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Brandon a échoué au test du Selor et ne pourra plus postuler avant 6 mois: "On n'a qu'une seule chance!"

 
 

Ce jeune homme de 21 ans a échoué au module 1 du test de sélection du Selor pour un job. Conséquence: il ne pourra plus postuler pour un travail, principalement dans l'administration publique fédérale, via le Selor, avant six mois. Un délai qu'il estime beaucoup trop long en ces temps de crise et d'exigences de l'Onem en matière de recherche d'emploi. Pour le Selor, ce délai est nécessaire pour développer des capacités insuffisantes révélées par le test. Explications.

Comme près de 40.000 personnes déjà cette année, Brandon a passé un test de sélection du Selor. Cet organisme public s'occupe du recrutement du personnel de nombreux services publics, principalement dans l'administration fédérale. Fraîchement diplômé en secrétariat, le jeune homme de 21 ans briguait un poste d'assistant de sécurité, en CDI (contrat à durée indéterminée). Mais, comme 53% des participants à ces tests de sélection en 2013, le jeune homme a échoué au module 1. Celui-ci se fait par ordinateur dans les bâtiments du Selor et comprend une série d'épreuves visant à évaluer les compétences générales nécessaires pour travailler à un niveau donné dans l'administration. Comme le veut le règlement, Brandon ne pourra plus passer le test avant… 6 mois. Ayant raté en août, il ne pourra donc plus postuler pour un job via le Selor avant le mois de février. Estimant ce délai incompréhensible et injuste, il l'a dénoncé à la rédaction de RTLinfo.be via notre page Alertez-nous.

Brandon: "Le Selor est censé être là pour nous aider à trouver un emploi et non pour nous punir"

"C’est comme à la loterie, on n'a qu’une seule chance ! Si on rate l'examen, on est privé de postulation pendant les 6 prochains mois. De ce fait, tous les autres postes disponibles nous passent nous le nez !", constate le recalé qui estime que "le Selor est censé être là pour nous aider à trouver un emploi dans le public et non nous punir pour en avoir raté un". Un argument qui a, selon lui, d'autant plus de poids dans un contexte de crise ainsi et de durcissement des règles d'accès aux indemnités de chômage: "L’Onem (NDLR: Office national de l'Emploi) nous tire les oreilles pour postuler et devoir faire des « sacrifices ». Lors des examens, le nombre de candidats passent parfois la barre de la centaine et de ce fait, si 30% réussissent, ça fait 70% de candidats au minimum au chômage pour les 6 prochains mois. Certes, on dira qu’il reste le privé mais c’est encore plus bouché que dans le public dans certain domaine", objecte-t-il.

Le Selor est-il trop dur dans sa procédure de sélection ? Ou pire encore, injuste ? Avant de répondre à cette question, intéressons-nous d'abord à cet organisme public et à ses tests de sélection proprement dit.

Selor: la porte d'entrée principale pour un job dans l'administration publique

Attaché au SPF (Service public fédéral) Personnel et Organisation, le Selor travaille pour plus de 150 services publics différents. Il recrute principalement des collaborateurs pour l'administration fédérale mais se charge aussi du recrutement des statutaires (Deux contrats possibles dans la Fonction publique: statutaire ou contractuel. Quelle est la différence entre ces deux statuts ?) pour les communautés et les régions. Précisons que ces dernières recherchent elles-mêmes de nouveaux collaborateurs, en statut contractuel, sans passer par le Selor, notamment via Internet (Travailler pour la Région wallonne | Travailler pour la Région bruxelloise). Ajoutons encore que le Selor organise également les tests pour le secteur du gardiennage et de la sécurité ainsi que les tests linguistiques.

Lorsqu'un poste s'ouvre dans un service public, celui-ci alerte le Selor qui va alors chercher des candidats pouvant convenir. Parmi ceux-ci, il  va sélectionner une liste de 10 à 20 personnes en fonction du nombre de postes vacants. Pour un poste sous contrat statutaire, le service devra suivre l'ordre de la liste déterminé par le Selor. Pour un poste de contractuel, le service ne sera pas obligé de respecter l'ordre bien que cela lui sera conseillé. Au total, ce sont environ 2500 personnes qui commenceront à travailler dans l'administration fédérale par l'intermédiaire du Selor, un nombre loin d'être négligeable.

La procédure de sélection du Selor (voir aussi vidéos au bas de l'article)

Le Selor sélectionne les personnes les plus compétentes pour un travail en "screenant" le profil des postulants. Pour cela, les candidats vont devoir passer une série de tests sur leurs capacités (et non sur leurs connaissances scolaires). La procédure de sélection est composée de trois modules.

Dans le module 0, le Selor vérifie que vous disposez bien du diplôme ou/et de l'expérience souhaitée. Si c'est le cas, vous pouvez passer au module 1. Ce module évalue vos capacités générales pour occuper un poste à un niveau de fonction déterminé, notamment en termes d'analyse, de résolution de problèmes, de travail en équipe, etc. Si vous réussissez, vous accédez au module 2. Celui-ci comporte des tests spécifiques et non plus généraux. C'est dans le cadre de cet ultime module que vous aurez notamment un entretien.

Mais, Brandon n'a pas franchi le module 1. Nous allons donc nous pencher plus en profondeur sur les tests de ce module. Il y en a trois. Vous les passez sur un ordinateur dans un temps limite.

Procédure de sélection du Selor: les trois épreuves du module 1

L'exercice du bac à courrier
Dans le bac à courrier se trouve toute une série de messages allant de courts mémos et notes de téléphone à des lettres confidentielles et même des rapLports entiers. Votre tâche consiste à traiter le courrier dans un délai déterminé. A vous de déterminer quels messages ont la priorité et comment assurer le suivi. De cette manière, on teste si vous savez distinguer rapidement et correctement le principal de l'accessoire ainsi que votre capacité à remettre de l'ordre dans le chaos.

