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Manuel est mort mais son assurance obsèques est bloquée, peut-être pour l'éternité: Rosario doit avancer 4.400€

Manuel est mort mais son assurance obsèques est bloquée, peut-être pour l'éternité: Rosario doit avancer 4.400€
 
 

Manuel a cru être prévoyant: il a souscrit à une assurance décès pour ne pas ruiner sa famille, le jour où il faudrait lui dire adieu. Mais trois mois après sa mort, ses proches n'ont pas touché l'argent et ont dû sortir 4.400 euros de leurs poches pour payer les pompes funèbres. La somme revient en réalité à d'éventuels héritiers légaux, qui se trouvent peut-être (s'il y en a!) à 1.500 km de là... en Espagne! Pourquoi? Explications.

Manuel, un Espagnol venu vivre en Belgique avec sa femme dans les années 60 pour échapper à la dictature, a toujours vécu de façon modeste. "Il disait toujours qu'il n'avait rien à nous donner, qu'il avait des moyens financiers réduits, mais vous savez, il nous a donné tout son amour", se souvient Rosario, sa petite-nièce née en Belgique, qui nous a joints via notre page Alertez-Nous. Malgré ses ressources peu élevées, Manuel met un point d'honneur à payer lui-même ses funérailles lorsque son jour viendra. Alors chaque année, patiemment, il verse ce qu'il faut à l'assureur Delta Lloyd Life pour que ses obsèques ne soient pas un fardeau pour ses proches vivant en Belgique. "C'était un homme fier, il avait souscrit cette couverture funéraire pour ne pas nous mettre dans l'embarras le jour où il partirait pour de bon, disait-il... Le pauvre, s'il savait" nous raconte Rosario.

Le jour de Manuel a fini par venir et le vieil homme est mort. Mais malheureusement, ses proches ont appris, à leurs dépens, qu'il avait commis une erreur. Lorsque son épouse est décédée quelques années plus tôt, il n'a pas pensé à nommer Rosario comme étant la nouvelle bénéficiaire de cette assurance à la place de sa femme. Résultat: Rosario et son frère ont dû payer la note des obsèques: 4.400 euros! Et au moment où nous écrivons ces lignes, les 2.800 euros d'assurance censés couvrir en partie la cérémonie d'adieu à Manuel sont toujours bloqués à la banque.

Il avait nommé sa femme Teresa comme bénéficiaire, mais elle est décédée avant lui

Manuel avait choisi la clause bénéficiaire standard. La première personne à toucher l'assurance contractée était donc son épouse, Teresa. Mais elle a quitté ce monde avant lui. En deuxième ligne, viennent alors les éventuels enfants du couple, mais Manuel et Teresa n'ont pas fondé de famille. Reste alors la dernière option: les héritiers légaux. Le hic? Rosario n'est pas héritière légale de son grand-oncle: avant elle, viennent les potentiels frères et sœurs de Manuel, leurs enfants, etc.



Au décès de sa femme, Manuel était dévasté, il n'a pas pensé à l'administratif

Pour éviter tous ces tracas, Manuel aurait dû, au moment du décès de sa femme, prendre contact avec Delta Lloyd Life et mettre à jour son assurance en nommant par exemple Rosario comme bénéficiaire. "Pour cela il suffisait de nous envoyer un courrier en précisant la nouvelle clause bénéficiaire ainsi qu'une copie de sa carte d'identité", a indiqué Annelore Van Herreweghe, porte-parole de Delta Lloyd Life. Mais à 79 ans, l'homme dévasté par la perte de son épouse n'y a pas pensé une seule seconde. "C'est vraiment un cas malheureux, déplore Renaud Grégoire, notaire et porte-parole du notariat en Belgique. Il est vrai qu'à cet âge, on ne pense pas toujours à mettre à jour ses polices d'assurance".

Où sont les héritiers légaux? En Espagne, peut-être plus loin!

L'assureur est inflexible: l'argent revient aux héritiers légaux et non pas à Rosario et sa famille vivant en Belgique. Il faut donc les trouver. Où sont-ils? Peut-être en Espagne, ou… ailleurs dans le monde. En tout cas, il faudra mener l'enquête avec des professionnels (notaires, …), sinon, l'argent ne sera jamais versé et dormira éternellement à la banque.

