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Ascenseurs en panne, détériorations, jeunes qui squattent les communs: Marie nous raconte "l'enfer au quotidien" dans un immeuble de Saint-Gilles

 
 

Difficile de rentrer chez soi après une journée de travail et de devoir grimper jusqu'à 18 étages à pied car l'ascenseur en panne. Difficile aussi, au moment d'aller dormir, de subir les nuisances d'un groupe d'individus extérieurs à l'immeuble qui aiment s'installer dans les couloirs pour fumer et écouter de la musique. Et le lendemain, de constater les détériorations et les déchets. Une habitante nous a raconté ce quotidien dans un immeuble de logements sociaux de Saint-Gilles, à Bruxelles. Nous avons soumis son constat au gestionnaire de ces logements, ainsi qu'à la police locale et à la commune de Saint-Gilles. Ils dévoilent des pans de leur action dans le quartier du square Jacques Franck.

"Nous savons que la vie est difficile pour beaucoup de monde, mais nous vous appelons à l’aide parce que notre vie est devenue un véritable enfer". Voici le message que Marie (prénom d’emprunt) a adressé à la rédaction de RTLinfo.be. Cette dame, qui a souhaité rester anonyme, vit à Saint-Gilles, dans l’une des deux tours du square Jacques Franck, ces immeubles jumeaux de 18 étages de logements sociaux, s’élevant juste derrière la porte de Hal.

Elle vit là avec ses enfants depuis plus de 10 ans. Mais depuis 2 ans, nous dit-elle, elle doit composer avec la présence pesante d’individus dans les couloirs de son immeuble. "Certains jeunes, qui n’habitent pas l’immeuble, squattent le hall et les escaliers – les portes des escaliers claquent sans cesse – boivent, fument, font du bruit, et écoutent de la musique à un volume élevé, nous empêchant de dormir. On retrouve tous les jours des déchets par terre, et les détériorations sont elles aussi multiples et récurrentes (vitres des portes, les boutons des ascenseurs, les boites à lettres ainsi que les portes principales)", écrit-elle, nous joignant ces quelques photos via le bouton orange Alertez-nous.




Comment les jeunes perturbateurs font-ils pour entrer ?

"Avant, les gens restaient à l’extérieur, maintenant, ils peuvent rentrer, restent dans les escaliers", précise Marie. L’entrée de l’immeuble est pourtant protégée par une serrure magnétique qui se déverrouille avec un badge. Un obstacle facilement franchi pour ces personnes qui souhaitent passer la porte : ils se glissent sans problème derrière l’un ou l’autre occupant des lieux.

D’autres fois, c’est la manière forte qui est utilisée. "La porte principale du bâtiment est incessamment détériorée. Vous verrez sur les photos en pièces jointes que les vitres font l'objet de fissures, souvent perpétrées par des coups de pieds (les traces de chaussures sont également notables), boutons de l'ascenseur brûlés...", ajoute Marie.


"Ils font céder les fermetures magnétiques pour pouvoir entrer dans l’immeuble"

De petits travaux sont fréquemment effectués dans le bâtiment de Marie, afin de réparer les dégâts causés par les individus qui, pour "squatter" les lieux, brisent les portes et les vitres. "Les jeunes de l’extérieur qui cherchent à entrer dans la tour, soit entrent derrière un locataire qui les laisse rentrer, parce que ce n’est pas facile, si vous avez 60 ans, qu’il est 7 heures du soir, et que vous avez 3 ou 4 jeunes qui rentrent derrière vous, de leur dire, les petits gars vous restez dehors… Soit, ils tapent sur les portes jusqu’à faire céder les fermetures magnétiques pour pouvoir rentrer dans l’immeuble. A certains moments, ils cassent les carreaux en tapant sur la porte", précise Stéphane Vandercruyssen, le directeur-gérant du Foyer du sud (anciennement "Foyer Saint-Gillois", qui a depuis 2014 fusionné avec le "Foyer Forestois"), la société immobilière de service public qui gère les deux tours du square Jacques Franck. 


"Le foyer préfère changer presque chaque semaine les vitres"

"Le foyer préfère changer presque chaque semaine les vitres et faire des réparations ponctuelles et essayer de faire payer le coût aux habitants plutôt que d'agir sur ceux qui sont la cause de tous ces désagréments", déplore l’habitante de la tour.

Le directeur-gérant rectifie ses propos: "Aucun frais supplémentaire n’est compté pour les locataires par rapport au vandalisme", nous dit-il.

