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Quand 20€ d'essence vident votre compte en banque jusqu'au lendemain: "Scandaleux mais véridique"

 
 

Michael n’en revient pas: "J'ai mis 20€ d'essence avec ma carte de banque. Il aurait dû me rester 160€ sur mon compte mais il était complètement vide", nous relate-t-il. Michael, comme nombre de nos concitoyens, n’était simplement pas au courant d’une pratique en vigueur dans chaque station-service du pays: la réservation. Si la plupart du temps cette pratique est instantanée et donc indétectable, il arrive qu’un délai empêche l’acheteur d’essence d’utiliser l’argent de son compte jusqu’au lendemain. Explications.

Michael a pris contact avec la rédaction de RTLinfo.be via notre page Alertez-nous. L’homme était scandalisé par la mésaventure qu’il venait de vivre. Il s’est légitimement senti floué, volé, alors qu’en fin de mois, l’argent vient parfois à manquer… Michael étant client chez bPost Banque, c’est logiquement vers celle-ci qu’il s’est tourné. Voici la lettre qu’il lui a envoyée :

"Aujourd'hui, mercredi 29 mai 2013 entre 12h00 et 12h15, j'ai mis de l'essence avec ma carte Maestro à la station Esso (Rue Borchamps 6, 6900 Aye) et ce pour un montant de 20 euros et quelques cents. Ce soir, lorsque je devais faire des courses et ai vérifié mon compte, quelle ne fut pas ma surprise de constater que ce dernier avait été complètement vidé! (…) Au call center de bPost Banque, on m'a confirmé que : Premièrement, j'avais bien pris de l'essence dans la station pour un montant de 20 euros. Deuxièmement, que mon solde était effectivement à 0. Troisièmement, que le montant qui aurait dû être disponible de 160 euros avait été retiré de mon compte pour constituer, je le cite: "une provision au cas où je ne paierais pas mon plein, et ce par Esso"!"

"Solde insuffisant"

Ce soir-là, Michael a eu la désagréable mésaventure de voir le terminal bancaire de son supermarché lui afficher "solde insuffisant". Une fois de retour chez lui, il a constaté sur son ordinateur que si la case "solde restant" de son compte affichait bien environ 160€, la case "solde disponible" n’affichait que 0€. Concrètement, le fait qu’une provision d’argent ait été constituée lors du plein de carburant est une pratique normale. Ce qui ne l’est pas dans le cas de Michael, c’est la durée durant laquelle son argent est resté bloqué.

Tous les automobilistes de Belgique concernés

La pratique méconnue s’appelle la réservation. C’est une procédure appliquée dans toutes les bornes de paiement extérieures de toutes les stations-services de Belgique. Il s’agit d’un dispositif mis en place par Bancontact/Mister Cash (ex-Banksys, racheté par Atos Worldwide) ou par Maestro (Mastercard), le système utilisé pour les paiements internationaux dans le monde entier. Maestro est un nouveau venu sur le marché de l’acquiring en Belgique depuis la libéralisation du secteur dictée par le SEPA.

"Avec Bancontact/Mister Cash, ce sont toujours 375€ maximum qui sont réservés. Avec Maestro, par contre, la limite est définie par le commerçant lui-même", explique Frédéric Jonnart, le directeur marketing & sales de bPost Banque. En effet, les stations-services ayant opté pour l’opérateur Maestro peuvent choisir un montant maximal réservé allant "de 125€ à 300€. Une petite station de village optera souvent pour 125€, tandis qu’une station d’autoroute choisira de monter à 300€ puisque des camionneurs sont susceptibles d’y faire le plein", confirme David Dechamps, le manager général de Mastercard pour le Benelux.

Pour ne pas partir sans payer

Pourquoi a-t-on mis en place cette réservation? Lors d’un paiement classique par carte bancaire (y compris au guichet intérieur d'une pompe à essence), le vendeur introduit le montant à payer puis vous validez celui-ci. Sur les bornes extérieures d'une station-service, si vous deviez d'abord prendre du carburant puis aller à la borne payer le prix exact de celui-ci, vous pourriez partir sans payer (et être poursuivis en justice après). Pour éviter cela, vous devez d’abord introduire votre carte. Quand la transaction a commencé, le solde maximal fixé (de 125€ à 375€ selon le système et le commerçant) est alors réservé sur votre compte. En effet, la machine ne peut préjuger de la quantité de carburant que vous allez prendre.