Pour ce faire, ils doivent, un demi-siècle après le départ de leur grand-oncle d'Espagne, chercher ces éventuelles personnes dans un pays avec lequel ils ont peu d'attaches. "Mon grand-oncle est complètement déconnecté de sa famille espagnole, il y a eu la guerre civile entre-temps, rappelle Rosario. Il n'avait plus que nous, en Belgique. Nous nous occupions de lui. Mon grand-oncle avait signé une procuration bancaire pour que maman gère toutes ses factures. Preuve de la confiance qu'il lui accordait".

Chercher un héritier pourrait leur coûter des milliers d'euros

Rosario et sa famille ont pris contact avec un notaire, mais il a "refusé de prendre l'affaire en charge tant elle semble compliquée à réaliser", dit-elle. "Le risque existe que le coût de la recherche généalogique, les frais de traduction des documents certifiés, etc. soient plus élevés que la facture des pompes funèbres, explique le porte-parole du notariat en Belgique. Une recherche généalogique en Belgique peut atteindre 500€, comme elle peut s'élever à 5.000€ si elle concerne des pays étrangers". Soit potentiellement bien plus que la somme réunie sur le compte de Manuel.

Rosario n'a pas les moyens de faire appel à un généalogiste successoral

Ce n'est donc pas gagné, d'autant que les généalogistes successoraux n'agissent en général pas pour des montants "peu élevés". "De plus en plus de dossiers traversent les frontières, en tout cas, partiellement, indique Thierry de Neuville, président de l'association des généalogistes successoraux de Belgique. Ce professionnel est contacté par des notaires ou avocats pour retrouver les héritiers légaux et quelques fois, la recherche se fait à l'étranger. "Dans ce cas, nous avons pour habitude de donner ces dossiers à nos correspondants locaux qui se trouvent dans différents pays du monde", poursuit-il. Cependant, ces recherches visent en général des dossiers liés à des assurances-vie, et non pas à des assurances obsèques.

Rosario, son frère et leur mère, sont, eux, dépités. Ils sont découragés à l'idée de devoir aller jusqu'en Espagne pour récupérer l'argent mis de côté par leur grand-oncle.

La banque refuse de payer directement la facture des pompes funèbres

Rosario et sa famille ont demandé si l'assureur ne pouvait pas payer directement la somme due à l'entrepreneur de pompes funèbres, sans succès. "On nous a répondu que, d'après notre contrat, ce n'était pas possible. Ils répètent qu'ils doivent verser l'argent aux héritiers, qui doivent ensuite payer le funérarium".

"Le capital décès est versé aux bénéficiaires du contrat, confirme Annelore Van Herreweghe, porte-parole de Delta Lloyd Life. Et lorsque l'argent est bloqué, il le reste "jusqu'à ce qu'un verdict ou un accord clôture le litige. S'il n'y a ni bénéficiaire, ni héritier qui se manifeste, nous appliquons la procédure dite de "fonds dormants". Alors, après une période de 18 mois sans réaction, le capital et les données du dossier sont transférés à la Caisse des dépôts et consignations. Les héritiers pourront y récupérer le solde jusqu'à 30 ans après la date de fin".


La famille est face à un véritable dilemme

Que va faire Rosario et sa famille? Entamer cette fameuse enquête en Espagne, qui aura peut-être un coût exorbitant ou bien laisser l'argent de leur grand-oncle dormir à la Caisse des dépôts et consignations? Dans les deux cas, le choix est insatisfaisant : "Nous sommes tristement dans l'impasse. Nous souhaiterions qu'un expert de l'assureur Delta Lloyd nous aide. Qu'un véritable spécialiste nous permette de débloquer cette situation", espère Rosario.

Delta Lloyd s'engage à aider la famille 

Désormais au courant de cette malheureuse situation, l'assureur Delta Lloyd Life révèle qu'il a proposé son aide à la famille de Rosario. "La semaine passée, Delta Lloyd s'est engagée à guider la personne en question vers un expert afin de trouver une solution", confirme Annelore Van Herreweghe, porte-parole.

@Justine_Sow



 

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