En ce moment
 
 

Un gilet jaune est dans le coma à Paris: la grille qu'il venait de desceller avec d'autres manifestants lui est tombée dessus

Un gilet jaune est dans le coma à Paris: la grille qu'il venait de desceller avec d'autres manifestants lui est tombée dessus
 
 

Le troisième week-end de mobilisation des "gilets jaunes", décidés à maintenir la pression sur le gouvernement, a donné lieu à de nouvelles violences samedi à Paris et plus de 287 interpellations, au grand dam de manifestants venus exprimer leur colère dans le calme. Une centaine de blessés ont été répertoriés vers 21h. Un manifestant est dans le coma: une grille du Jardin des Tuileries qu'il venait de desceller avec d'autres "gilets jaunes" lui est tombée dessus.

Le troisième samedi de mobilisation des "gilets jaunes", décidés à maintenir la pression sur le gouvernement, a été perturbé par de nombreux casseurs venus affronter les forces de l'ordre. Des scènes de guérilla urbaine ont eu lieu à proximité des bâtiments du pouvoir politique français.

Des professionnels du désordre

Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a dénoncé samedi "une stratégie gérée par des professionnels du désordre" à l'issue d'une flambée de violences à Paris dans le sillage de la mobilisation des "gilets jaunes". "Il y a eu une stratégie gérée par des professionnels du désordre, des professionnels de la casse", a déclaré le ministre sur TF1 évoquant une situation en début de soirée désormais "plus apaisée", "mais pas totalement sécurisée" dans la capitale.


Une grille descellée tombe sur un gilet jaune: il est dans le coma

Faisant état de plus d'une centaine de blessés répertoriés à l'issue de cette journée de violences, le ministre a précisé qu'un "gilet jaune" était actuellement "dans le coma" après qu'une grille qu'il venait de desceller rue de Rivoli avec d'autres manifestants, lui est tombée dessus.

Alors que la préfecture de police de Paris faisait état vers 20h30 d'un bilan de 287 interpellations, le ministre a dénoncé "ceux qui étaient venus pour piller, pour casser, pour voler, pour blesser, pour tuer même".

M. Castaner a défendu la stratégie de maintien de l'ordre décidée à l'occasion de cette troisième journée de mobilisation nationale qui s'est traduite par l'ouverture des Champs-Elysées à la manifestation mais après des contrôles d'identité. "J'ai souhaité avec le Premier ministre tendre la main, dire cet axe est accessible mais pas aux casseurs. Ils ne sont pas rentrés. Ils sont restés du côté de l'Arc de Triomphe et ils ont attaqué tout de suite. Ils se sont camouflés en gilets jaunes", a affirmé M. Castaner. "Les casseurs sont malins. Ils mettent en avant des gilets jaunes classiques qu'ils ont emmenés avec eux, qu'ils ont échauffés pendant la journée et c'est eux qu'on arrête", a-t-il ajouté.

La plupart des 287 personnes "ne sont pas dans un profil de militant connu et reconnu, tout simplement parce qu'ils se sont faits avoir", a poursuivi Christophe Castaner.


Le calme revient progressivement en soirée

En début de soirée, de petits groupes de jeunes restaient postés sous l'Arc de Triomphe. Les principales artères situées à l'est de la place de l'Etoile, point de départ des violents heurts, étaient marquées par les mêmes scènes de désolation, après le passage de "gilets jaunes": distributeurs et vitrines détruits, boutiques de luxe pillées, arbustes arrachés, barricades érigées.

Une banque LCL a été complètement détruite par le feu en haut du boulevard Haussmann. Sur le très chic Faubourg Saint-Honoré, une voiture de police a été incendiée et une boutique de Champagne Nicolas Feuillatte pillée par des manifestants.

Avenue Hoche, quasi déserte vers 20H30, Frédéric, 34 ans, agent de nettoyage de Compiègne (Oise), se désolait de "se faire gazer depuis 09H00 ce matin", sans avoir eu "le temps de dire ce (qu'il) avait à dire".

Les scènes de violences urbaines se sont répétées toute la journée en plusieurs points de Paris, au grand dam de "gilets jaunes" et leurs soutiens venus protester pacifiquement.

Dans la soirée, la tension restait vive à Bastille où des poubelles ont été incendiés, des panneaux de signalement arrachés, a constaté une journaliste de l'AFP.

"Purée mais que se passe-t-il, ça fait peur", dit Anne-Charlotte, étudiante qui vit près de Bastille.

Certains policiers étaient infiltrés parmi les gilets jaunes, pour mieux cibler les casseurs. Mais à cet endroit, ils se sont fait repérer et ont du quitter rapidement les lieux :


Des scènes de guerres
 
a sent la Révolution": de l'Opéra à l'avenue Foch en passant par la rue de Rivoli et le boulevard Haussmann, plusieurs quartiers huppés de Paris étaient le théâtre samedi de scènes de guérilla urbaine en marge de la mobilisation des "gilets jaunes".

