Elle pensait offrir un iPhone d'occasion à bon prix à sa petite sœur de 18 ans, grâce à ses économies. Mais Inès a finalement enrichi un "brouteur" du Bénin, via un mandat Western Union. L'arnaque est connue, mais pas de tout le monde. Et de plus, les escrocs mettent à jour leur technique. Explications.
On ne le répète visiblement jamais assez: la prudence est de mise lorsque vous achetez ou vendez un bien en seconde main sur internet. On évoque souvent 2ememain.be car c'est tout simplement le plus populaire en Belgique, celui sur lequel on trouve le plus d'objets à vendre, mais également le plus d'escrocs, car le monde attire le (mauvais) monde.
Inès (nom d'emprunt) est totalement "dégoutée" depuis quelques jours. "J'ai voulu acheter un téléphone sur 2ememain et je me suis fait arnaquer", nous a expliqué cette jeune Bruxelloise de 20 ans, qui souhaite rester anonyme. Une telle expérience est toujours dégradante, voire humiliante, et elle souhaite l'oublier le plus vite possible.
Mais pas avant d'avoir mis un maximum de personnes en garde, via le bouton orange Alertez-nous de RTL info, pour "éviter que d'autres ne se fassent avoir" de la même manière.
Un cadeau d'anniversaire pour sa petite sœur
Tout a commencé au début du mois de décembre. Inès veut faire plaisir à sa petite sœur de 18 ans pour son anniversaire. "Elle a un vieil iPhone 5, et elle voulait le 6S. Et maintenant que les prix ont vraiment baissé… Elle a été sur 2ememain.be et a fait des recherches".
Sur ce site, on trouve de tout, et à tous les prix. "Elle m'a envoyé trois annonces, et sur l'une d'elles, le prix était vraiment attractif, du coup je l'ai choisie".
Inès "avait un peu d'argent de côté, grâce à un job d'étudiant". Elle décide de faire plaisir à sa petite sœur…
Sur l'annonce qu'Inès nous a faite parvenir, on constate en effet un prix relativement bas (240€) pour un iPhone 6S Plus 64 GB, sorti il y a plus de deux ans, et dont la valeur à l'époque était de plus de 969€. "Je savais que le prix avait fort baissé, j'en avais vu d'autres sur Facebook", poursuit notre jeune Bruxelloise, qui n'y voyait donc pas une possible arnaque.
L'annonce est toujours là, trois semaines plus tard...
Une personne "en déplacement"
Inès entame dès lors les démarches avec la vendeuse, et tout commence plutôt bien. "J'ai fait une enchère à 225€ et elle a directement accepté. Elle m'a envoyé par email des photos et plus d'informations, notamment qu'il y avait une garantie d'Apple supplémentaire".
"On s'est échangé des emails pendant une semaine, et elle m'a vraiment bien expliqué la procédure, mais elle ne m'a jamais pressée, jamais harcelée".
Comme de nombreuses autres victimes avant elle, convaincue de faire une bonne affaire, Inès a tendance à ne pas voir les indices plutôt évidents qui ne tardent pas à arriver, surtout sur la manière d'effectuer le paiement.
Notre témoin est en confiance, alors que la vendeuse, soit disant "en déplacement à l'étranger pour des raisons professionnelles", a confié à son neveu, livreur indépendant en Belgique, le soin de apporter l'iPhone à Inès. Le paiement, lui, doit passer par un mandat Western Union à l'attention d'une personne au Bénin…
Si vous avez déjà lu quelques arnaques de 2ememain.be sur RTL info, la notion du "vendeur en déplacement qui ne peut pas s'occuper lui-même de la transaction", et celle du paiement vers l'Afrique via un organisme tel que Western Union, sont irrémédiablement liées à une arnaque.
Mais Inès n'avait "jamais lu" ce genre d'article sur RTL info. Elle a donc suivi la procédure tordue imaginée par un escroc qui sait que les gens commencent à se méfier…
Un escroc qui se met à jour: "Il m'a conseillé de mentir au guichet de bpost"
La donne est simple: l'escroc doit persuader Inès de lui donner de l'argent par mandat Western Union avant qu'elle ne reçoive un iPhone qui n'existe bien sûr pas. Le brouteur (nom donné aux arnaqueurs d'Afrique francophone) installé certainement dans un cybercafé du Bénin, a simplement copié/collé photos et annonce d'un iPhone volées sur un autre site.