Le test de jugement situationnel (questions à choix multiples)
Pour chaque situation que vous devez juger, plusieurs réactions vous sont proposées. Vous devez indiquer dans quelle mesure vous trouvez la réaction appropriée. Il s'agit de questions à choix multiple, et vous indiquez dans chaque cas si vous estimez qu'il s'agit d'une réaction appropriée ou non. Mieux vous évaluez si une réaction est appropriée ou non, plus vous obtenez de points.

La capacité de raisonnement abstrait

Ces tests rappellent les tests QI. Ils mesurent votre capacité de raisonnement intellectuel et logique. Ils sont très utiles pour évaluer votre potentiel. Dans ce type de test, vos connaissances préalables, votre formation, votre expérience ou votre background n'ont pas d'influence sur le résultat; ces tests permettent de ce fait d'établir un bon pronostic quant à votre développement ultérieur.

> FAIRES LES TESTS DEMO DU MODULE 1

Un feedback personnalisé

Vous êtes prévenu le jour même via un message sur votre dossier Mon Selor, créé sur Internet (Mon Selor), si oui ou non vous avez réussi et pouvez accéder au module 2. Le système de test ne se contente pas de vous annoncer la nouvelle, il est davantage constructif. En effet, celui-ci vous donne également un feedback détaillé de vos résultats et des choses à améliorer. Ce feedback n'est pas totalement personnalisé (au contraire de celui que vous recevrez au module 2): les conseils ont été préparés à l'avance selon le type de résultats et sont délivrés automatiquement.

Nous avons demandé à Brandon de nous transmettre son feedback (vous pouvez en voir une page au bas de cet article). Le document lui explique que les compétences évaluées étaient les suivantes: s'auto-développer, travailler en équipe, agir de manière orientée service, faire preuve de fiabilité, atteindre les objectifs, analyser l'information, résoudre des problèmes et le raisonnement abstraite. Le feedback indique que le niveau de Brandon était insuffisant pour la capacité à résoudre des problèmes et le raisonnement abstrait. Pour son insuffisance à résoudre un problème, le Selor explique à Brandon qu'il "un peu de mal à cerner et à gérer les imprévus et pourriez davantage prendre l’initiative d’exécuter des tâches", ajoutant que "lors de la résolution de problèmes, il est recommandé de tenir compte des situations a priori inattendues, de manière à pouvoir y faire face avec plus de souplesse. En outre, il est important de faire preuve d’initiative en recherchant soi-même une solution". Concernant, ses problèmes de raisonnement abstrait, le Selor ne donne par contre aucun conseil.

Mais ce que Brandon retient d'abord c'est la règle suivante communiquée par le Selor sur son site web: "Vous devrez attendre 6 mois avant de pouvoir vous représenter". Au contraire, s'il avait réussi, il aurait été dispensé du module 1 pour une période de trois ans, c'est-à-dire qu'à chaque fois qu'il aurait postulé pour un emploi dans le public via le Selor, il aurait pu passer directement au module 2.

Six mois, pas seulement pour réussir le test mais vraiment progresser

Nous vous l'avons dit, c'est ce laps de temps de 6 mois qui chagrine Brandon. Nous avons demandé la raison de ce délai à Cédric Danloy. Ce responsable recherche au Selor nous indique que la durée de cette période appelée "development buffer", qui peut se traduire en français par une période tampon pour évoluer, repose sur un raisonnement scientifique. Des chercheurs et spécialistes en ressources humaines estiment en effet qu'une demi-année est nécessaire pour développer et vraiment améliorer ses capacités générales telles qu'attendues par un recruteur comme le Selor.

Pour Brandon, il aurait pourtant suffi de quelques jours voire une semaine ou deux, le temps de s'entraîner en faisant et refaisant les tests démo proposés sur le site web du Selor pour s'exercer (il n'a malheureusement pour lui découvert l'existence de ces simulations de tests qu'après avoir effectivement passé les tests dans les conditions réelles), afin de pouvoir enfin réussir ce module 1. Mais, développe Cédric Danloy, réussir un test parce qu'on a fait, fait et encore refait les simulations pour finir par s'y être parfaitement accoutumé et adapté, n'est pas la solution dans le cadre d'une épreuve d'aptitude générale. L'objectif n'est pas de "coller" au test, l'objectif est de présenter des capacités telles qu'on puisse "coller" à un certain nombre de fonctions. D'une certaine manière, le but n'est pas d'être une personne adaptée mais adaptable dans un ensemble de jobs. Cédric Danloy rapporte que, selon des spécialistes, le délai de 6 mois est nécessaire pour, justement, se détacher de la logique des tests et réellement faire évoluer ses capacités. En effet, repasser un test, une semaine après avoir échoué, et après avoir repassé 100 fois les tests démo, signifierait seulement que vous êtes adapté au test, pas nécessairement que vos capacités générales ont vraiment progressé. Ce raisonnement du Selor est appuyé par une commission de 8 experts en ressources humaines et psychologie que le Selor consulte dans l'élaboration et l'évolution de ses procédures de sélection.

Brandon n'aura de toute façon pas dû attendre ces six mois, sa volonté et sa motivation lui ont permis de passer outre cet obstacle. Lorsque nous l'avons rappelé, il avait décroché un travail dans l'administration publique, au SPF Finances, sans passer par le Selor, via un contrat Rosetta (voir convention de premier emploi).


Fabrice Cecchi


        


 

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