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"Un mal de chien" : le tribunal se penche sur les victimes du "dentiste de l'horreur"

 
 

"Ca fait un mal de chien et ça ne sert à rien", résume un plaignant au sujet des soins dispensés par le "dentiste de l'horreur" néerlandais, jugé depuis mardi dans la Nièvre pour des mutilations et des surfacturations en série.

En 2011, Laurent Dumont, solide sexagénaire, consulte Jacobus - dit Mark - Van Nierop à Château-Chinon (Nièvre) pour une douleur dentaire. Le praticien lui dévitalise deux dents - pourtant saines - avant d'entamer des soins sur huit autres dents.

"Il m'a fait une opération étrange: il m'a détartré en haut et en bas à la roulette. Ca fait un mal de chien et ça ne sert à rien, ça fragilise l'émail", assure-t-il devant le tribunal correctionnel de Nevers.

L'homme au bouc gris "suppose que le calcul de M. Van Nierop était que les dents se cassent les unes après les autres pour que j'y retourne" et ainsi continuer à facturer des honoraires.

Au deuxième jour du procès, le tribunal poursuivait l'examen de la situation de chacun des plaignants. Une centaine, au total.

Pour la plupart, le Néerlandais dit "ne pas se souvenir" des patients évoqués. La veille, il avait stupéfié le tribunal en déclarant que "les gens ne l'intéressaient pas".

"A votre avis, pourquoi tous ces gens sont là?" lance le procureur de Nevers, Lucile Jaillon-Bru, à l'adresse du prévenu. "Pas de commentaire", répond-il, comme à chaque fois qu'une question le gêne.

Le président Thierry Cellier rappelle ensuite au quinquagénaire une de ses déclarations: "Vous avez dit: +Dans le Morvan, des gens ont peut-être des brosses à dents, mais ils ne s'en servent pas+". "Je confirme", réplique en français M. Van Nierop, provoquant de nouveaux remous dans la salle.

- 'Interdiction définitive d'exercer' -

Recruté par un chasseur de tête, M. Van Nierop s'était installé en 2008 à Château-Chinon, désert médical notoire. Dans son cabinet moderne, il pouvait accueillir "entre 18 et 26 patients par jour", selon lui.

A son arrivée dans le Morvan, le Néerlandais avait bénéficié d'un suivi "au maximum" par le Dr Didier Coupé, dentiste-conseil à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du département.

Dans la matinée, ce dernier a raconté à la barre avoir reçu "trois ou quatre réclamations en 2010", comme un premier "signe d'alerte". D'autres "signes alertant" interpellent la Sécurité sociale comme un chiffre d'affaires "rarissime", près de trois fois supérieur à la moyenne régionale, dès sa première année d'activité, ajoute le praticien.

"C'est quand les cas (de plaintes) se cumulent en 2012, avec des cas plus sérieux" que la CPAM déclenche une procédure d'analyse d'activité.

"Si on écarte la méconnaissance, pourquoi a-t-il réalisé ces actes? "Je ne vois pas d'autre motif, à moins l'intérêt de nuire, que l'intérêt financier", dit le Dr Coupé.

Selon lui, les procédures de la CPAM ont abouti à une "interdiction définitive d'exercer" en France du Néerlandais.

Le mobile financier ne satisfait pas pleinement l'un des avocats des parties civiles, Me Charles Joseph-Oudin. "Si on veut que l'argent rentre, on bidouille, on surfacture un peu, mais on fait le travail bien pour que le client soit content et rester sous les radars; mais là, on sort de toute logique financière et on rentre dans la dimension psychologique d'un homme, pas complètement fou, mais incapable de compassion", déclare l'avocat. "Quand les patients se plaignent, ça l'horripile", ajoute-t-il.

"Je ne ressens pas de sentiment de compassion", a redit mercredi le prévenu, dont les expertises psychologiques ont conclu notamment à une "pathologie narcissique majeure" effaçant chez lui "tout sens moral".

Poursuivi pour avoir mutilé une centaine de patients et pour des escroqueries, le Néerlandais encourt dix ans de prison et 150.000 euros d'amende.

Son procès est prévu jusqu'au 18 mars mais le calendrier pourrait s'accélérer. Le jugement sera mis en délibéré.


 

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