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Julien pensait échapper à la dégressivité du chômage en reprenant des études: "Double coup de massue"

Julien pensait échapper à la dégressivité du chômage en reprenant des études: "Double coup de massue"
Image d'illustration
 
 

Après plus de 10 ans de travail, Julien s'est retrouvé sans emploi. Il a décidé de changer de vie en reprenant des études dans une branche en pénurie, ce qui lui permet de conserver son chômage sans devoir trouver du travail... puisqu'il en aura dès son diplôme obtenu. Mais une mésentente avec son syndicat lui coute cher... et sa solution pour gagner plus n'est pas aussi rentable qu'il ne l'espérait.

Julien a 35 ans. Après avoir terminé ses études secondaires, il avait tenté un graduat en soins infirmiers, sans succès. Il s’est alors tourné vers l’armée, où il a obtenu son permis de chauffeur poids lourds, domaine dans lequel il a travaillé toute sa carrière. Mais le secteur du transport routier belge est en crise, victime du phénomène du dumping social. Comme tant d’autres, Julien s’est donc retrouvé sans emploi. C’était le 1er janvier 2014. Il a alors pris une décision courageuse: réorienter sa carrière. "Je m’étais renseigné et j’avais vu sur le site de l’ONEM la liste des métiers en pénurie", nous a-t-il expliqué. "En septembre 2014, j'ai donc repris des études de plein exercice afin de devenir instituteur. Mon syndicat, qui me paie mes allocations de chômage, m'avait assuré que je percevrais durant ma formation une allocation journalière de 46,47€. Or, en février, je me suis retrouvé avec 30,98€ par jour. Premier coup de massue", nous a-t-il dénoncé via notre page Alertez-nous.


Une dégressivité gelée... mais seulement après un an

En réalité, Julien a subi le premier palier de dégressivité, qui intervient après un an de chômage.

Depuis 2012, l’Office National de l’Emploi (ONEM) gèle bien la dégressivité des allocations des personnes qui reprennent des études de plein exercice (cycle complet, en semaine et pendant la journée) dans une filière en pénurie… "mais à partir du moment où le chômeur est en 2ème année d’indemnisation", nous a expliqué l’ONEM.


Trois phases différentes structurent la dégressivité du chômage

En effet, l’évolution des allocations de chômage dans le temps prévoit trois grands paliers de dégressivité, trois « phases ». Pendant la 1ère année, les allocations représentent entre 65 et 60% du dernier salaire perçu, c’est la 1ère phase. Ensuite commence la 2ème phase, qui varie fortement selon la situation familiale et la carrière. Elle dure entre 2 mois et 3 ans, durant lesquels les allocations démarrent entre 40 et 60% du dernier salaire pour atteindre finalement le montant de l’allocation forfaitaire, qui elle dépend uniquement de la situation familiale. Une fois cette étape atteinte, vous êtes alors dans la 3ème et dernière phase. Elles sont expliquées dans ce document, au chapitre « Comment vos allocations évoluent-elles ? ».


Un document signé par la CSC Charleroi...

C’est donc uniquement à partir de la 2ème phase que le fait de reprendre des études permet au chômeur de ne pas subir la dégressivité de ses allocations. Mais ça, Julien ne l’a pas compris lors de l’analyse de son cas par la CSC Charleroi, où il est affilié. "Le syndicat m'avait signé un document où il était dit noir sur blanc que durant toute ma formation, je ne perdrais pas d'argent", regrette-t-il. Le document, peu clair, auquel RTLinfo.be a eu accès, le laisse en effet entendre. Il mentionne "un code d’indemnisation gelé au 14/09/2014".


