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Jean-Pierre est envahi par les pigeons à Schaerbeek: pourquoi certains continuent-ils à les nourrir, malgré les lourdes amendes?

Jean-Pierre est envahi par les pigeons à Schaerbeek: pourquoi certains continuent-ils à les nourrir, malgré les lourdes amendes?
 
 

C'est une habitude pour certains: au lieu de les jeter à la poubelle, lancer les restes de pain aux oiseaux... Ce comportement entraîne la prolifération des pigeons dans les villes, et est puni par la plupart des règlements communaux. Malgré les amendes, certains persistent, convaincus de contribuer au bien-être des animaux. Or, selon les spécialistes, le nourrissage est autant nuisible pour l'homme que pour les pigeons, et la biodiversité en général.

Jean-Pierre, 66 ans, vit à Schaerbeek depuis une quarantaine d’années. Depuis plus d’un an, il subit des nuisances telles qu’il a décidé de contacter la rédaction de RTLinfo, via notre bouton orange Alertez-nous. "Plus de 20 pigeons sont continuellement sur le trottoir face à notre maison à cause d'une dame qui les nourrit... Nous avons donc dû mettre des protections sur nos appuis de fenêtre pour éviter les fientes", nous dit-il, ajoutant qu’il a même déjà constaté la présence d’un nid sur son balcon. Mais cela n’est pas suffisant: "On reçoit les fientes sur notre tête. L’autre jour, je discutais en dessous de l’arbre, ma veste en cuir, il faut voir comment elle était arrangée…", se plaint-il.




"Mon épouse brosse le pain, elle se fait engueuler"

L’homme est désemparé. "On essaye par tous les moyens de s’en débarrasser. On les chasse, ils reviennent". Régulièrement, au coin de cette rue, une dame vient donc les nourrir. "Quand elle me voit, elle n’ose rien mettre, parce qu’elle sait que je rouspète. Comme je ne suis pas toujours ici à la maison, elle en profite pendant que je suis parti. Mon épouse brosse le pain, et elle se fait engueuler. Les gens lui disent qu’il faut nourrir les pigeons".


Ce n'est pas une "bonne action"

Pourtant, cette pratique est interdite à Schaerbeek (comme le stipule l’article 27 du règlement général de police), comme dans les autres communes de la capitale. "Donner à manger aux oiseaux fait, pour certaines personnes, partie de leurs souvenirs d'enfance et leur donne le sentiment "de faire une bonne action". Malheureusement, en ville, il n'en est rien, bien au contraire !", est-il expliqué sur le site de la commune, où une cellule répréhension a été mise en place pour faire cesser ce comportement. En effet, les pigeons étant trop nombreux en milieu urbain, il ne faut pas favoriser leur développement. La commune développe plusieurs raisons: "Ils dégradent les bâtiments et l'environnement en raison de l'acidité de leurs déjections, ils peuvent transmettre des maladies aux humains, ils peuvent constituer un réservoir pour virus lors d'une épidémie de peste aviaire".


L’équilibre naturel perturbé

Par ailleurs, comme Olivier Beck, biologiste au département biodiversité de Bruxelles Environnement nous l’expliquait déjà lors d’un précédent article sur le nourrissage d'animaux sauvages dans la capitale, en pensant bien faire, les personnes nuisent en réalité à la biodiversité, et donc à la nature: "Avec cet acte, il y a un équilibre naturel qui est perturbé. On favorise les espèces avec un comportement opportuniste chez soi en trop grande quantité"


Une nourriture non adaptée... et une aubaine pour les rats

De plus, la nourriture qui leur est donnée n’est pas adaptée. Du pain, parfois entier, des pâtisseries de toutes sortes ou même des pâtes sont parfois donnés aux oiseaux, ce qui ne leur convient pas. "Du pain, ça peut faire gonfler l’estomac, et ça peut provoquer des troubles digestifs chez les oiseaux. Même s’ils aiment bien cela, ce n’est pas très nutritif", expliquait Olivier Beck. "En empêchant la sélection naturelle, cette nourriture supplémentaire contribue à augmenter leur nombre mais aussi à produire des individus malades, à appauvrir la race. Les pigeons sont les premières victimes de leur propre prolifération", ajoute-t-on au service propreté de la commune.

