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Le Roi a accepté la démission de Koen Geens: "Il faut pouvoir avouer un échec"

 
 

Koen Geens (CD&V) a présenté sa démission au Roi Philippe ce vendredi soir. Le souverain l'avait chargé d'une mission le 31 janvier dernier.  L'objectif: tenter de sortir le pays de la crise politique et faire avancer la formation d'un gouvernement fédéral. Deux semaines plus tard, la mission se termine sur un constat d'échec.

La situation s'est emballée ce vendredi après des déclarations dans la presse de Paul Magnette, président du PS. Koen Geens devait présenter son rapport au Roi lundi, mais il a décidé de se présenter au Palais de Bruxelles dès ce vendredi 18h, soit trois jours plus tôt. Vers 18h45, le Palais royal nous a transmis un communiqué officiel: "Sa Majesté le Roi a reçu Monsieur Koen Geens en audience au Palais de Bruxelles. Il a remis au Roi un rapport final et a demandé d’être déchargé de sa mission. Le Roi a accepté sa démission et exprimé son appréciation pour ses efforts et le travail réalisé. Le Roi entamera lundi des consultations".

Il faut pouvoir avouer un échec

 

À 19h15, Koen Geens s'est présenté devant la presse. Après avoir présenté le contenu et le résultat de sa mission (voir la retranscription ci-dessous), il a répondu aux questions des journalistes. C'est à ce moment que ses déclarations les plus importantes ont été faites. Koen Geens a affirmé (en néerlandais) qu'il avait "le sentiment qu'un véto définitif a été prononcé contre la N-VA par le PS". "Il faut pouvoir avouer un échec", a-t-il encore confié.

"Il est clair, en tout cas pour cette législature: le PS ne veut pas d'une coalition avec la N-VA. Et si c'est ça que j'ai pu contribuer à l'avenir du pays, c'est très bien. Mais je le regrette profondément, parce que je suis convaincu que pour la conciliation des deux côtés du pays, la meilleure chose aurait été qu'on contribue à cette formule. Mais j'en prends acte, je sais avouer un échec", a encore réagit Koen Geens. "Ça sera je crois à quelqu'un d'autre de voir si une autre formule peut être ressuscitée, ou si une autre formule est encore possible".

Juste avant de quitter la conférence de presse, notre journaliste Frédéric Delfosse a demandé à Koen Geens s'il estimait qu'on se dirigeait vers de nouvelles élections. Voici sa réponse: "En aucun cas pour ma part on va vers des élections et je ferai tout, comme je l'ai dit, pour les éviter et pour contribuer à les éviter".

L'explication de Koen Geens sur sa mission:

"J'ai rendu un rapport final au Roi sur la mission royale dont il m'avait chargé le 31 janvier dernier. Le Roi a accepté ma démission et donc j'aimerais maintenant vous rapporter sur ce que j'ai fait lors de ces deux dernières semaines car comme vous le savez, j'ai tout fait pour garantir la discrétion et la confiance de cette mission. D'abord je veux remercier le Roi pour la confiance dont j'ai pu bénéficier de sa part et surtout je veux remercier aussi les autres partis pour leur confiance et leur discrétion. Tout le monde sait que je travaille toujours selon un schéma qui est bien préparé et avec des garanties maximales pour le résultat. Ce n'est donc pas parce que la mission n'a pris que deux semaines que nous n'avons pas obtenu le maximum de résultat. Vous savez que depuis le 31 janvier jusqu'au 10 février j'ai reçu tous les partis et leurs présidents tout seul, pour comprendre exactement quelles étaient les chances d'aboutir selon eux et dans quelle perspective ils pouvaient s'inscrire. Alors j'ai fait part lors de mon rapport intermédiaire au Roi, le lundi 10 février, je lui ai fait part d'une note qui serait la base de discussions de la semaine qui s'est écoulée aujourd'hui, et dont j'avais l'intention de la faire se terminer lundi prochain. Evidemment je n'ai pas informé tout un chacun des plans que j'avais et le calendrier exact qui était prévu. Mais il était bien prévu au début de la semaine de sorte que mon rapport pour lundi ait été encore plus détaillé que ce que j'ai pu dire au Roi aujourd'hui".

