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Une SDF agressive squatte le sas d'une banque à Marchienne-au-Pont: "On ne sait rien faire"

Une SDF agressive squatte le sas d'une banque à Marchienne-au-Pont: "On ne sait rien faire"
 
 

Il n'est pas rare de voir un sans-abri faire d'un coin de rue ou même d'un sas d'agence bancaire son lieu privilégié. Certains y passent la nuit, d'autres la journée... Dans certains cas, leur présence devient gênante. Mais à qui faire appel pour les déloger? Que faire s'ils refusent de partir ou de se diriger vers un abri pendant la nuit? C'est le cas à Marchienne-au-Pont. Habitants, policiers, services sociaux... Tout le monde semble bien désemparé si la personne a décidé de ne pas obtempérer.

Entrée de garage, hall d’immeubles, parking souterrain… Nombreux sont les endroits où certains sans-abri s’établissent à courte ou longue durée. Depuis plusieurs mois, c’est dans une agence de la banque Belfius à Marchienne-au-Pont qu’une dame d’une quarantaine d’années a décidé de s’installer. Au grand dam des clients et des gérants.

"Cette personne a d'abord été priée gentiment par le personnel de quitter les lieux", nous explique une cliente de la banque, en nous contactant via la page Alertez-nous. "Mais dès que l'agence ferme, elle revient pour y passer la nuit."

Cette cliente est embêtée par cette situation. Elle aurait pu passer au-dessus de cette présence et de "l’odeur épouvantable" occasionnée selon ses dires par la dame si celle-ci n’avait pas un comportement "agressif et très inquiétant". "Elle insulte régulièrement le personnel, les clients… Elle crache même à la figure des gens!", nous raconte-t-elle. 

Pour la cliente, cette situation est inadmissible. "C’est inacceptable aussi bien pour le personnel, pour la clientèle dont je fais partie, que pour cette dame elle-même".


"Nous sommes totalement impuissants"

Dans un premier temps, c’est le directeur de l’agence qui a tenté de déloger la personne. Mais en réponse aux demandes de notre alerteuse, il s’est dit démuni face à la situation. 

Nous avons pris contact avec l’agence Belfius, qui malheureusement, n'était pas autorisée à nous en dire plus. Malgré tout, une personne nous a confirmé que le personnel se trouvait fort désemparé et "totalement impuissant" face à ce problème. "On ne sait rien faire. On appelle la police, les services sociaux, elle revient quoi qu’il arrive."


La police n'emploira pas la force pour la déloger 

La police locale, que nous avons contactée, est également au courant de ce problème. Le commissaire Léonard nous précise que cette dame a été interceptée plusieurs fois mais que lui et ses équipes n’ont pas le pouvoir de la faire sortir définitivement et qu’il n’y a aucune raison qu’ils emploient la force pour y parvenir.

"Cette dame est une malheureuse d’une quarantaine d’années, d’origine portugaise, qui zone dans le sas de la banque. Elle est très faible", nous explique le commissaire.  Il sait bien de quoi il parle, puisqu’il fréquente lui-même cette agence bancaire située sur la place Albert Ier à Marchienne-au Pont.


"La pauvre parle toute seule et génère un climat d'insécurité"

"Un soir, une dame effectuait un retrait et j’étais présent. Je suis resté à sa demande pour la sécuriser", nous raconte-t-il. "La pauvre sans-abri parlait toute seule, ca génère un climat d’insécurité."

Les clients peuvent contacter la police en cas de problèmes. Le commissaire dit aussi répondre à chaque demande de l’agence. "A chaque fois qu’on est face à ce genre de cas, on invite la personne à se diriger vers des maisons d’accueil, des centres, le CPAS…", explique le commissaire Léonard. "Nous avons donné plusieurs fois à cette dame de la place Albert Ier les coordonnées de services d’aide, mais elle n’en veut pas."

"Dernièrement, un SDF s’est même pris deux seaux d’eau de la part de l'agent d’une autre banque de Charleroi qui voulait le déloger", raconte l’employée du CPAS. Le commissaire Léonard, de la police locale de Marchienne-au-Pont, a lui aussi eu vent de cette histoire qui a fait grand bruit dans le quartier. "La dame de la banque ne peut pas faire ça", souligne-t-il pour informer ceux qui douteraient du contraire.

"Dans un lieu privé, les propriétaires restent maîtres"

Malgré les diverses interventions de la police, la dame revient quotidiennement dans le sas de l'agence. Les responsables du lieu peuvent-ils exiger que la sans-abri ne mette plus les pieds dans leur espace ?

David Quinaux, le porte-parole de la police de Charleroi, relève que "le sas public d’une banque reste un lieu privé, les propriétaires restent maitres. Si une personne est gênante, les propriétaires peuvent nous appeler pour déloger la personne. Les clients de la banque aussi peuvent faire appel aux services de police."

