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Félix, 5 ans, DOIT manger sans gluten parce qu’il est cœliaque: "C’est une bagarre au jour le jour", raconte sa maman

Félix, 5 ans, DOIT manger sans gluten parce qu’il est  cœliaque: "C’est une bagarre au jour le jour", raconte sa maman
 
 

Pour Félix, le régime sans gluten n’est pas un choix, mais une obligation. Atteint de maladie cœliaque, il doit exclure à vie le gluten de son alimentation. Sa maman, Marie, regrette que les problèmes de santé de son fils n’aient pas été "pris au sérieux" plus tôt par les médecins. Il aura fallu attendre 5 ans, "5 années de combat acharné contre le monde médical", pour mettre un nom sur le mal dont souffre son petit garçon. Cette mère de trois enfants, qui habite à Hamois, nous a contacté via notre bouton orange Alertez-nous pour sensibiliser l’opinion publique à cette maladie. Trop souvent confondue avec une sensibilité au gluten, voire avec un phénomène de mode, la maladie de Félix est mal comprise et pas suffisamment prise en charge par l’INAMI, déplore-t-elle.

"Dès le départ on savait qu’il y avait un problème mais on ne savait pas lequel, raconte Marie. C’était un bébé qui n’était vraiment pas bien." Depuis sa naissance, Félix digérait très mal. Diarrhée, vomissements… Il bougeait peu et sa température était anormale. De plus, Félix refusait l’allaitement, contrairement à son frère jumeau. Inquiète, Marie l’emmenait chez le pédiatre "tous les deux jours", dit-elle, à Dinant. "Mais enfin essayez de trouver !", répétait-elle.

Félix a passé "des tas d’examens", sans résultats. "Les médecins n’avaient aucune idée. Personne ne m’a écouté", déplore la maman. Lasse, elle s’est adressée au gastro-entérologue d'un hôpital de la région, qui n’a pas accordé plus d’importance au cas de Félix. "Enfin, c’est vous qui vous en faites pour rien !", s’entendait-elle dire. "Ça m’agaçait terriblement", confie Marie.

Valérie Foucart, présidente de la Société belge de la Cœliaquie asbl, nous explique que si la maladie cœliaque est "bien connue du monde scientifique", son diagnostic est, lui, complexe à poser dans la pratique. "Certains médecins méconnaissent la maladie et ont parfois la difficulté de faire le lien entre les symptômes de la personne et l'intolérance au gluten", constate-t-elle.

À 5 ans, Félix mesurait 7 centimètres de moins que son frère jumeau et pesait 3 ou 4 kilos en moins. "Moi j’étais convaincue qu’il y avait un problème", dit Marie. En 2018, elle a décidé de changer de pédiatre. Et Félix a passé une batterie d’examens qui a enfin conduit, en juillet dernier, au diagnostic : la maladie cœliaque.


Qu’est-ce que la maladie de cœliaque ?

C’est une maladie de l’intestin, auto-immune et chronique, déclenchée par l'ingestion de gluten chez des individus génétiquement prédisposés. En présence du moindre fragment de gluten, le système immunitaire du patient a une réaction de défense qui endommage les parois de l’intestin grêle et affecte l’absorption des nutriments.

Le Dr Stéphanie Colinet, chef du secteur de Gastroentérologie pédiatrique au CHC à Liège, explique que la "forme typique" de cette maladie apparaît chez l’enfant entre 9 et 24 mois avec ces symptômes : diarrhée chronique, mauvaise prise de poids, ballonnement abdominal, irritabilité, perte d'appétit. La "forme atypique" touche des enfants en âge scolaire avec des symptômes digestifs plus modérés (douleurs abdominales, diarrhée, constipation). Elle peut se manifester par des symptômes extraintestinaux : petite taille, retard pubertaire, aphtes buccales, lésions dentaires, anémie, fractures osseuses.

Outre ces symptômes évocateurs, le diagnostic de la maladie cœliaque répond à des critères précis, explique le Dr Stéphanie Colinet : augmentation des autoanticorps révélée lors de la prise de sang et anomalies de la muqueuse intestinale mise en évidence par une biopsie de l’intestin grêle, lors d'une endoscopie digestive.

Cette maladie touche 1% de la population. "On sait que beaucoup de personnes ne sont pas diagnostiquées", déclare Valérie Foucart. "Le diagnostic n’est posé, à l’heure actuelle, que chez un peu plus de 10% des malades environ", estime-t-elle.


Une maladie à ne pas confondre avec la sensibilité au gluten

La maladie cœliaque est une pathologie grave qui ne doit pas être confondue avec d’autres troubles liés à l’ingestion de gluten, souligne le Dr Stéphanie Colinet. Un patient atteint de la maladie cœliaque présente une "tolérance zéro au gluten". "Sinon il y a des risque de développer d'autres maladies auto-immunes, des risques pour la croissance pour la densité osseuse mais aussi un risque accru de cancer", ajoute la gastropédiatre.

D’autres souffrent de sensibilité au gluten. Ils le digèrent difficilement, mais sans destruction des parois de l’intestin. Ils ne répondent pas aux critères diagnostiques évoqués ci-dessus. "C'est différent. On ne sait pas si le régime doit être aussi strict. En fonction des symptômes, le gluten peut parfois être réintroduit chez certains patients", explique le Dr Stéphanie Colinet.

D’autres encore s’astreignent à un régime sans gluten qui ne leur est pas nécessaire. "C’est contraignant, c'est plus coûteux et cela entrave la qualité de vie", remarque la spécialiste.


