Emmanuel Macron, fondateur du mouvement En Marche!, et Marine Le Pen, du parti d'extrême droite Front national, se sont affrontés ce mercredi soir lors du débat d'entre deux tours.
Le débat télévisé entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron a viré à un duel virulent et souvent confus, les deux finalistes de l'élection présidentielle se rendant coup pour coup à quatre jours du second tour. Dès les premières minutes, ce débat a été lancé tambour battant. C'est la candidate du Front national qui a donné le "la" en la matière, ouvrant "2017, le débat" par une attaque directe contre le candidat d'En Marche!, qu'elle n'a eu de cesse de raccrocher au quinquennat sortant.
Le débat a donné lieu à une violente partie de ping pong entre M. Macron, sans note et planté dans les yeux de sa rivale, et Mme Le Pen, qui consultait très régulièrement ses dossiers. "Mensonges!", "grandes bêtises!", "Vous ne connaissez pas vos dossiers!", a accusé le premier. "Je vois que vous voulez jouer avec moi à l'élève et au professeur, mais ça n'est pas mon truc", a répondu la seconde.
Un débat très différent des autres
Habituellement, les candidats qui s'affrontent lors du face à face d'entre deux tours tentent d'endosser la posture présidentielle. Cela a beaucoup moins été le cas cette fois-ci. "Je pense que c'était le pire débat de l'histoire", a même commenté une analyste après l'affrontement.
Marine Le Pen s'est montrée très agressive, ricanant régulièrement durant les interventions d'Emmanuel Macron, et critiquant régulièrement son adversaire de façon personnelle. La candidate du Front national est restée dans son rôle de challenger et n'a pas endossé le costume solennel de présidente.
De son côté, Emmanuel Macron a tenté, lors des premiers échanges, de présenter un programme chiffré. Mais souvent interrompu, son discours est devenu moins clair et s'est éloigné du débat de fond. Cueilli à froid par les attaques de Marine Le Pen, quelque peu surpris, ce n'est que vers la moitié du débat qu'il a pris davantage de hauteur vis-à-vis des passes d'armes.
En fin de débat, chaque candidat avait droit à une "carte blanche". Marine Le Pen en a profité pour critiquer (à nouveau) Emmanuel Macron sur ses proximités avec le monde de la finance. "Votre carte blanche est révélatrice. Vous n'avez pas de projet pour la France, ce débat l'a prouvé", a rétorqué le candidat d'En Marche!.
La mise en bouche: Le Pen attaque personnellement Macron
Suite au tirage au sort, c'est à Marine Le Pen de commencer le débat. Emmanuel Macron attend patiemment son tour avec un sourire en coin. "M. Macron est le candidat de la mondialisation sauvage, de l'ubérisation, de la précarité, de la brutalité sociale, de la guerre de tous contre tous, du saccage économique notamment de nos grands groupes, du dépeçage de la France par les grands intérêts économiques, du communautarisme, et tout cela piloté par M. Hollande qui est à la manoeuvre maintenant de la manière la plus claire qui soit", a dénoncé la candidate FN.
"Vous avez démontré que vous n'êtes en tout cas pas la candidate de l'esprit de finesse, de la volonté d'un débat démocratique, équilibré et ouvert", a répliqué le candidat d'En Marche! "Je ne vais pas vous dire que vous êtes la véritable héritière non seulement d'un nom, d'un parti politique, du parti politique de l'extrême droite française, de tout un système qui prospère sur la colère des Français depuis tant et tant d'années", a ajouté M. Macron, "parce que ça ne m'intéresse pas". "Ce que vous portez, c'est l'esprit de défaite, c'est d'expliquer à nos concitoyens que c'est trop dur la mondialisation pour nous, c'est trop dur l'Europe, donc on va se replier, on va fermer les frontières, on va sortir de l'euro, de l'Europe parce que les autres y arrivent mais pas nous", a poursuivi l'ancien ministre de l'Economie, évoquant également la luttre contre le terrorisme. "Face à cet esprit de défaite, moi je porte l'esprit de conquête français", a-t-il ajouté.
Après cette introduction, le débat est passé au thème de l'économie et du chômage.
Economie et chômage: "Vous profitez de la détresse des gens"
Emmanuel Macron a accusé mercredi soir Marine Le Pen d'avoir "profité de la détresse des gens" lors de sa venue sur le site de l'usine Whirlpool d'Amiens, la semaine dernière. "Jamais, jamais je n'ai fait ce que vous avez fait l'autre jour, c'est-à-dire aller profiter de la détresse des gens", a déclaré le candidat d'En Marche!. L'ancien ministre de l'Economie a été le premier à rappeler cet épisode de la campagne, accusant la candidate du Front national d'être allée "passer un quart d'heure" sur le parking de l'usine "pour faire des selfies (...) avec les salariés".
"Ne soyez pas méprisant", lui a rétorqué Mme le Pen. "J'ai passé du temps avec eux. Ils m'ont très bien accueillie, parce qu'ils savent que ce qui les tue c'est la politique que vous menez (...) c'est la politique qui fait que l'Etat stratège n'intervient pas, laisse encore une fois les gros manger les petits", a argumenté cette eurodéputée.