Si malgré une intervention des services policiers, la personne persiste à rester ou revenir là où elle n’est pas la bienvenue, les forces de l’ordre prennent d’autres mesures. "Dans ce cas-là, la personne peut être privée de liberté administrativement. On peut aussi utiliser la force", explique le porte-parole.

Dans l’agence de Marchienne-au-Pont, personne n'a envie d'en arriver là. Même si le commissaire Léonard a conscience que la présence de cette indésirable peut importuner des clients, il souligne qu’elle n’est, selon lui, pas dangereuse. "Pour moi, il n’y a pas de caractère de dangerosité. Elle n’a commis aucun fait répréhensible", explique-t-il. "L’autre jour, elle a écrasé son mégot de cigarette sur un mur, mais c’est tout", raconte-t-il. "Pour cela, une équipe est venue dresser un procès-verbal."


"La police a d’autres chats à fouetter, c’est Charleroi ici, hein !"

David Quinaux, le porte-parole de la police de Charleroi, entre agacement et lassitude, pense que le problème est plus large que le simple squattage. "Qu’est-ce que vous voulez faire ? Ils sont des centaines dans le cas à Charleroi. Les services de police ne savent pas s’occuper de ce genre de problèmes en profondeur", lance David Quinaux.  

A chaque appel, une patrouille est envoyée, explique le porte-parole. "Et chaque fois qu’on croise un sans-abri, on lui remet les coordonnées d’un abri de nuit, mais c’est sur le fond qu’il faut trouver solution. Le souci est plus large que ça. Que faire contre les gens qui sont marginalisés ?"

Le porte-parole s’en soucie, mais ce n’est pas son travail de trouver une solution. "Nous, on s’occupe de ne pas attiser les feux mais on ne sait rien faire pour ne pas que la flamme prenne… On a d’autres chats à fouetter, c’est Charleroi ici, hein !"


Le CPAS, impuissant lui aussi

Selon notre alerteuse, "les services sociaux ont aussi tenté une approche". Mais comme l’a constaté la police de son côté, la sans-abri refuse toute aide.

Nous avons contacté la cellule SDF du CPAS de Charleroi, qui a l’habitude de faire face à ce genre de situation. "Cela arrive régulièrement qu’un SDF refuse de partir. Il y a énormément d’endroits où les SDF squattent à Charleroi", confirme le CPAS.


Le sas d'une banque, plus confortable qu'un abri de nuit?

Mais pourquoi certains sans-abri persistent à rester dans des lieux où ils ne sont pas le bienvenu, alors que de nombreuses structures d’accueil existent pour répondre à leurs besoins, de jour comme de nuit ?

La cellule sans-abri du CPAS de Charleroi tient à mettre les choses au point. "Contrairement à ce que certains pensent, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de place dans les abris que les SDF continuent de squatter des lieux privés et publics. Tout le monde a le droit de venir", explique la cellule. "Il n’y a aucune condition, n’importe qui peut y aller."

Selon l’employée du CPAS, le problème est tout autre. "Ils consomment énormément d’alcool et sont presque tous toxicomanes", remarque-t-elle. "Mais dans les abris de nuit, ce comportement n’est pas autorisé."


"Il y a généralement toujours de la place quelque part" 

A Charleroi, les abris de nuit ouvrent à 21 heures. "Ceux qui sont nouveaux sont prioritaires. Pour les autres, quand c’est possible, ils entrent. Il y a généralement toujours de la place quelque part, surtout en cette saison : le plan hiver propose des places supplémentaires jusqu’au 31 mars."

Bien sûr, dans certains cas, l’accès est refusé. "Parfois, ils ont été sanctionné à cause d’un comportement qu’ils ont eu", explique la cellule SDF. Il arrive aussi que leur état les empêche d’avoir accès aux services. "S’ils sont sous influence : ça se fait au cas par cas mais il est certain que quelqu’un qui est complétement bourré ne pourra pas entrer", précise le CPAS de Charleroi.

A Charleroi, les associations et structures sont nombreuses pour venir en aide aux démunis. Mais s’ils font le choix de ne pas en profiter, personne ne pourra leur forcer la main.


"J’ai moins peur pour moi que pour elle" 

Mais notre alerteuse insiste et pense que le cas pour lequel elle nous a contactés est un peu différent. Si elle s’inquiète de la présence d’une sans-abri dans son agence bancaire, c’est moins pour son confort personnel que pour celui de la sans-domicile fixe.

Selon la cliente qui nous a contactés, il est temps que quelqu’un la prenne en charge, avec ou sans sa volonté car pour elle, il semble clair que la squatteuse de l’agence de la place Albert Ier a un problème psychiatrique et n’est pas en mesure de prendre la bonne décision. "En plus d’être agressive, elle parle toute seule et a des comportements étranges. Elle se met en vitrine avec un pot de confiture et se lèche les doigts en regardant les passants par exemple", raconte notre correspondante. "Je pense aussi qu’elle est en danger. Elle est dangereuse pour les autres mais surtout pour elle-même. J’ai peur pour elle."