Mais comme l'arnaque au mandat Western Union commence à être connue, l'escroc doit affiner sa tactique. "Elle m'a dit de faire attention, de ne pas dire que c'était pour acheter un téléphone, sinon j'allais payer 88€ de frais de dossier en plus du mandat".
Bpost, et on l'en félicite, est en effet au courant des arnaques, et les agents ont visiblement pour consigne de se méfier des mandats Western Union demandés par des clients.
Avec le recul, Inès prend conscience de l'énormité de la chose, qui l'a amenée à mentir à la brave guichetière. "Je me dis que j'ai vraiment été débile: quand j'ai été à la poste, on m'a demandé si c'était pour quelqu'un de ma famille, et j'ai dit oui, que c'était pour ma cousine. Au guichet, la dame m'a même demandé si j'étais bien sûre". Elle craignait qu'en disant la vérité, elle devrait payer un supplément. La voilà donc avec un mandat Western Union en main, d'une valeur de 225€.
Des emails qui témoignent du culot de l'escroc
Un faux site web de la Banque postale
De mieux en mieux organisé pour contourner la méfiance naturelle qui s'installe chez tous les internautes, l'escroc a ensuite utilisé un faux site web pour se faire envoyer les codes permettant d'encaisser le montant du mandat dans un bureau Western Union du Bénin.
L'escroc invente d'autres histoires pour convaincre Inès, un peu méfiante. "Sur le reçu Western Union de bpost, il y a toutes les infos, dont la somme et le code du mandat. Ce qui avait été convenu, c'est qu'une fois que le livreur était venu m'apporter le téléphone, je lui donnais le reçu avec le code du mandat. Mais pour vérifier que le mandat était authentique, je devais aller sur un site".
En réalité, sur le site www.attetationenlignes.com, actuellement maquillé aux couleurs de Western Union, "mais qui renvoyait vers le site de la Banque postale", Inès va effectivement entrer des informations du mandat. "Pas le code, pourtant", mais cela s'avère suffisant pour l'escroc.
Celui-ci n'avait plus qu'à courir au guichet Western Union, au Bénin, et se faire payer en espèce.
Et il a bien fait d'aller vite car Inès a compris rapidement qu'il s'agissait d'une arnaque. "Le pseudo livreur a profité de ma naïveté. Il ne s'est pas juste dit 'Je prends les 225€, c'est bon'. Non, il m'a rappelé et m'a dit qu'en fait, c'était un iPhone 7 et non un 6S, et que je devais rajouter 150€. Il s'est dit que j'étais conne, en fait".
Le franc d'Inès tombe enfin. "Là je me suis dit que c'était une arnaque. J'ai couru à bpost pour annuler le mandat, mais il était trop tard, il avait été encaissé il y a 17 minutes".
"Jamais fait arnaquer"
Comme toutes les victimes, Inès est détruite. "Je vous dis pas comment j'ai pleuré… Je ne m'étais jamais fait arnaquer, alors que j'avais déjà été souvent sur 2ememain, où d'habitude on paie au moment de recevoir la marchandise, en cash, c'est vrai".
Mais l'escroc, la soi-disant vendeuse, "avait tellement l'air sincère, avec une bonne orthographe, un langage soutenu… je me suis laissée emporter, pour ma sœur, qui voulait vraiment un téléphone".
"C'est vraiment dégoutant", conclut-elle, toujours très touchée par la situation au moment de nous livrer son témoignage.
Inès n'a même pas été à la police: elle est consciente que c'était la seule chose à faire, mais bien inutile (la justice belge ne mobilise pas des enquêteurs pour une arnaque de ce genre). Déposer une plainte sur le site "pointdecontact" des autorités belges ne lui rendra pas plus son argent, mais permettra à la longue de dresser des profils d'arnaques, pour les communiquer à la population.
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