... qui n'a aucune valeur légale

Au service chômage de la CSC, on nous a confirmé ce que la CSC Charleroi a expliqué à Julien lorsqu’il est allé se plaindre: ce document n’a aucune valeur légale. "D’un point de vue légal, c’est l’ONEM qui délivre les autorisations, ce ne sont jamais les organismes de paiement. On n’aurait jamais dû délivrer ce document-là. Il s’agit d’un copié-collé d’un programme informatique partagé avec l’ONEM et qui sert à vulgariser les différents articles du règlement. C’est du jargon interne qui n’est pas fait pour être utilisé vers l’extérieur, et encore moins être imprimé à l’attention d’un allocataire. On aurait mieux fait de lui donner les feuilles d’info de l'ONEM", a réagi la CSC.


Il a pu obtenir un prêt hypothécaire avec ce document!

Il s’agit donc d’une erreur humaine qui a mené à une certaine désillusion pour Julien, mais pas que. En effet, muni de ce document erroné, "j'ai pu obtenir un prêt à la Région wallonne pour une maison", nous a-t-il expliqué. Dans ces conditions, perdre un tiers de ses revenus a été un coup dur. "Ça représente les deux tiers de ma mensualité de crédit hypothécaire !"


Il commence à travailler le weekend pour compenser

Mais loin de se décourager, Julien a alors cherché à arrondir ses fins de mois. "Ayant fait une très bonne première session d'examens et aimant réellement ce que je fais, je me suis retroussé les manches et j'ai trouvé un travail le week-end." Une démarche légale. "Il est chômeur indemnisé donc il ne peut plus postuler à un job d’étudiant. Mais il peut prester un travail à temps partiel" à côté des études, nous a confirmé l’ONEM.


"Je n'ai touché que 17 jours sur les 21 normalement prévus"

Cependant, cette fois aussi, c’est la désillusion. "Étant chômeur, je perçois 6 jours d'allocations par semaine, soit du lundi au samedi. Le syndicat ne paie pas le dimanche (idem pour chaque syndicat ou la Caisse auxiliaire de paiement des allocations de chômage, CAPAC, ndlr). Mais aujourd'hui, j’ai touché mon chômage et quelle ne fut pas ma surprise de voir que je n'ai touché que 17 jours sur les 21 normalement prévus. Deuxième coup de massue. Dorénavant, ils enlèvent un jour de semaine si je travaille le dimanche. Ils vous ponctionnent un jour rémunéré contre un dimanche où vous ne touchez rien...", regrette-t-il.


Le dimanche non payé par le chômage est déplacé si on travaille ce dimanche

Mais ici aussi, il s’agit bien d’une disposition légale. "En fait, le dimanche non payé, c’est un prétexte. Cela signifie en réalité qu’on n’indemnise que 6 jours sur 7", résume l’ONEM. Donc si un jour de travail à temps partiel est presté le dimanche, il ne remplace pas un « jour blanc » mais bien un jour de rémunération du chômage. Travailler le dimanche, ce n’est donc pas « tout bénef' »… Une nuance écrite noir sur blanc dans les règlements des syndicats ou de la CAPAC.


Julien ne regrette rien

Malgré ces déconvenues, Julien n’en veut pas à son syndicat. Il reste positif, préférant sa vie aujourd’hui à celle qu’il avait avant de tomber au chômage. "A refaire, je le referais. Je sais que dans deux ans, j’aurai la possibilité d'avoir un emploi plus sûr et mieux rémunéré, avec une meilleure considération que lorsque j’étais chauffeur et que je passais tout mon temps sur la route." Si vous souhaitez prendre exemple sur Julien, vous pouvez consulter le site de l'ONEM... avant que celui-ci ne ferme! En effet, la 6ème réforme de l'Etat votée sous le gouvernement Di Rupo a régionalisé les compétences de l'ONEM. Tant que les nouveaux services appelés à prendre le relais de l'ONEM en Wallonie, à Bruxelles, en Flandre et en Communauté germanophone ne seront pas opérationnels, l'ONEM continuera d'assurer sa mission. Mais dès ces changements opérés, toutes les règles citées dans cet article pourraient être amenées à changer... et varier en fonction du lieu de résidence, au gré de décisions politiques différentes dans chaque région.


 

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