"Elle est agressive et on risque de s'en prendre à elle"

Des clients agacés ont, selon la cliente, répondu à l’agressivité de la sans-abri par la force. "Un homme lui a déjà donné un coup de poing", raconte-t-elle. "D’autres risquent un jour de s’en prendre à elle", soutient notre alerteuse.

Le CPAS peut-il contraindre la sans-abri de la place Albert Ier à se faire soigner? La cellule SDF tient à préciser que dans chaque cas, il est absolument nécessaire d’évaluer si le problème est psychologique ou plutôt dû à la consommation d’alcool et/ou de stupéfiants. Malheureusement, selon le CPAS, c’est souvent pour cette deuxième raison que des comportements étranges sont relevés. "Si une personne est sous influence et qu’on tente de la mettre dehors elle peut devenir très agressive. Mais on ne peut pas conclure par là qu’elle a un problème mental", tempère le CPAS.

La cellule SDF n’a pas été en mesure de nous dire si la prétendue démence la dame de Marchienne-au-Pont était due à l’alcool ou pas. Cependant, elle indique qu'elle est certainement suivie par le CPAS.


"Il y a vraiment tout ce qu'il faut pour les aider à s'en sortir"

Même si elle "loge" dans son sas, le CPAS suit le cas de cette sans-abri de près. La cellule SDF de Charleroi explique que "la dame de l’agence Belfius" bénéficie certainement du revenu d’Intégration sociale. Le commisaire Léonard nous a confirmé que cette sans-abri était au CPAS et bénéficiait de ces avantages.  Selon la cellule SDF, "seuls les réfugiés et les personnes sans papiers n’ont pas droit au revenu d'intégration sociale."

Tous les 15 jours, elle doit donc passer au CPAS de Charleroi où sa situation est suivie et analysée. "Sur place, ils peuvent bénéficier des services de psychologues, d'assistants sociaux, il y a vraiment tout ce qu'il faut pour les aider à s'en sortir. A Charleroi, il y a énormément de structures d’aides mises en place, c’est aussi pour ca que plusieurs personnes viennent ici."


"On ne les laisse pas là sans aller les voir" 

Le matin tout le monde doit évacuer les abris de nuit mais d’autres structures et associations sont là pour les accueillir. A Charleroi, ils peuvent par exemple se diriger vers "le rebond", un espace d'accueil, d'hygiène ou encore de santé, où des personnes sont également disponibles pour les aider dans leurs démarches ou leurs projets.  

Bien-sûr, certains refusent de se rendre au CPAS deux fois par mois. "On ne les laisse pas là sans aller les voir", souligne la cellule SDF de Charleroi. "Des équipes sont en rue matin et soir. On sait que beaucoup de personnes trouvent refuge dans le sas des banques. On passe dans ces lieux stratégiques. Dans la rue, nous avons même des psys, des infirmières, des urgentistes…".


Le nombre de bénéficiaires du revenu d’intégration a explosé 

En 2015, selon les derniers chiffres du SPP Intégration Sociale, le nombre de bénéficiaires du revenu d’intégration a explosé. "Le nombre de personnes venues frapper à la porte des CPAS durant le premier semestre de 2015 en vue d'obtenir un revenu d'intégration dépasse de 11% le nombre de personnes que nous avons pu aider pendant la totalité de l'année 2014". Julien Van Geertsom, le président du SPP IS, expliquait en décembre 2015 que ce nombre est même supérieur à ce qu'ils ont pu constater lors des retombées de la crise économique et financière.

Le premier semestre 2015, la Belgique comptait en moyenne 114.195 bénéficiaires du revenu d'intégration sur une base mensuelle, une hausse de plus de 11% par rapport à la moyenne mensuelle de 102.646 bénéficiaires en 2014. La Wallonie présente l'augmentation la plus marquée, avec 15%, devant la Flandre (+8,7%) puis Bruxelles (+7,7%). 


Comment expliquer cette hausse?

Mais comment expliquer cette hausse? Selon le SPP, il s’agit là en grande partie des retombées de la réforme de la politique en matière d'emploi.  La limitation de l'allocation d'insertion n'a produit ses effets qu'à partir du 1er janvier 2015.  La tendance ne risque pas de s'inverser, note le SPP Intégration Sociale, en raison cette fois du nombre de réfugiés reconnus. 

La situation à laquelle la cliente fait face dans son agence bancaire n'est pas rare et même si elle se solutionne, un autre sans-abri viendra peut-être remplacer la dame qui y a trouvé refuge actuellement. La colère du porte-parole de la police de Charleroi, elle, ne risque pas de s'atténuer non plus. Dans sa région comme dans toute la Wallonie et ailleurs en Belgique, les clients et autres passants importunés par des sans-abris devront prendre leur mal en patience, à moins que comme l'espère le porte-parole de la police de Charleroi, une solution de fond soit trouvée d'ici là. 


 

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