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Frédéric Martel a rencontré longuement le cardinal Pell: "On est au fond de la schizophrénie et de l'hypocrisie que l'Eglise peut avoir"

 
 

Notre invité de ce RTLINFO13H était Frédéric Martel. Il vient d'écrire un livre détaillé de 600 pages à propos de l'Eglise catholique qui s'appelle "Sodoma, enquêtes au coeur du Vatican", un livre qui n'est pas à charge de l'Eglise, précise-t-il d'emblée. 

Vous expliquez en détail que le Vatican concentre une communauté homosexuelle très importante. Et parmi les gens que vous avez interrogés dans votre livre, vous avez interrogé George Pell, numéro trois du Vatican qui a été reconnu coupable d'agression sexuelle sur mineur, devenant ainsi le plus haut responsable de l'Eglise catholique condamné dans une affaire de pédophilie.

Frédéric Martel: "Je l'ai rencontré effectivement longuement. C'est quelqu'un de très sérieux dans la discussion qu'il a eue avec moi. On est au fond de la schizophrénie et de l'hypocrisie de l'Eglise qu'il peut y avoir. Pell, c'était un opposant au pape François. C'est quelqu'un de très rigide, très conservateur, et qui, en tous les cas si on en juge par le procès, a abusé de garçons. Il était très probablement homosexuel, donc on a là la caricature de ce système."

Il était très homophobe en public aussi?

Frédéric Martel: "Absolument. C'est la clé. Vous êtes très homophobes en public, et en même temps, vous avez une double vie, homophile, homosexuelle, parfois des abus, mais évidemment les deux choses n'ont pas de rapport. Mais c'est tragique. C'est un mensonge d'Etat. Il faut que cela cesse."

Là, on parle bien de l'homosexualité au sein du Vatican. C'est l'objet de votre livre. Vous ne parlez pas vraiment des abus sexuels. C'est autre chose. Est-ce que vous avez pu faire un lien entre les deux thèmes?

Frédéric Martel: "Il n'y a aucun lien entre homosexualité et abus sexuels, parce que les abus sexuels sont essentiellement hétérosexuels dans les familles, dans les écoles. Après, il y a un lien au niveau de l'Eglise catholique, c'est le "cover up", soit en français, "la couverture, la protection". George Pell a été protégé par un système depuis Jean-Paul II, Benoit XVI et François a une attitude plus juste à son égard. Il a demandé qu'il rentre en Australie. Alors que souvenez-vous sous Jean-Paul II, on les faisait venir au Vatican pour qu'ils bénéficient de l'immunité diplomatique et qu'ils soient protégés par ce système."

Pourquoi à un moment donné, personne ne sort du bois pour dire: "Je pense que cette personne a fauté?"

Frédéric Martel: "C'est ce qu'on appelle le cléricalisme. C'est ce système qui se protège. On protège l'Eglise, on a peur qu'elle ait une mauvaise réputation. Ce n'est pas propre à l'Eglise. C'était comme cela dans le parti communiste, dans l'extrême droite. C'est comme cela dans un tas de structures très opaques. Il n'y a pas de transparence. C'est un mensonge d'Etat. C'est des secrets. C'est une impossibilité de savoir la vérité, alors que l'Eglise est la structure qui parle le plus de vérité au monde et qui ment tout le temps."

Vous expliquez dans votre livre ce fonctionnement avec des prêtres qui sont homosexuels, voire homophiles la nuit et homophobes le jour. Comment ce système fait-il pour perdurer?

Frédéric Martel: "D'abord parce que c'est une majorité silencieuse et en fait, ce n'est pas une contradiction. Vous êtes d'autant plus homophobes que vous voulez cacher votre homosexualité. Plus un cardinal, un évêque ou un prêtre est homophobe en public, et c'est vrai en France, en Italie en Belgique, plus il a de chance d'être homophile, homosexuel et parfois d'autres éléments que j'appelle les 50 "shades of gay" (soit en français, les 50 nuances de l'homosexuel). Il y a beaucoup de sortes d'homosexualité au Vatican."

Et le pape François veut donner un coup de balai dans cette situation-là et renouveler les choses?

Frédéric Martel: "Oui, le pape François a compris le piège. il veut protéger l'Eglise, mais aussi la faire évoluer et il est attaqué aujourd'hui, très violemment par des cardinaux comme Pell. Pell était un opposant radical à François et il lui reprochait d'être gay-friendly (sympathisant LGBT). Vous voyez l'hypocrisie de ce système et vous voyez aussi la maladie d'un système qui a perdu sa logique et il est grand aujourd'hui de faire un grand abonamiento et le pape François essaye. Je pense que ce livre soutient plutôt ce pape. Il n'est pas parmi les loups, il est parmi les gays.


 

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