"Vous ne les respectez pas. Moi, j'ai entendu la colère. J'ai passé des heures avec eux (...) Je suis allé au contact des salariés. Parce que c'est ça respecter les gens. Pendant que vous faisiez votre numéro avec les caméras, moi j'étais avec les représentants des salariés parce que je les respecte", a riposté M. Macron.
Dans un bassin d'emploi déjà durement touché, l'usine Whirlpool de production de sèche-linges d'Amiens (Somme) doit fermer en juin 2018, son activité de production de sèche-linges devant être délocalisée à Lodz (Pologne). Quelque 290 salariés, auxquels s'ajoutent 250 intérimaires employés quasiment en permanence et une centaine de salariés du sous-traitant pour les plastiques, Prima, installé sur le site même de l'usine, risquent d'être licenciés par le numéro deux mondial du gros électroménager.
Les salariés qui y voient une volonté de faire uniquement des profits, quand Whirlpool explique vouloir réaliser de "plus fortes économies d'échelle" et "sauvegarder sa compétitivité" dans un contexte "de plus en plus concurrentiel".
Le 5 avril, le secrétaire d'État à l'Industrie, Christophe Sirugue, avait fait à l'AFP d'une "quinzaine de marques d'intérêt" pour la reprise du site, majoritairement des candidats français.
Terrorisme: Macron accuse Le Pen de "porter" la "guerre civile"
Marine Le Pen a accusé Emmanuel Macron de "complaisance" sur le fondamentalisme islamique au cours d'un vif échange sur la sécurité et le terrorisme, lors du débat télévisé d'entre-deux-tours mercredi. Le lendemain de l'attentat sur les Champs-Elysées, "vous avez dit 'je ne vais pas inventer dans la nuit un programme contre le terrorisme'", a lancé la candidate du Front national à son concurrent. "Non seulement vous n'avez pas de projet, mais en plus vous avez une complaisance pour le fondamentalisme islamiste", a-t-elle poursuivi.
"Vous êtes constamment dans l'invective", lui a rétorqué le candidat d'En Marche!, qui l'a accusée de "porter" la "guerre civile". "Je serai intraitable et je mènerai la lutte sur tous les plans, mais le piège qu'ils nous tendent, c'est celui que vous portez, c'est la guerre civile", a-t-il affirmé.
Un vif échange les avait auparavant opposés à propos de la déchéance de nationalité pour les personnes liées au fondamentalisme islamique. "Il faut que l'on expulse tout de suite les fichiers S étrangers qui sont sur notre territoire. Tous ceux qui, étrangers sur notre territoire, ont un lien avec le fondamentalisme islamiste, dehors, dehors ! Tous ceux qui sont doubles nationaux, on mettra en oeuvre la déchéance nationale", a déclaré Mme Le Pen.
M. Macron a affirmé pour sa part que "les terroristes que l'on veut combattre, et que j'éradiquerai, ce sont des gens qui se suicident dans les attentats". "Quelqu'un qui est dans cette disposition d'esprit, vous pensez que la déchéance nationale brandie par Mme Le Pen ça le fait trembler?", s'est-il interrogé.
Emmanuel Macron a soutenu que la lutte contre la menace terroriste sera sa "priorité". "Les fichiers S ce sont des fichiers de renseignement", donc "tous les mettre en prison ou hors des frontières n'aurait pas de sens". "La clé c'est de renforcer le renseignement", a-t-il dit, affirmant vouloir "reconstituer les forces de renseignement".
Virulente passe d'armes sur la sortie de l'euro
Emmanuel Macron et Marine Le Pen se sont livrés mercredi soir à une virulente passe d'arme sur la sortie de la France de l'euro, s'accusant mutuellement de jouer avec "les peurs" lors du débat télévisé d'entre-deux-tours de la présidentielle.
"L'euro, c'est la monnaie des banquiers, ce n'est pas la monnaie du peuple", et "c'est la raison pour laquelle il faut que l'on arrive à s'arracher à cette monnaie", a affirmé la candidate du FN et eurodéputée, défendant son projet "essentiel" de passage d'une monnaie unique à une monnaie nationale.
"Une grande entreprise ne pourra pas payer en euros d'un côté et payer ses salariés de l'autre en francs. Ca n'a jamais existé, Mme Le Pen. C'est du grand n'importe quoi", a rétorqué le candidat d'En Marche!
Alors que la présidente du FN l'accusait d'agiter "le projet peur" comme pour le Brexit", M. Macron a répliqué : "qui joue avec les peurs de nos concitoyens? C'est vous (...) La grande prêtresse de la peur, elle est en face de moi".
Dénonçant le projet de sa rivale comme "mortifère", l'ancien ministre de l'Economie lui a lancé que son "bidouillage avec M. Dupont-Aignan n'a aucun sens, il manifeste une impréparation crasse". "Ma vision, c'est de construire un euro fort et une politique européenne forte et dans laquelle nous défendrons les intérêts de la France", a-t-il plaidé.
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