Le 1er message, commun à tous les paiements, ne "bug" jamais

Concrètement, "le terminal envoie un message de préautorisation à la banque du client pour savoir si la carte n'a pas été bloquée et s'il reste suffisamment d'argent sur le compte pour finaliser la transaction", explique M. Dechamps de Mastercard. Dans la plupart des banques belges, ce message transite d’abord par la société Atos, qui vérifie la partie technique (carte bloquée ou non), puis envoie le reste du message à la banque du client. Cette relation entre Atos et la banque s’appelle l’OLTB (On Line to the Bank). La banque transmet ensuite l’information "il reste autant sur le compte en banque lié à cette carte de débit" au terminal. L’envoi du message et la réception des deux réponses sont quasi instantanés: 130 millisecondes pour le tout avec Maestro. Cette opération-là, la préautorisation, le 1er message dans ce cas-ci, est commune à tous les paiements par carte. Même dans un magasin, après avoir fait votre code pour payer par exemple vos courses 80€, il est vérifié si votre carte est bien valide et s’il vous reste bien 80€ sur votre compte. Il faut savoir que ce 1er message ne "bug" jamais.

Comment arrive-t-on à un solde à zéro?

Aux bornes extérieures des stations-services, le 1er message envoie donc automatiquement une demande à votre banque pour une somme allant donc de 125€ à 375€. S’il vous reste moins d’argent que ce montant maximal, tout l’argent de votre compte sera débité préventivement. Vous vous retrouverez alors avec un solde à 0€ (ou en négatif selon celui accordé par votre banque). La pompe connaissant l’état précis de votre solde, vous ne pourrez jamais retirer plus de carburant que votre limite d’argent. La pompe s’arrêtera alors automatiquement.

"Une forme de protection des consommateurs"

Le solde maximal veut également dire qu’il est impossible, via une borne extérieure, de mettre plus de carburant que cette limite. Si 375€ vous paraît cher, pensez aux réservoirs des camions qui peuvent approcher des 1000 litres. Le camionneur ne pourra donc pas faire son plein en une fois et devra retourner plusieurs fois à la borne. Jean-Michel Dasnoy, le porte-parole d’Atos Worldline Belgique, y voit un mécanisme de protection du consommateur. "La limite maximale de la réservation empêche par exemple de mettre 1000 litres d’essence sur un même retrait. Si quelqu’un raccroche mal le pistolet et que d’autres clients se servent sur son compte après lui, il leur sera impossible de débiter plus que la limite imposée."

Un second message propre aux paiements extérieurs des stations-services...

Peu importe que la borne opère avec le système Bancontact/Mister Cash ou Maestro, les opérations invisibles entre votre carte, votre banque et celle du commerçant sont toujours les mêmes. Une fois que vous raccrochez le pistolet, un correctif, un second message, est envoyé à votre banque. Il donne également en quelques millisecondes l’information concernant le montant de carburant précis à prélever hors de la préautorisation effectuée, détaille M. Dechamps. Quand votre banque reçoit ce second message, elle libère donc la somme d’argent bloquée non utilisée. "La libération du montant réservé non utilisé est instantanée", confirme M. Dasnoy d'Atos. L’argent non dépensé à la pompe est donc directement disponible pour d’autres achats.

... mais qui se perd parfois en chemin

Ça, c’est la théorie. En pratique, un problème peut survenir autant avec Bancontact/Mister Cash qu'avec Maestro, même s’il est "extrêmement rare" (voir encadré), explique le responsable de Mastercard: "Il peut arriver que ce second message se perde entre le terminal et Atos, entre le terminal et la banque ou entre Atos et la banque (l’OLTB). Il s’agit d’un bug dont l’impact est cependant toujours temporaire", assure-t-il. Car si la banque ne reçoit pas ce correctif, elle garde la somme totale bloquée jusqu'à réception de la demande de paiement faite par la banque du commerçant. Cette réelle transaction -lors de laquelle votre banque va effectivement verser l’argent de votre compte à celui de la station-service- est effectuée la plupart du temps le lendemain matin. L'argent non utilisé mais bloqué n'est donc libéré que le lendemain matin. C’est ce qui est arrivé à Michael, comme à d’autres (voir encadré).

