Privilégié par l'Etat français depuis plusieurs décennies pour des raisons de stratégie industrielle, le gazole bénéficie d'une série d'avantages fiscaux qui expliquent son omniprésence. Tour d'horizon de ces dispositifs et des réformes promises ou étudiées pour réduire la suprématie du diesel.
Quels dispositifs bénéficient au diesel?
Le principal avantage, par ailleurs le plus visible, a trait aux taxes appliquées aux carburants, dont la TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, ex-TIPP), inférieures de près de 20 centimes d'euros pour le gazole par rapport à l'essence. A la mi-octobre, un litre de SP95 hors taxe valait en moyenne 0,44 euro et un litre de gazole 0,43 euro, alors que les prix à la pompe étaient respectivement de 1,10 et 1,29 euro.
Le diesel profite aussi du mécanisme de déduction de TVA, qui permet aux entreprises de récupérer 80% des taxes sur le carburant consommé pour les véhicules de tourisme, et 100% pour les utilitaires. Un régime non applicable aux véhicules "essence", ce qui explique le taux de "diésélisation" des voitures d'entreprises, proche de 96%.
Autre dispositif, qui joue indirectement: la taxe sur les véhicules de sociétés (TVS), instaurée en 2006. Calculée selon la puissance fiscale du véhicule, c'est-à-dire sa puissance en chevaux et ses émissions de CO2, cette taxe favorise les véhicules diesel, certes plus polluants (émissions d'oxydes d'azote et de particules fines réputées cancérigènes) mais qui émettent moins de CO2 qu'un moteur essence à puissance équivalente.
Le diesel bénéficie enfin du système de bonus-malus écologique, appliqué depuis 2008 sur les ventes de véhicules neufs, et de la taxe additionnelle appliquée sur les certificats d'immatriculation. Les pénalités, en effet, sont là aussi appliquées en fonction des émissions de CO2, ce qui favorise de facto le gazole.
Quelles sont les réformes prévues ou étudiées?
Pour mettre fin à la "diésélisation massive" du parc automobile, Manuel Valls a annoncé "un rapprochement en cinq ans" de la taxation sur le gazole et sur l'essence. Concrètement, les taxes sur le gazole augmenteront d'un centime par litre l'an prochain, pendant que celles sur l'essence seront réduites du même montant. Puis rebelote en 2017, et ainsi de suite.
Ce projet sera voté dans le cadre du projet de loi de finances rectificatives, qui devrait être débattu mi-novembre au Parlement. "Pour que le rapprochement ait vraiment lieu, il faudra ensuite que les taux soient votés, année après année", explique toutefois à l'AFP Guillaume Sainteny, enseignant à l'Ecole polytechnique et spécialiste d'écofiscalité.
Quid des autres dispositifs, dont le remboursement de TVA aux entreprises ? Mercredi, Ségolène Royal a jugé "légitime" de réfléchir à cette question. Interrogé sur BFMTV, Manuel Valls a refusé jeudi matin de se prononcer, tout en assurant qu'il pourrait y avoir "toute une série d'autres mesures techniques" sur le diesel.
Une modification du régime de déduction de TVA impliquerait en effet de revoir la législation européenne, qui empêche actuellement d'aligner le régime de l'essence sur celui plus favorable du gazole. "Ca prendrait du temps mais ce n'est pas insurmontable", estime toutefois Guillaume Sainteny.
Quel impact financier faut-il attendre des réformes?
En théorie, la baisse des taxes sur le gazole est compensée par une hausse des taxes sur le sans plomb. Mais dans les faits, un rapprochement de la fiscalité diesel-essence ne sera pas neutre pour les recettes de l'Etat, le diesel représentant 80% des ventes de carburant en France.
Selon Bercy, la réforme rapportera ainsi 245 millions d'euros supplémentaires à l'Etat, chaque année. François Hollande ayant promis de ne plus procéder à des hausses d'impôts jusqu'à la fin de son mandat, le gouvernement a annoncé qu'il baisserait de façon proportionnelle les impôts locaux des contribuables modestes, et notamment des retraités.
Si le gouvernement décidait de généraliser la TVA déductible par les entreprises, pour mettre fin au régime d'exception dont bénéficie le gazole, l'impact budgétaire serait à l'inverse négatif, mais dans des proportions limitées, au vu du faible nombre de voitures "essence" dans les entreprises. Selon l'Observatoire des véhicules d'entreprises, cette mesure coûterait ainsi entre 15 et 20 millions d'euros par an à l'Etat.
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