Il explique également la politique du foyer en matière de dégradations: "C’est ce qu’on appelle la tolérance zéro, c’est-à-dire qu’on répare quand c’est cassé. C’est la même chose pour n’importe quel immeuble. Quand quelque chose est vandalisé, on répare au plus vite, de manière à ce que le vandalisme n’engendre pas de nouveau du vandalisme. C’est notre philosophie".


Des caméras installées dans l'immeuble

Des caméras ont été installées dans l’immeuble, et ont permis de confondre des auteurs de faits de vandalisme. "Quand un incident arrive, c’est-à-dire bris de vitres, vandalisme, ou des choses comme ça, nous avons une personne habilitée à visionner les images. Quand elle arrive à repérer, on sait que tel jour, à tel heure, il y a eu tel événement, on va visionner les caméras, et si c’est du bris de vitre, du vandalisme, etc, nous portons systématiquement plainte, et en général la police réquisitionne les images, et on les donne", précise le directeur gérant du foyer du sud.


6 agents de prévention et de sécurité à plein temps

En ayant posé des caméras, installé des badges pour limiter l'entrée aux immeubles et déployé 6 agents de prévention et de sécurité à plein temps aux heures du bureau, le foyer estime qu'il remplit son rôle: "C’est clairement lié à des problèmes de délinquance et de trafic, et là, le foyer n’a rien à faire, c’est le travail de la police", estime-t-il.


Une bande de jeunes qui aiment traîner là

Qui sont ces individus qui perturbent la quiétude de Marie et des habitants de l’immeuble ? Ils sont issus d’une bande d’une cinquantaine de jeunes, mineurs et majeurs, qui ont pour habitude de se retrouver là mais qui n’habitent pas dans les tours jumelles. "C’est la particularité du quartier qui est vraiment un secteur limitrophe avec la Ville de Bruxelles et le quartier de la porte de Hal. Par moments, on parle de "bandes", et par moment on parle de "mouvances". Il y a des va-et-vient, la plupart de ces jeunes n’habitent pas le square mais sont originaires de quartiers voisins", nous dit un employé aux Affaires générales de Saint-Gilles. 


Les éducateurs et les policiers sont en contact fréquent avec eux

Ces jeunes sont bien connus des agents d’"Uneus" (Union pour un Environnement Urbain Sécurisé), une cellule mise en place au sein de la zone de police Midi il y a 4 ans, qui cible les quartiers du square Jacques Franck et de la place Bethléem et qui travaille en étroite collaboration avec le parquet et les services de prévention. "C’est un projet qui vise à améliorer la qualité de vie dans les quartiers, et la commune de Saint-Gilles a mis à disposition 400.000 euros pour la zone de police Midi, pour créer une équipe de 30 policiers qui sillonnent toutes les rues de ces quartiers", explique le commissaire Gabriele Evangelisti, chef de corps de la division Saint-Gilles à la zone de police Midi. L’objectif de ce projet était notamment d’agir sur la criminalité de rue. "On a fait baisser la criminalité de 67%, ce qui est énorme", précise-t-il.

"Les services de proximité ont des contacts avec cette bande, il y a des contacts qui existent sur la voie publique, avec des éducateurs, et même entre des policiers et ces jeunes", détaille l’employé aux Affaires générales de la commune. 


Un nombre "dérisoire" de faits constatés

La police de la zone Midi dénombre 5 cas de vandalisme en 2016, un nombre "dérisoire", estime le commissaire, qui précise qu’ils se sont tous produits au sein des tours jumelles du square Jacques Franck. "S’ils commettent des faits, ils sont tellement connus par les policiers qu’ils sont rapidement identifiés et interpellés. D’où cette chute de criminalité, et d’où le fait que les faits délictueux sont quasiment dérisoires dans ce secteur. Mais il y a ce sentiment d’insécurité subjectif, lorsque vous voyez effectivement une dizaine, une vingtaine de jeunes, sur l’aire de jeux, devant les immeubles, ils ne doivent pas toujours commettre des délits pour que ce sentiment d’insécurité s’installe. Mais lorsqu'ils pénètrent les tours, c’est autre chose, d’où évidemment cette communication avec les riverains qui est très importante", explique le commissaire.


