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Les centaines de millions récoltés pour Notre-Dame font débat dans la France des "gilets jaunes"

Les centaines de millions récoltés pour Notre-Dame font débat dans la France des "gilets jaunes"
© Image Belga
 
 

Devant l'afflux vertigineux des dons pour reconstruire Notre-Dame, des voix dénoncent une générosité sélective, alors que les "gilets jaunes" réclament depuis des mois dans la rue une hausse de leur pouvoir d'achat et que l'aide aux plus démunis est en baisse.

"En un clic, 200 millions, 100 millions, ça montre aussi les inégalités, ce que nous dénonçons régulièrement, les inégalités dans ce pays", a critiqué le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez sur Franceinfo.

De grandes fortunes et des groupes ont mis au pot depuis lundi: la famille Pinault a promis 100 millions d'euros, suivie par le groupe LVMH et la famille Arnault, première fortune de France, qui ont annoncé un don de 200 millions, puis la famille Bettencourt-Meyers et le groupe L'Oréal (200 millions). Total a annoncé 100 millions. "S'ils sont capables de donner des dizaines de millions pour reconstruire Notre-Dame, qu'ils arrêtent de nous dire qu'il n'y a pas d'argent pour satisfaire l'urgence sociale", a insisté le dirigeant syndical.

Ingrid Levavasseur, une des figures des "gilets jaunes", a souhaité sur BFMTV "qu'on revienne à la réalité" et dénoncé "l'inertie des grands groupes face à la misère sociale alors qu'ils prouvent leur capacité à mobiliser en une seule nuit 'un pognon de dingue' pour Notre-Dame".


"Une course à l'échalote"

"Que l'oligarchie donne pour Notre-Dame, c'est bien. L'exemplarité fiscale serait encore mieux. La bonne conscience ne cache pas la misère et l'austérité", a dénoncé sur Twitter Benjamin Cauchy, autre "gilet jaune", présent sur la liste de Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France).

De fait, la générosité des donateurs est en partie assumée par l'Etat car la loi Aillagon de 2003 prévoit que les entreprises qui investissent dans la culture peuvent déduire 60% de leurs dépenses en faveur du mécénat (66% de réduction d'impôt sur le revenu pour les particuliers). Cette réduction sera portée à 75% jusqu'à 1.000 euros (66% au-delà) pour les dons des particuliers en faveur du chantier de Notre-Dame, a annoncé le Premier ministre Edouard Philippe à l'issue du Conseil des ministres.

Manon Aubry, tête de liste de La France insoumise aux élections européennes, a dénoncé une "course à l'échalote de l'entreprise qui donnerait le plus tout en revendiquant l'exonération d'impôt". Devant la polémique montante, François-Henri Pinault, patron du groupe de luxe Kering, a décidé de renoncer à cet avantage fiscal.


"Si vous pouviez abonder 1% pour les démunis"

De nombreuses voix soulignent que l'élan de générosité pour Notre-Dame intervient à un moment où les associations de lutte contre la pauvreté font face à une baisse des dons.

Sur Twitter, l'essayiste catholique Erwan Le Morhedec a appelé ceux qui jugeraient leur don "dérisoire" face au ruissellement d'argent des entreprises sur une cathédrale toujours debout à "le convertir au profit des associations qui soignent les 'temples vivants' et dont les dons se sont, eux, écroulés".

La sénatrice EELV Esther Benbassa a également tweeté en rêvant d'"un élan aussi spontané et massif en faveur des associations et structures prenant en charge l'extrême pauvreté, l'exclusion sociale, les sans-abri".

"400 millions pour Notre-Dame, merci Kering, Total et LVMH pour votre générosité: nous sommes très attachés au lieu des funérailles de l'abbé Pierre", a tweeté la Fondation Abbé Pierre. "Mais nous sommes également très attachés à son combat. Si vous pouviez abonder 1% pour les démunis, nous serions comblés".


"Pas seulement un bâtiment"

Les dons aux associations ont baissé en 2018 de 4,2%, selon une enquête de France Générosités auprès d'un panel de 22 organisations caritatives. Une baisse imputée en grande partie à la hausse de la CSG qui a touché les retraités, traditionnellement généreux, ainsi qu'à la suppression de l'ISF car les assujettis donnaient volontiers pour réduire leur facture fiscale.

Interrogé à l'issue du Conseil des ministres, Edouard Philippe a balayé toute idée de polémique sur ce sujet. "Nous devons nous réjouir de ce que des personnes physiques très nombreuses et parfois très modestes, que des personnes physiques moins nombreuses et parfois très riches, que des entreprises souhaitent participer à l'effort de reconstruction", a-t-il observé. En faisant valoir que Notre-Dame "n'est pas seulement un bâtiment" mais est "au coeur de la France, au coeur de notre histoire".


 

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