"J'ai donc dans cette note essayé de parler de tous les éléments essentiels. De la politique socio-économique, de la sécurité, la migration, de l'énergie, de la mobilité. Sur ce qui était possible et chaque proposition était basée sur des chiffres assez concrets. J'ai donc eu ces discussions sur base de la note dans la plus grande discrétion et avec la garantie des partis en question, qu'ils ont bien respectée, qu'ils ne divulgueraient pas l'information. Malheureusement, je n'ai pas pu voir tous les partis cette semaine sur base de cette note et les chiffres budgétaires, parce qu'un parti s'est montré particulièrement non favorable d'une alliance avec un autre parti, comme vous avez pu l'entendre. Malheureusement, je n'ai donc pas pu voir tous les partis parce que la discrétion et la confiance sont tellement essentielles que je trouvais que continuer dans cette voie n'était plus utile après les déclarations qui ont été données lors des derniers jours. Il est vrai que je croyais bénéficier de la confiance des deux plus grands partis pour former une alliance avec eux et l'axe central MR-CD&V. Dès qu'il s'avère que cette confiance n'est plus possible, il n'était pas, pour moi, encore utile d'encore consulter tous les autres partis pour informer le Roi davantage. Ça ne veut pas dire que je n'ai pas vu beaucoup de partis, que ça n'aurait pas été mon souhait de le faire. Mais malheureusement vous savez tous comment le monde fonctionne de nos jours. Les déclarations qui ont été données m'ont rendu impossible la continuation de ce processus".

"Pour ce qui me concerne, tout le monde sait que je suis un homme du consensus et de la conciliation, et que donc je continuerai à œuvrer dans le bon sens pour que notre pays ait bientôt un gouvernement. Je crois que le travail qu'on a fait sur base de la note et des prévisions financières dont nous disposions reste très utile, je l'ai donc transmis au Roi qui en fera le nécessaire dans le cadre des consultations qui vont suivre dans les jours qui viennent".

Geens avait pris le relais de Bouchez et Coens

Le 31 janvier, le Roi avait confié à Koens Geens la mission de "prendre les initiatives nécessaires permettant la mise en place d'un gouvernement de plein exercice". Il avait alors succédé au duo d'informateurs Joachim Coens (CD&V) et Georges-Louis Bouchez (MR) dans les efforts en vue de négociations formelles de formation d'un gouvernement fédéral. Lundi dernier, le Palais avait annoncé prolonger d'une semaine la mission confiée au vice-Premier ministre. Son prochain rapport était donc attendu le 17 février, lundi prochain.

Des mois d'informations et de négociations... sans succès

Durant plusieurs mois après les élections de mai dernier, des missions d'information et de préformation, puis une mission royale sans nom, se sont succédées sans permettre un déblocage de la situation, entre un PS qui répète l'incompatibilité de son programme avec les exigences de la N-VA et un CD&V qui refuse d'envisager une "Vivaldi" avec les socialistes, les libéraux et les verts.

A l'issue de sa mission d'information en duo avec le tout frais président du MR, le CD&V Joachim Coens avait encore souligné en début de mois que l'objectif restait pour les chrétiens démocrates flamands de rassembler la N-VA et le PS, soit les plus importants partis des deux principales communautés linguistiques, dans une même majorité au fédéral. Cet axe semble pourtant avoir été abordé sous tous les angles, sans succès jusqu'ici.

Une coalition fédérale sans la N-VA signifierait automatiquement une alliance ne bénéficiant pas d'une majorité dans le nord du pays, ce que refuse d'envisager le CD&V.

Le 31 janvier, les observateurs attendaient que le Roi lance le président des nationalistes flamands Bart De Wever dans l'arène, après que Coens et Bouchez avaient rendu leur tablier d'informateurs, mais le souverain avait surpris en confiant une mission à Koen Geens.