"On invite clairement les gens à signaler les faits"

Un bilan qui ne correspond pas aux nombreuses détériorations qu'a constatées Marie, qui ne veut pas entendre parler de sentiment d'insécurité. La délinquance se serait-elle déplacée de l'extérieur à l'intérieur de l'immeuble? Pourquoi les chiffres ne collent pas à ce témoignage? "Si les personnes qui font état de toute une série de choses ne les déclarent pas, ne serait-ce qu’en interne au niveau du foyer, ou à l’assistant social qui est en charge du site, ou à la direction du foyer, on ne peut pas, nous, nécessairement le savoir, sauf si ça a un impact sur la voie publique ou l’espace public, et dès le moment où il y a une dégradation visible. On invite clairement les gens à signaler les faits, à les déclarer, même de manière informelle, et nous on s’arrange pour qu’il y ait prise de contact, suivi, et prise en considération", nous dit-on aux Affaires générales de Saint-Gilles. 

Le commissaire, lui aussi, conseille aux habitants de communiquer avec les services de police lorsque des nuisances sont constatées. "On peut ainsi monter un dossier, enquêter et identifier les auteurs, et cela peut surtout nous aider à avoir une vue plus globale de ce qui se passe à l’intérieur des immeubles", précise Gabriele Evangelisti.

"Nous avons 6 assistants sociaux qui peuvent répondre aux demandes des locataires à tout moment s’ils ont un problème", rappelle le directeur-gérant du foyer du sud. Une personne est également désormais chargée de travailler sur la cohésion sociale dans le quartier: "Il va travailler avec nos locataires, pour voir comment travailler sur le sentiment d’insécurité, de quoi les personnes âgées sont demandeuses, comment occuper les jeunes et comment organiser le partenariat avec le réseau associatif qui est autour". Une équipe d’agents va également être affectée au travail sur le terrain au-delà de 22h, nous dit-on à la commune.


"C'est l’enfer au quotidien"

Outre ces nuisances causées par une poignée d’individus, Marie pointe également un problème récurrent dans son immeuble : les deux ascenseurs, qui sont comme dans beaucoup de cas aussi vieux que l’immeuble – sa construction date des années 70 – connaissent des ratés. Une situation particulièrement gênante quand on habite aux étages et que seul l’un des deux ascenseurs est opérationnel pour les habitants.

"Il y a souvent un seul ascenseur pour un bâtiment de 18 étages, avec 6 appartements par étage, donc 108 foyers, dans lesquels il y a majoritairement des personnes âgés (malades), des personnes handicapés (en chaises roulantes, béquilles...) et des enfants (poussettes, cartables...)". Lorsqu’elle nous a écrit, les deux étaient en panne. "Imaginez-vous des personnes comme nous, qui habitons à partir du 5ème jusqu’au 18ème étage : c'est l’enfer au quotidien".



De tous nouveaux ascenseurs pour les tours

Stéphane Van Der Cruyssen, le directeur-gérant du Foyer du sud, confirme ces pannes, et explique que l’ascensoriste s’est rendu directement sur place. "Il se fait que les deux ascenseurs sont tombés en panne en même temps, ce qui est excessivement rare". 

Bonne nouvelle toutefois, cette situation ne devrait plus se présenter à l’avenir, car le Foyer du Sud va procéder à d’importantes rénovations: "Nous avons lancé un marché public de 2 millions d’euros pour la mise en conformité de tous les ascenseurs du patrimoine saint-gillois du foyer du sud, ce qui représente 50 ascenseurs. En ce qui concerne les tours Jacques Franck, le marché a été publié le 30 janvier au moniteur et le remplacement complet des quatre ascenseurs des tours devrait commencer soit au mois de juin, soit début septembre, en fonction des congés du bâtiment, on est évidemment pressés d’aller au plus vite. Ce n’est pas une mise en conformité, c’est un remplacement des deux ascenseurs de chaque tour : moteur, câbles, cabines d’ascenseur, les portes, tout", nous dit-il, précisant que rien que pour les deux tours du square, ces travaux se chiffrent à environ 1 million d’euros.


D'importants réaménagements sur le square

Cécile De Geest, porte-parole du bourgmestre Charles Picqué, nous indique également que d’importants réaménagements vont avoir lieu afin d’améliorer la qualité de vie et le rapport entre les habitants dans le quartier: "Ca va vraiment être une requalification des espaces communs, de l’espace public. Pour le moment, il y a ce terrain de basket avec cette énorme cage métallique autour. On y avait, il y a deux ans, installé également des engins pour faire du fitness en rue, malheureusement certains on fait l’objet de dégradations. Ici, ça va vraiment être un réaménagement complet de l’espace, avec de nouveaux espaces sportifs, avec un embellissement de manière générale, et parallèlement, un espace public, un espace vert, et des espaces de jeux, pour les enfants".


 

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