Tractopelle en feu, voitures retournées et incendiées, vélos en libre service arrachés, radars et lampadaires mis à terre, pavés jonchant la chaussée: plusieurs arrondissements cossus du centre et de l'ouest de la capitale étaient livrés au chaos, noyés dans des nuages de gaz lacrymogènes ou nappés d'épaisses fumées noires.

"Ça crame !!", hurle une adolescente avant de tourner les talons, alors que deux départs de feu commencent à prendre de l'ampleur boulevard des Capucines, haut lieu du shopping parisien.

Non loin de là, le boulevard de la Madeleine est recouvert de pavés et de briques arrachées. Un "A" cerclé, symbole de l'anarchie, a été tagué sur la vitrine d'une banque tandis que flotte dans l'air une persistante odeur de brûlé.
 
Sur la prestigieuse avenue Foch, une quarantaine de manifestants érigent des barricades avec des troncs d'arbre et des barrières, avant d'être aspergés de gaz lacrymogène et d'être repoussés par les forces de l'ordre. Plus loin sur l'avenue, un radar tombé à terre est piétiné par une cinquantaine de personnes.

Des drapeaux français, dont certains ont été hissés sur le toit de l'Arc de Triomphe, côtoient des drapeaux bretons ou ceux représentant des têtes de morts, certains automobilistes klaxonnent les manifestants ou agitent leurs gilets jaunes par leurs fenêtres.


Des manifestants se sont également brièvement introduits dans le Palais-Brongniart, ancien siège de la Bourse de Paris.

Ces scènes de violences urbaines se répétaient en plusieurs points de Paris, au grand dam de "gilets jaunes" et leurs soutiens venus protester pacifiquement.  "Je suis solidaire avec les gilets jaunes, mais j'ai envie de pleurer face à toute cette violence, ce gâchis", témoigne Fanny, infirmière libérale de 47 ans. "Ça sent la Révolution", dit-elle à une journaliste de l'AFP.

"C'est très impressionnant, je vois que la tradition révolutionnaire est toujours très prégnante en France", renchérit Augustin Terlinden, un Belge de 33 ans venu faire son jogging près de l'Arc de Triomphe. "La situation est hallucinante. Nos équipes me rapportent une situation insurrectionnelle", soulignait également auprès de l'AFP Antoine Berth, porte-parole du groupuscule de l'ultra-droite, Action française

Tous les mois, on finit avec 500 euros de découvert. Ça fait trois ans qu'on n'est pas partis en vacances

Depuis les premiers heurts résonnent de manière incessante des bruits d'explosions liés aux incendies de voitures et les sirènes de police et des camions de pompiers, sous le regard médusé de touristes en balade.

Avenue Raymond-Poincaré, envahie de fumée noire après la mise à feu de plusieurs voitures, l'intervention des pompiers se fait sous escorte des gendarmes et sous l'oeil de "gilets jaunes". "Vous savez, nous aussi on a du mal à finir les fins de mois, mais on n'a pas le droit de faire grève", glisse un membre des forces de l'ordre.

A un autre point de la capitale, un manifestant, gilet jaune sur le dos et crâne en sang, explique avoir "rencontré un flic". Selon le bilan communiqué peu avant 20H00, les affrontements ont fait 110 blessés, dont 17 parmi les forces de l'ordre.

"Il y a beaucoup plus de casseurs que la semaine dernière, c'est plus tendu", observe Romain, 39 ans, employé à l'Opéra de Paris, pour qui les dégradations sont "un mal nécessaire", "une manière de s'exprimer". "Avec des fleurs au fusil on n'arrive pas à grand-chose", lâche David, la trentaine, travaillant dans les travaux publics en région Rhône-Alpes.

Chantal, 45 ans, venue de Lorraine avec son mari et ses deux enfants approuve une "violence légitime", réponse selon elle "au silence de Macron". "Tous les mois, on finit avec 500 euros de découvert. Ça fait trois ans qu'on n'est pas partis en vacances", souffle cette fonctionnaire qui gagne 1700 euros par mois.


"Une insulte à la République"

"La volonté affichée et assumée de s'attaquer à nos forces de l'ordre, aux symboles de notre pays, sont une insulte à la République", a estimé M. Castaner.

Le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a au contraire dénoncé "un incroyable acharnement contre les manifestants pacifiques place de l'Etoile", accusant le pouvoir de chercher "un grave incident pour jouer sur la peur". Pour le porte-parole des Républicains (LR) Gilles Platret, "il est impératif" que l'exécutif "fasse un geste significatif en direction des justes réclamations des gilets jaunes".

Les forces de l'ordre ont ensuite repoussé les manifestants dans les avenues adjacentes, notamment Avenue Friedland où d'importantes dégradations ont été constatées par les journalistes de l'AFP.