Certaines banques moins compatibles avec Maestro?

Cependant, il est possible que certaines banques aient mis un peu plus de temps que d’autres à s’adapter au système mis en place par Maestro, qui n’est arrivé que récemment sur le marché. Si le chemin suivi par les 1er et second messages est similaire à celui de Bancontact/Mister Cash, il s’agit tout de même d’un système propre pour lequel les banques ont dû devenir compatibles. Pour faire un parallèle simple, c’est comme si les banques avaient toujours fourni un système de PC banking pour Internet Explorer et qu’elles devaient adapter celui-ci parce que de plus en plus de clients ont opté pour Firefox ou Chrome, qui fonctionnent un peu différemment. bPost Banque semble faire partie de ces banques pour lesquelles la compatibilité avec Maestro n’est pas encore optimale. En effet, des techniciens de bPost ont assuré à M. Jonnart: "Si le commerçant a opté pour Maestro, le délai de déréservation sera toujours de J+1" chez bPost Banque. Une affirmation démentie par le responsable de Mastercard, dont les systèmes de surveillance du réseau n'ont jamais pointé du doigt une défaillance récurrente chez cette banque en particulier...

Qu’est-il précisément arrivé à Michael?

La station-service Esso de Aye utilise le système Maestro. En effet, Esso (ExxonMobil) en Belgique n’a pas ses comptes dans une banque belge. Bancontact/Mistercash réglant les transactions entre banques belges, ce système est donc impossible à utiliser par Esso. Michael a donc effectué un paiement opéré par Maestro… à l’aide de sa carte bPost Banque chez qui la déréservation a "toujours" lieu à J+1 dans ces cas-là. La combinaison Esso+bPost Banque semble donc particulièrement sujette à problème.

Impossible de savoir si votre argent sera indisponible jusqu’au lendemain

Les deux systèmes présents en Belgique présentant l’éventualité rare de perte du second message, impossible donc pour le consommateur d’être certain que l’argent réservé lors de son paiement à une borne extérieure de station-service sera bien disponible directement pour un autre paiement ou pour un retrait. Pour quelqu’un dont le compte en banque présente moins d’argent restant que le solde maximal réservé par la pompe, il pourrait donc, comme Michael, se retrouver "à sec" jusqu’au lendemain.

Il faut signaler que depuis peu, certains terminaux Maestro contournent le problème. Avant même de choisir votre pompe et/ou votre type de carburant, le terminal vous demande le montant maximal de carburant que vous souhaitez mettre. Six propositions existent, dont plusieurs sous les 100€. Le choix de l'ampleur de la réservation est donc ici donné au client.

Petit conseil tout de même si vous présentez un solde inférieur à quelques centaines d’euros sur votre compte: pensez à payer vos pleins en cash ou via le terminal bancaire situé à l’intérieur de la station-service. Ça pourrait vous éviter une mauvaise surprise, même si elle est, rappelons-le encore, extrêmement rare (voir encadré) et toujours temporaire.
 

 

Gaëtan Willemsen

 

Glossaire:

L’acquiring est l’action de traiter les paiements par carte (crédit ou débit) en connectant le compte en banque d’un acheteur à celui d’un vendeur. C’est donc l’opérateur qui vous permet de payer par carte.

SEPA, pour “Single Euro Payments Area”, est un règlement européen visant à "harmoniser 3 types de produits bancaires en Europe: cartes de débit et de crédit, virements et domiciliations", est-il expliqué sur le portail belge du SEPA. Il devra être totalement opérationnel le 1er février 2014 pour tous les pays de la zone euro. Outre les virements européens qu’on a déjà vu apparaitre chez nous et d’autres uniformisations, le SEPA oblige la Belgique à ouvrir son système de paiements bancaires domestique (Bancontact/Mistercash) à la concurrence. Le système le plus connu sur ce nouveau marché étant Maestro, qui réglait déjà les transactions financières à l’étranger pour les différentes cartes de débit nationales. "C’est la volonté de la Commission européenne de promouvoir un marché plus ouvert. On attend d’ailleurs une régulation courant juillet de cette année pour renforcer cette tendance", explique David Dechamps de Mastercard.


 

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