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"Une Golf de 110 CV peut passer à 200 CV en quelques minutes": reprogrammer son moteur, est-ce vraiment légal?

"Une Golf de 110 CV peut passer à 200 CV en quelques minutes": reprogrammer son moteur, est-ce vraiment légal?
© Image d'illustration Pexels
 
 

Le recours à cette technique peut parfois être tentant. Laisser son véhicule dans les mains d'une entreprise afin de gagner quelques chevaux et ainsi en augmenter sa puissance. Mais est-ce une technique légale ? Qu'en pensent les assureurs auto ? Y a-t-il des risques ? Décryptage.

"Des sociétés, qui ont pignon sur rue, rajoutent allégrement plusieurs chevaux à votre moteur. Une Golf de 110 CV peut passer à 200CV en quelques minutes". Via le bouton orange Alertez-nous, Arnaud dénonce les abus de certains garagistes. 

Arnaud est moniteur d'auto-école dans le Brabant wallon. Lors de ses journées passées sur la route, il constate des comportements de conduite dangereux. Parmi eux, l'obsession de la vitesse. Et pour atteindre des vitesses toujours plus folles, certains automobilistes passent par la reprogrammation du moteur de leur voiture. "Les gens veulent des voitures de plus en plus puissantes. Ils font appel à des sociétés qui transforment les moteurs et qui, hypocritement, vous font signer un document qui dit que vous ne vous engagez que sur circuit", assure Arnaud.

La motorisation d'un véhicule passe par un calculateur appelé Engine Control Unit (ECU). Il s'agit d'un petit boîtier électronique qui gère les paramètres du moteur. Reprogrammer un moteur signifie augmenter la puissance du véhicule. Pour cela, nul besoin de le remplacer, un professionnel est capable de modifier sa puissance en ajustant le programme du ECU. 

Une pratique strictement encadrée

Il y a une dizaine d'années, Arnaud a fait appel à l'une de ces sociétés. "J'avais un diesel 90 CV, je suis passé à 140 CV", explique-t-il. Selon lui, cette reprogrammation n'avait nul but de "rouler comme un imbécile". "Avec ma voiture, j'avais des problèmes pour dépasser les camions. Lorsque j'étais en 5e vitesse à 90 km/h et que je freinais pour dépasser un camion, je devais repasser en 4e. Ensuite, je devais éteindre l'air conditionné pour atteindre à nouveau la 5e vitesse. C'était dangereux", affirme-t-il. Suite à la reprogrammation de son moteur, le problème avait été réglé. Mais selon lui, les raisons pour lesquelles les automobilistes font appel à ces sociétés spécialisées sont parfois critiquables. 

Arnaud dénonce notamment les agissements des sociétés qui offriraient l'opportunité à des chauffards de rouler à des vitesses extrêmes, mettant ainsi en danger la sécurité des autres usagers. Cette pratique est-elle légale ? Quelles sont les conditions qui l'encadrent ? 

En Belgique, la reprogrammation du moteur d'un véhicule est strictement encadrée. Si l'opération n'est pas déclarée au constructeur ni aux autorités, elle devient illégale. Concrètement, cette reprogrammation consiste à modifier les paramètres d'origine du calculateur. Cela permet d'augmenter les performances de son véhicule.

"C'est une pratique qui, lorsqu'elle se fait via les constructeurs du véhicule, est très coûteuse et très longue", estime Virginia Li Puma, porte-parole d'Autosécurité. Avant d'ajouter: "Le propriétaire du véhicule doit s'informer au préalable au niveau du constructeur du véhicule pour voir ce qui est prévu en terme de limite".

Obligation de déclarer les changements à son assureur auto

Du côté des assurances, la reprogrammation du moteur n'est pas sans conséquence. "Si le moteur a été modifié avant la souscription d'un contrat d'assurance auto, le candidat assuré doit mentionner la puissance réelle du véhicule à assurer. Si la modification a lieu durant le contrat, le candidat assuré doit également prévenir son assureur du changement qui a été opéré", nous explique Nevert Degirmenci, porte-parole d'Assuralia.

En fonction de la puissance acquise, le montant de la prime est adapté. Car du point de vue de l'assureur, une augmentation du moteur équivaut à une aggravation du risque. En cas de sinistre, ces démarches sont primordiales. "Une assurance peut exercer un recours contre l'assuré s'il n'avait pas déclaré la puissance de son véhicule au moment de souscrire son contrat d'assurance. Cela peut être considéré comme une fausse déclaration et entraîner le recours intégral en cas de sinistre. Cela signifie sur le montant total des indemnités versées aux victimes et ça peut aller jusqu'à la résiliation du contrat", précise Assuralia. 

Chez AG Insurance, une limite est imposée. "On accepte une augmentation maximum de 20% des kW repris sur le certificat de conformité du véhicule", nous renseigne sa porte-parole, Laurence Gijs. Pour une augmentation excédant les 20%, une approbation de l’augmentation de la puissance par un représentant officiel de la marque du véhicule est exigée. Cela permet de s'assurer que les autres composants du véhicule supportent la nouvelle puissance. 

Si le client décide de le déclarer ou pas, ça ne nous regarde pas

Un programmateur accepte de répondre à quelques questions sous couvert d'anonymat. Dans son entreprise bruxelloise, entre 70 et 80% du chiffre d'affaires découle des reprogrammations moteur effectuées. Les publics sont variés. "Ça va de celui qui a acheté une camionnette et qui se rend compte que c'est compliqué de rouler quand elle est chargée, à celui qui est passionné de voitures, en passant par celui qui a acheté une petite cylindrée, qui voit qu'il a du mal à dépasser des véhicules, et que ça lui fait peur", nous explique un responsable. 

Pour procéder à une reprogrammation, l'entreprise organise deux passages sur un banc de puissance : un premier avant la reprogrammation puis un deuxième après. Le premier passage permet à l'entreprise de vérifier que la puissance du véhicule correspond bien à celle qui est promise par le constructeur. "Si la puissance qui sort est plus faible, on estime qu'il y doit y avoir un souci avec le moteur. Dans ce cas, on refuse la programmation", explique le responsable. Lorsqu'elle est possible, la reprogrammation resterait limitée: "On ne va pas chercher le dernier cheval. Si on va trop loin dans les réglages, certains composants cassent". 

Ensuite, l'usage qu'en font les automobilistes ne regarde guère cette entreprise, estime-t-elle. "On fait un service. Si le client décide de le déclarer ou pas, ça ne nous regarde pas. On le conseille, c'est tout (...) Le problème n'est pas l'outil mais la personne qui l'utilise et sa façon de conduire", précise le responsable. Selon lui, augmenter la puissance de son moteur n'est pas plus dangereux que de conduire certaines grosses cylindrées. 

Pour la Febiac, "on prend de sérieux risques"

La Febiac (Fédération Belge de l'Automobile & du Cycle) se dit quant à elle totalement opposée à cette pratique considérée comme "peu éthique" par son directeur de la communication, Gabriel Goffoy. Car concrètement, lorsqu'un constructeur met un véhicule sur le marché, il s'assure que celui-ci soit conforme. Il est commercialisé avec une certaine puissance, mentionnée sur le certificat de conformité du véhicule. "Lorsque l'on fait des changements dans les réglages, le véhicule n'est plus en phase avec les réglages d'usine. Et on prend de sérieux risques", explique Gabriel Goffoy.

En cas de contrôle technique ou de reprise de véhicule, la garantie du constructeur n'est alors plus assurée. Selon la Febiac, les automobilistes qui font appel à cette technique mettent en péril "non seulement leur propre sécurité mais également celle des autres usagers de la route".  


 

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