Autre nuisance, et pas des moindres: la nourriture n’attire évidemment pas que les pigeons, mais aussi les rats.


"Je ne vais pas monter la garde, je ne suis pas toujours à la maison"

Jean-Pierre nous dit avoir fait appel à la commune, où on lui aurait suggéré de prendre la personne sur le fait, en photo. "Je ne vais pas monter la garde, je ne suis pas toujours à la maison", nous dit-il, confiant qu’il n’est pas très à l’aise avec cette pratique. Nous avons contacté l’échevin de la propreté, Sadik Köksal, qui nous a expliqué comment les opérations de contrôle sont menées: "Chaque fois qu’on reçoit des coups de fil au niveau des incivilités ou des dépôts clandestins, on dresse des tableaux indicateurs pour mener des opérations dans le futur". Ces opérations, baptisées "trash", sont menées en collaboration avec la police, afin de prendre les auteurs sur le fait. "On peut dresser de 30 à 40 PV par opération", explique l’échevin, qui conseille à Jean-Pierre de faire à nouveau appel au service propreté afin de pouvoir agir dans son quartier.


Filmée pendant 10 jours, une personne écope de 1200€ d’amende

Concernant le nourrissage des pigeons, des opérations ciblées ont déjà été menées. Par exemple, lorsque le service de la propreté a reçu plusieurs plaintes concernant la place de la Reine: "On avait régulièrement des riverains qui se plaignaient. La zone de police dispose déjà de caméras, on a rajouté des caméras du service pour bien cibler l’endroit. Après plusieurs heures d’enregistrement, on avait un visage, mais pas de nom. On a mené une enquête avec l’agent de quartier, le voisinage, et on a pu déterminer son identité, la personne a été convoquée". L’année où cela s’est produit, l’amende en cas de nourrissage de pigeons s’élevait à 120€ (elle a depuis été indexée à 125€). Comme les caméras ont filmé la personne sur plusieurs jours, celle-ci a été appliquée plusieurs fois: "La personne a été sanctionnée pour 10 nourrissages (soit, 1200€, ndlr). C’est très dissuasif, et c’est triste d’en arriver à ce genre de sanctions", regrette l’échevin, qui nous confie que "parfois, la communication ne suffit pas".


"Ne soyez pas de pigeons, arrêtez de les nourrir"

Car plusieurs campagnes de sensibilisation ont déjà été menées. Notamment par le biais du journal communal, le "Schaerbeek Info", distribué, nous dit l’échevin, à plus de 50.000 foyers, où un article s’intitulait "Ne soyez pas de pigeons, arrêtez de les nourrir". Un toutes-boîtes avait également été distribué, ciblant les actes d’incivilités les plus souvent rencontrés sur la commune, comme le non-respect des jours de collecte, le dépôt de liquide dans les avaloires, les dépôts clandestins… et le nourrissage de pigeons. "On avait mis un pictogramme et une petite phrase simple en français, néerlandais, bulgare, roumain, turc, espagnol, arabe, polonais, et anglais, le choix des langues s’est fait selon le registre de population", nous explique l’échevin Sadik Köksal, qui déplore avoir parfois affaire à un public qui ne lit pas les informations.


Jeter du pain à la poubelle, un acte parfois compliqué

"Parfois c’est culturel, générationnel", souligne l’échevin. Lui-même évoque une voisine âgée de 85 ans, déjà sanctionnée à deux reprises. "Elle estime que les pigeons sont ses amis, dès qu’ils la voient arriver, ils se dirigent vers elle. Elle continue malgré la sanction, ne fait pas attention à ce qu’elle va devoir payer. Il faut dire que l’idée de jeter du pain, c’est mal, dans certaines régions du Monde", détaille-t-il.


Technique de ruse…

L’échevin raconte aussi que certaines personnes ont recours à des "techniques" pour échapper aux contrôles. "Un dame a été jusqu’à créer un système technique, avec un sac dans le fond de son chariot. Elle lâche le sac plastique et tout se déverse dans le fond du chariot dans une trace qu’elle détermine elle-même".


Dans quel cas nourrir les oiseaux?

Vous l'aurez compris, le nourrissage d'oiseaux et de manière générale d'espèces sauvages n'est pas encouragé. Une liste de recommandations est disponible via ce lien.


 

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