Suite aux déclarations du PS et de la N-VA

Ce rendez-vous précoce avec le Roi, Koen Geens l'a expliqué par les propos de Paul Magnette. Le président du parti socialiste a rappelé ce vendredi en radio et dans la presse son désamour pour une coalition rassemblant PS et N-VA au fédéral. "On commence à en avoir vraiment assez de cette situation. Les réunions avec la N-VA ne conduisent à rien. J'en ai marre", a-t-il affirmé. En réponse, le président des nationalistes flamands Bart De Wever a dénoncé un "diktat" des socialistes.

"On cherche tous un peu d'amour à la #saintvalentin. Je souhaite à tous une journée remplie d'amour avec la musique suivante #chansonspourlesnégociations", avait tweeté le ministre de la Justice Koen Geens, citant la "Chanson des vieux amants" de Jacques Brel.

Vendredi, c'était plutôt Gainsbourg et "Je suis venu te dire que je m'en vais" qui sonnait aux oreilles. "Nous en sommes à une cinquantaine de réunions, dont 25 directement avec Bart De Wever et moi, qui durent parfois 3 ou 4 heures, parfois plus longtemps... A titre personnel, négocier avec des nationalistes avec lesquels nous n'avons rien à voir, cela devient un vrai supplice", a assuré M. Magnette. "J'en ai assez de cette situation. Cela fait huit mois, je ne compte même plus les milliers d'heures de réunions, les journées, les soirées, les nuits, les week-ends, sans que cela avance. Simplement parce que certains veulent seulement tester une alliance avec le PS et la N-VA. Combien de fois devrai-je encore dire que le PS n'a aucune envie de gérer avec eux? ", a martelé le Carolo.

Pour le PS, d'autres formules de coalition existent, y compris sans lui. "Entre accepter n'importe quoi et les élections, on préfère que le peuple se prononce", a-t-il ajouté, estimant que "les élections, c'est l'acte suprême en démocratie. Il n'y a rien de plus beau que de demander au peuple de trancher".

"Nous prenons acte du diktat du PS", a vertement rétorqué le président des nationalistes flamands Bart De Wever. "Le 3e parti du pays (en réalité le 2e parti mais le 3e groupe à la Chambre derrière Ecolo-Groen, ndlr) pense pouvoir dicter sa loi à tout le monde et mener des négociations dans les médias. Contrairement à ce que souhaite l'électeur flamand, il veut un gouvernement le plus à gauche possible, sans majorité en Flandre. Le PS veut même provoquer des élections, dans l'unique espoir d'affaiblir la N-VA et de se renforcer", a-t-il ajouté, énumérant une nouvelle fois les points de son programme aux antipodes de celui du PS.

Dans les autres partis, on compte les points tout en fustigeant le retour envisagé à la case élections. "Les Belges ont voté, la population veut légitimement un #begov, le Pays a besoin de stabilité. Alors, pourquoi remettre sa tête sur une affiche si on est pas capable de prendre ses responsabilités et de conclure des accords? ", s'est interrogé le président du MR Georges-Louis Bouchez sur Twitter.

"Menacer d'un retour aux urnes sur l'air de 'retenez-moi ou je fais un malheur' n'est pas responsable. Ne jouons pas avec l'avenir du pays sinon le vrai supplice sera pour la population", a renchéri le président du cdH Maxime Prévot. Côté néerlandophone, le président du sp.a, Conner Rousseau, indiqué que son parti n'était "pas impatient" de retourner à de nouvelles élections. "Les gens ont déjà choisi et en ont assez. Moi aussi. Ceux qui n'osent pas trouver de solutions le feront encore moins après les nouvelles élections", a estimé le président des socialistes flamands. La présidente de Groen Meyrem Almaci demande, elle, aux partis d'assumer leurs responsabilités, dans l'intérêt des citoyens et du pays", ajoutant avoir toujours été constructive. Les deux partis considérés comme pivots dans la constitution d'une coalition, à savoir le CD&V et l'Open Vld, sollicités par Belga, ont préféré "The sound of silence" à "la chanson des vieux amants" et n'ont pas souhaité réagir.


 

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