La traque au gluten, "un combat au jour le jour"

La maladie étant incurable à l’heure actuelle, le seul traitement consiste en un régime strict sans gluten, à vie. Du jour au lendemain, Félix a donc dû bannir de son alimentation cette protéine que l’on retrouve dans le blé, l’orge, le seigle, l’épeautre, l’avoine et tous leurs dérivés. Ces céréales se retrouvent par exemple dans le pain, les biscuits, les couques, les pâtisseries, biscottes, pâtes, crêpes, tartes… Et la traque au gluten s’avère encore plus compliquée avec les produits industriels, car il est utilisé comme additif dans de nombreux produits transformés : friandises, charcuterie, sauces, chocolat…

La préparation d’un plat sans gluten demande une vigilance de tous les instants. "Le moindre milligramme de gluten est interdit. Quelques miettes ou un peu de chapelure peuvent contaminer un plat", met en garde la société belge de la cœliaque Asbl dans un petit guide pratique. "En fait, il faut tout le temps se laver les mains. C’est assez bizarre mais c’est comme ça", raconte Marie. "La moindre poussière le contamine et ça c’est très difficile à comprendre pour certaines personnes", note-t-elle.

Une infime quantité étant nocive, Marie prend toutes les précautions pour que Félix n’ingère pas le moindre gluten. "Il a son propre grille-pain, sa propre friteuse, ses propres couverts, ses propres assiettes. Enfin tout. On a dû expliquer à son frère jumeau et à son grand frère que personne ne peut y toucher", raconte la maman. "C’est un combat au jour le jour, même vis-à-vis de certains membres de notre famille qui ne veulent pas comprendre", raconte-t-elle.


Un remboursement de 38 euros par mois jugé très insuffisant

Au contraire, à l’école communale de Barsy, où est scolarisé Félix, les enseignants comme les élèves ont "super bien réagi", se réjouit Marie. "Ils ont tout adapté pour lui", raconte-t-elle. "Tous les enfants savent qu’on ne peut pas partager un goûter avec Félix, qu’on ne peut pas lui donner un biscuit, lui donner un bonbon ni quoique ce soit", poursuit-elle. À la cantine, une table à part a été installée pour lui. Il déguste seul les plats préparés par sa maman.

Fournir une alimentation sans gluten à Félix exige de nombreux efforts. "Je fais tous les magasins, en ligne, partout, je vais chez Delhaize, Colruyt, Carrefour, je cherche partout", raconte la mère de famille. Les produits sans gluten représentent un coût important. Marie cite un exemple parmi tant d’autres : "Pour cinq brownies, sans gluten, sans lactose, ça coûte 4,59 euros. Cinq brownies chez Colruyt, pour les enfants normaux, ça coûte 0,79 euros".

"L’assurance soins de santé rembourse bien l’alimentation particulière pour les personnes souffrant de la maladie cœliaque", affirme Sandrine Bingen, de la cellule de communication de l’Inami. L’intervention de l’assurance soins de santé s’élève à 38 euros par mois. "Dans le cadre des discussions avec l'INAMI, nous avons obtenu un forfait mensuel, destiné à compenser une partie du surcoût du régime sans gluten", raconte la présidente de la Société belge de la Cœliaquie asbl. Le forfait est passé de 19 euros à 38 euros en juillet 2018.

Ce montant est le fruit des discussions d’un groupe de travail "Nutrition médicale" de la Commission de conventions entre les pharmaciens et les mutualités, auquel participent des experts (médecins, diététiciens, etc.), explique Sandrine Bingen. "La part de l’intervention accordée pour l’alimentation en cas de maladie cœliaque est estimée sur base de ce que ces produits coûtent par rapport à une alimentation normale", ajoute-t-elle, précisant que ces montants sont "bien sûr soumis à des contraintes budgétaires".

Largement insuffisant aux yeux de Marie. "Il faut aider toutes ces familles dans la souffrance et les difficultés financières", clame-t-elle. "38 euros, cela équivaut aux prix des pains [sans gluten, Ndlr] juste pour un mois", s’indigne-t-elle. Les achats liés à la maladie de Félix coûtent environ 300 euros par mois, estime-t-elle. À cela s’ajoute les rendez-vous réguliers avec une diététicienne, partiellement remboursés, et prochainement, des séances de psychomotricité relationnelle. En inscrivant son fils à ces ateliers, Marie espère qu’il retrouvera une certaine sérénité.


L’équilibre de la famille perturbé par la maladie

"Félix est actuellement très frustré et fâché contre cette maladie qui l’empêche de manger comme ses frères ou tout simplement comme le reste de la famille", explique sa maman. Son frère jumeau souffre également des conséquences de cette maladie, et "très certainement de l’attention plus particulière portée à son frère", ajoute-t-elle. Marie a également beaucoup payé de sa personne : "Les 5 années de maladie de Félix m’ont mis sur la touche professionnellement et ont également mis à mal ma santé", confie-t-elle.

Les efforts consentis ces derniers mois n’ont pas été vains. Félix appliquant "à la lettre", dit Marie, le régime strict sans gluten, de premiers bénéfices sur son état de santé ont été identifiés lors d’un bilan sanguin au mois d’octobre. "Il capitalise enfin la nourriture qu’il mange et cela lui fait prendre un peu de poids, ce qui n’était pas le cas avant", explique Marie. "C’est la meilleure preuve que le seul remède actuel de la maladie de cœliaque est l’exclusion totale de gluten dans sa nourriture".


 

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