Certains "gilets jaunes" se dirigeaient vers les Galeries-Lafayette ou le musée du Louvre. "Ils oseront pas nous gazer là-bas", disait l'un d'eux.


 
 
 


 
 

"Cela discrédite un combat légitime"

"Nous sommes un mouvement pacifique, c'est juste que nous sommes désorganisés, c'est le foutoir car nous n'avons pas de leader", déplorait Dan Lodi, retraité de 68 ans. "Il y a toujours des abrutis venus pour se battre, mais ce n'est pas du tout représentatif". "Il faut qu'il (Macron) descende de son piédestal, qu'il comprenne que le problème c'est pas la taxe, c'est le pouvoir d'achat. Tous les mois je dois piocher dans mon livret d'épargne", dénonçait Chantal, retraitée des Yvelines.

"Il y a une volonté de casse et ça discrédite un combat légitime qu'exprimaient beaucoup de gilets jaunes", a déclaré sur LCI la ministre de la Santé Agnès Buzyn.

Plus d'un millier de personnes défilaient également depuis la gare Saint-Lazare à l'appel du comité Adama créé contre les violences policières dans les quartiers populaires, a constaté un journaliste de l'AFP. "On vit les mêmes injustices sociales que les gens des milieux ruraux", a dit Sonia Chaouche, éducatrice dans le Val d'Oise.

Accrochages et gaz lacrymogènes à Bordeaux

Des heurts ont opposé samedi en fin d'après-midi à Bordeaux plusieurs dizaines de manifestants et les forces de l'ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogènes à l'issue de deux manifestations, dont celle des "gilets jaunes", qui ont rassemblé plus de 3.000 personnes, a constaté l'AFP. Les accrochages sont intervenus alors qu'une partie des manifestants tentait de s'approcher de l'Hôtel de Ville dont le périmètre était bouclé par des cordons de CRS.

Plusieurs dizaines de protestataires, dont certains portaient des gilets jaunes, et les forces de l'ordre ont échangé de façon sporadique pendant plus d'une heure jets de divers projectiles et gaz lacrymogènes. Quatre personnes ont été blessées, a constaté l'AFP. La préfecture n'avait pu confirmer en fin d'après-midi le nombre de blessés ni si des interpellations avaient été effectuées.

Ces accrochages sont survenus alors que la manifestation des "gilets jaunes", partie des quais de Garonne, convergeait avec la manifestation "contre le chômage et la précarité" à l'appel de diverses organisations dont la CGT. A la tombée de la nuit, le cortège syndical s'était éloigné de l'Hôtel de Ville et l'essentiel des "gilets jaunes" s'était dispersé dans les rues adjacentes.

Un face-à-face tendu persistait à quelques dizaines de mètres de la mairie, un cordon de CRS faisant face à quelques dizaines de manifestants.


Des incidents à Nantes

Quinze jours après l'acte de naissance des "gilets jaunes", la mobilisation réunissait à midi quelque 36.000 personnes sur l'ensemble de la France, dont 5.500 à Paris, selon les chiffres donnés par le Premier ministre Edouard Philippe. La première journée nationale, le 17 novembre, avait réuni 282.000 personnes, et la deuxième 106.000, dont 8.000 à Paris.

Ailleurs en France, plusieurs opérations de blocage et de filtrage étaient recensées notamment dans le Var au péage de Bandol sur l'A50 et dans les Bouches-du-Rhône aux barrières de péage de La Ciotat. Dans le Gard, des poids lourds bloquaient les plateformes logistiques de supermarchés à Nîmes.

A Nantes, une cinquantaine de "gilets jaunes" ont fait irruption à deux reprises samedi matin sur le tarmac de l'aéroport de Nantes Atlantique tandis que de brèves échauffourées ont éclaté à Strasbourg.

Dans le sud-ouest, les "gilets jaunes" ont lancé des opérations "barrages filtrants" à Cahors (Lot), et dans 7 villes du Tarn. Sur l'autoroute A9, les manifestants ont ciblé le péage du Perthus, à la frontière entre la France et l'Espagne.

"La taxe sur le diesel, c'est une goutte d'eau. Il y a trop d'inégalités, plus ça va plus on s'enfonce, nous et surtout nos enfants", a déclaré Chantal, 68 ans, retraitée du secteur public lors d'un rassemblement à Lyon.

Malgré l'annonce par Emmanuel Macron de prochaines mesures pour répondre à la "colère légitime" des manifestants, le mouvement qui a essaimé hors de tout cadre syndical ou politique engrange de nouveaux soutiens, notamment du côté de l'ultradroite.

Un "rassemblement des artistes" est aussi prévu devant la salle de l'Olympia à 14H00, à l'initiative de l'humoriste Gérald Dahan.


 

Vos commentaires