginer de découragement, de sentiment d'impuissance et d'inutilité, de perte d'estime de soi. Lui rassemble tout ça en trois mots: "Je suis dégoûté". À cet échec s'est ajouté une réduction de ses allocations de chômage. L'homme ne reçoit plus que 500 euros par mois. Heureusement, sa femme a un "job en béton". De quoi assurer la subsistance d'une famille avec deux garçons, déjà adolescents. Après qu'il nous a contactés via la page Alertez-nous, nous avons rappelé Roger pour sortir, l'espace d'une histoire, la sienne, ce "drame" du silence.


Restructuration et outplacement

Remontons dans le temps, quatre ans en arrière. Roger a 49 ans. Il travaille depuis près de cinq ans dans une firme qui distribue des profilés en aluminium. Il se charge d'aspects commerciaux et logistiques. Auparavant, il a occupé le même type de place dans d'autres entreprises. "J'ai eu des petites périodes de chômage quand j'étais plus jeunes, deux ou trois mois, mais je suis toujours arrivé à rebondir", se souvient-il.

Sa société passe par une restructuration. Roger est l'un des derniers arrivés, il est donc l'un des premiers licenciés. Comme la loi l'impose pour les plus de 45 ans, il jouit d'un reclassement professionnel, plus communément appelé outplacement, financé par son désormais ex-employeur. Pendant dix mois, on lui explique comment augmenter ses chances de retrouver un boulot. On lui montre par exemple comment rédiger un CV de la meilleure manière. Au début, les séances ont lieu une fois par semaine, ensuite c'est plus espacé. Roger est optimiste. "La dame de l'outplacement était encourageante", se rappelle-t-il. Il en garde un bon souvenir. "C'était intéressant", dit-il. Mais, au bout du compte, ponctue-t-il, "c'est comme le Forem, ils ne vous retrouvent pas de travail."


"Comment ça se fait que vous êtes depuis si longtemps sans emploi?"

L'outplacement est terminé. Roger n'a pas décroché de job entretemps. Il continue la quête. "Vous recommencez comme vous avez toujours fait: répondre à des annonces, envoyer des candidatures spontanées", décrit l'homme. Mais cette fois, à l'inverse de ses débuts, il reçoit peu de réponses.

"A mon avis, ils se disent '1962, c'est quoi ça?' Je ne vois pas d'autres explications", réfléchit-il.

"Ca dure, ça dure, le temps passe à une vitesse incroyable", décrit le quinquagénaire. Et le temps qui passe n'arrange rien. Au contraire. "Vous vous retrouvez en face de quelqu'un en agence d'intérim qui vous demande 'Comment ça se fait que vous êtes depuis si longtemps sans emploi?'"


Ses allocations de chômage qui diminuent d'un tiers

Ce fichu temps qui passe. Et qui finit par grignoter les allocations de chômage, dégressives. Comme cohabitant, Roger, qui vit avec femme et enfants, reçoit 750 euros. "C'est vraiment pas terrible mais ça fait du bien", souligne-t-il. Et puis un jour, "c'était un 1er novembre", ça dégringole à 500. 250 euros de moins, "c'est toutes mes factures de gaz, d'électricité, d'eau", compare l'allocataire obligé de demander de l'aide à son père. Alors, quand il entend dire "chômeur profiteur", ça le "tue", Roger, lui qui ne "profite de rien", lui qui n'est pas un planqué et le prouve sans peine lors du seul vrai contrôle auquel il est soumis à l'Onem, un an et demi après son licenciement. Il se souvient: "C'était pas très sévère. J'avais des documents qui prouvaient que je cherchais: une pile de 3 cm de CV en français et néerlandais. La dame était très gentille."


Formation du Forem qui ne débouche sur aucun boulot

Roger se montre moins tendre avec le Forem, même si, là encore, la dame qui s'occupe de son dossier, sa conseillère emploi, est "très gentille". "Quand elle est en face de moi, j'aimerais pas être à sa place", dit même Roger, conscient de la difficulté de la tâche de son interlocutrice. "Elle me demande où j'en suis, ce que je fais. Elle me dit qu'il va y avoir le Trilogiport (NDLR: le port fluvial de Liège qui va générer 2000 emplois selon le site Portdeliege.be) et que ça va créer des emplois. À un moment donné, il était question que je postule en Flandre, j'ai envoyé 1000 CV, ça n'a rien donné", raconte-t-il.

Le Forem contrôle. Il forme aussi. Le quinquagénaire se lance dans une formation en logistique et informatique. "C'était du sérieux, dit-il, cinq mois de cours et un stage pour une réorientation à 180°". Il trouve les cours intéressants. Mais, ils ne mèneront nulle part. "Vous terminez et vous n'êtes spécialiste en rien. Vous n'êtes ni logisticien, ni informaticien", déplore notre témoin, déçu. Depuis, il ne faut plus lui parler d'une nouvelle formation. "J'ai déjà un master, j'ai fait une formation longue sur laquelle j'avais fondé beaucoup d'espoir, alors les formations, ça suffit", tranche-t-il. Retour à la case de recherche. Cela fait quatre ans maintenant. Roger continue à répondre à des annonces au rythme de "deux ou trois par semaine" et à envoyer des candidatures spontanées.

Pour compenser l'âge, les autorités publiques proposent aux employeurs toute une série de réductions de charges patronales. Il y a notamment celle auquel donne droit la carte Activa pour l'engagement de demandeurs d'emploi de plus de 45 ans (1000€ le trimestre de l'engagement et les 20 trimestres suivants, dans le cas de Roger). "J'en ai une mais ça n'intéresse pratiquement pas les employeurs", constate Roger.


Oser le changement?

Devant un tel mur, ne faudrait-il pas se réinventer, se rendre utile ailleurs que dans le monde du travail classique, s'investir dans une association à titre bénévole? Nous lui posons la question. Notre interlocuteur reconnait qu'il est "un petit peu trop casanier". Un comportement qui n'aide pas toujours à rester positif. "L’idéal, c’est d’avoir à côté une autre activité qui elle, a des résultats: du sport, du bénévolat,... L’important, c’est qu’elle ait du sens, et qu’on s’y sente utile. Fixez-vous aussi un point trimestriel, pour regarder tout ce que vous avez accompli en trois mois, et vous féliciter", conseille ainsi Hélène Picot, une ancienne directrice de publicité qui s'est reconvertie après sa période de chômage.

Sous la recommandation de son médecin, Roger a fini chez un psychologue. Mais la première consultation l'a refroidi. "Il me demande mon problème. Je lui répond: crise de la cinquantaine couplée à une perte d'emploi. Le gars me dit, plutôt que de me réconforter, qu'auparavant, il travaillait dans le recrutement et que c'est vrai qu'à 50 ans, il y a la barrière. Mon moral est encore descendu", se souvient l'homme.

Roger continue à chercher, conservant un "mince espoir", mais redoutant déjà l'horizon, le prochain cap qui se rapproche. "Pour les + 55 ans, là, je me marre, c'est fini, ou alors vous êtes très spécialisé", songe-t-il. Du coup, le relèvement de l'âge légal de la pension (66 ans à partir de 2025, 67 ans à partir de 2030) le fait bien marrer aussi. "Il faut travailler de plus en plus vieux MAIS les employeurs ne prennent pas les + 50 ans", conclut-il sur base de son histoire.

La Wallonie comptait 229.912 demandeurs d'emploi inoccupés (14,6% de la population active) au mois de mars. Ces chiffres sont en baisse pour le 21e mois d'affilée. Pour les personnes âgées de plus de 50 ans, ils ont diminué de 6% environ.


 

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