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Assurance auto: pour deux domiciliations de 30€ qui ne sont pas parties, "je vais devoir payer toute ma vie"

 
 

Stéphanie a 38 ans. Bonne conductrice, elle était assurée depuis sa première voiture, achetée quand elle en avait 20. Mais il y a un mois, elle apprend que son assureur a résilié son contrat et l’a placée sur liste noire, car deux de ses domiciliations ne sont pas passées. Résultat: elle ne parvient plus à être assurée, les compagnies contactées refusant systématiquement son "profil". Ne pouvant se passer de voiture, elle est obligée de rouler sans assurance, à ses risques et périls, en attendant une solution.

"J’ai eu beaucoup de problèmes", nous explique Stéphanie, contactée après nous avoir raconté son histoire via notre page Alertez-nous.  L’année dernière, "on a été à trois avec mon mari à vivre avec un seul revenu de 1.200 euros. Donc j’ai accumulé des dettes. Je suis restée trois mois en négatif et on m’a bloqué mon compte. Je payais mon assurance auto par domiciliation et il y en a deux de 30 euros qui ne sont pas passées vers les mois de septembre-octobre." Ce défaut de paiement, son assureur lui a signifié en envoyant une lettre de rappel. Dans les ennuis financiers, Stéphanie ne l’a pas payé, se disant qu’il y avait encore d’autres étapes avant d’avoir des problèmes. "Je n’ai pas reçu de recommandé, donc je n’ai pas fait attention. C’est vrai, c’est de ma faute aussi. Je n’ai plus suivi l’histoire puisque c’était payé par domiciliation et qu’il y en a eu d’autres après qui sont passées." Stéphanie ayant déménagé durant cette période délicate, elle n’a peut-être jamais reçu la mise en demeure de paiement par recommandé.

"Ils ont résilié mon contrat et m'ont placée sur liste noire"

Il y a un mois, alors qu’elle ne se doutait de rien, c’est la douche froide. "J’ai reçu un courrier qui m’a annoncé que je n’étais plus couverte, que mon assureur avait résilié mon contrat. Apparemment, ils m’ont encore couverte pendant un certain temps, quelques mois, et puis ils ont arrêté mon contrat et ils m’ont placée sur la liste noire des assureurs."

Un mauvais payeur est fiché pendant 3 ans

Cette liste noire s'appelle le "fichier des risques spéciaux en Assurances Non-Vie (RSR)" de Datassur. Cet organisme vérifie les informations des assureurs concernant les personnes dont ils ont résilié les contrats, puis dresse une liste de personnes "à risque", le fichier RSR. Trois types de raisons peuvent être invoquées : les mauvais payeurs, les personnes trop impliquées dans des accidents en tort et ceux qui ont tenté de frauder. Pour chacun de ces cas, les clients restent fichés respectivement 3 ans, 5 ans et 10 ans. En 2012, plus de 200.000 personnes y étaient fichées. Près de 95% des nouveaux clients fichés l’étant pour non-paiement des primes ou des franchises, selon le rapport annuel de Datassur. Ce fichier RSR peut être consulté par toutes les compagnies d’assurances, leur permettant d’évaluer le risque qu’ils encourent en acceptant d’assurer un client.

Plus personne ne veut l'assurer

Et c’est là que réside le vrai problème de Stéphanie. Depuis un mois, elle a contacté six compagnies d’assurance différentes, pour… six refus! La raison invoquée dans les courriers qu’elle reçoit est toujours la même : "On me dit que je ne corresponds pas au profil de leur clientèle". Un employé d’une de ces compagnies lui a avoué la vraie raison par téléphone : ils voient qu’elle est sur la liste noire et envoient donc un courrier standard de refus.

Pourtant, des contrats adaptés aux mauvais payeurs existent

Pour Wauthier Robijns, le porte-parole d’Assuralia, l’Union professionnelle des entreprises d’assurances, ce constat est surprenant. En effet, la plupart des assureurs acceptent de prendre comme nouveau client un "mauvais payeur" du fichier RSR, moyennant une forme de précaution. Après avoir vérifié les "antécédents de sinistres sur les 5 dernières années, la compagnie suivante émet un contrat où elle exige le paiement de la prime au préalable. Le contrat est différent car il n’est pas renouvelé automatiquement d’année en année, mais uniquement après le paiement de la prime annuelle", explique-t-il.

L'Etat peut contraindre une compagnie à vous assurer

Mais Stéphanie, face à ces nombreux refus, a choisi une autre voie pour être assurée. "Comme je ne trouve pas d’assureur, j’ai fait une demande de tarification auprès du ‘Fonds de solidarité’ et j’attends des nouvelles", nous dit-elle. En fait, ce Fonds s’appelle le Fonds de garantie belge, anciennement appelé Fonds commun de garantie automobile. "Il ‘agit d’un organisme créé par l’Etat. Il dispose d’un bureau de tarification qui fonctionne uniquement en matière d’assurance automobile obligatoire. Il intervient en dernier ressort pour obliger un assureur à assurer un automobiliste refusé par toutes les compagnies", détaille Wauthier Robijns. Mais la prime est alors substantiellement plus élevée que le tarif habituellement pratiqué par les assurances.

"Il n'y a plus d'humanité"

"Mais je ne sais pas combien cela va me coûter. J’étais au bonus-malus 0. Je ne suis pas une mauvaise conductrice et j’ai toujours payé. Je trouve que c’est un peu fort. Cela fait 18 ans que je paye toujours tout à temps et que je n’ai jamais eu de souci. Et pour ces deux mensualités, voilà, vous êtes dehors, vous êtes fiché et sur liste noire des mauvais payeurs et clients. C’est normal de prendre des précautions mais je trouve qu’il n’y a vraiment plus aucun sens de l’humanité aujourd’hui, c’est fini ça", regrette Stéphanie.

Prendre un courtier peut ouvrir des portes

Pour M. Robijns, le cas de Stéphanie n’est pas désespéré. En effet, seuls 18.000 automobilistes en Belgique sont assurés via le Fonds de garantie belge, sur 6 millions de véhicules (dont on estime que 75.000 à 100.000 ne sont pas assurés). Ces 18.000 personnes ne sont pas des mauvais payeurs, mais des conducteurs ayant cumulé des défauts plus graves, comme de nombreux accidents en état d'ivresse. Assuralia conseille donc à Stéphanie de se faire assister par un courtier ou un agent d’assurance dans ses démarches : "L’intermédiaire en assurance est payé pour se décarcasser pour son client".

 

"Imaginez que je fasse un accident, je vais devoir payer toute ma vie"

En attendant, Stéphanie prend des risques. "J’habite en province de Luxembourg et sans voiture, on ne peut rien faire. Je suis donc obligée de rouler sans assurance pour le moment. Je n’ai pas le choix. Mais imaginez que maintenant je fasse un accident. C’est encore moi qui vais avoir des problèmes et je vais devoir payer toute ma vie. C’est une descente aux enfers." Ou comment un petit défaut de paiement de 60€ qu'on laisse courrir quelques mois de trop peut potentiellement coûter des milliers d’euros…


 

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