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Adil, jeune Afghan serveur dans un restaurant gastronomique de Sivry, a pu quitter le centre fermé: "C'est un modèle d'intégration"

 
 

Une importante mobilisation a lieu en faveur d'Adil Ahmad, un Afghan de 19 ans brièvement incarcéré au centre fermé de Vottem. Le jeune homme travaille depuis plusieurs années dans un restaurant gastronomique à Sivry, dans le Hainaut, et est très apprécié des clients et employés.

Les employés et habitués du restaurant gastronomique Le Grand Ryeu, à Sivry-Rance dans la botte du Hainaut, peuvent souffler. Leur protégé, Adil, qui travaille dans l’établissement comme apprenti, a été libéré du centre fermé de Vottem où il était incarcéré depuis quelques jours. L'annonce de la libération de ce jeune Afghan de 19 ans a été accueillie avec beaucoup de joie sur place. "On a fait tout ce qu'on a pu pour faire un maximum de bruit pour favoriser sa libération", commente Catherine, une amie des tenanciers du restaurant, après nous avoir joints via notre bouton orange Alertez-nous.


15.000 personnes signent la pétition pour libérer Adil

En effet, dès l'annonce de l'incarcération d'Adil, ses amis ont lancé une pétition sur Change.org. A l'heure où nous écrivons ces lignes, elle comptabilisait près de 15.000 signatures. "C’est incroyable, se réjouit Alain Boschman, directeur du restaurant gastronomique, ayant pris Adil sous son aile dès 2016. On se bat pour de belles valeurs, pour qu’Adil soit reconnu en tant que personne. Ca nous fait beaucoup de bien de constater une si grande mobilisation".

Mais comment Adil en est arrivé là? Retour sur l'histoire belge de ce jeune homme venu de loin.


Il a fui l'Afghanistan après le décès de son père: "Il a rasé sa barbe pour protester"

Tout a commencé en 2015. A l’époque, Adil était encore adolescent et vivait dans un petit village en Afghanistan. Un jour, un drame s'est produit. "Le père d’Adil, qui tenait un magasin, a été tué par des Talibans, raconte Alain Boschman. Vous savez que là-bas, les hommes sont obligés de porter la barbe. Alors Adil, en signe de protestation s’est rasé et a déambulé comme ça dans le village. Ca a été très mal vu". Par ce geste, le jeune adolescent contestait le régime en place, l’ordre établi, et se mettait par la même occasion bon nombre de personnes à dos.

"Sa mère a senti que ça devenait dangereux pour lui et elle lui a dit de fuir pour qu’il ait la vie sauve", dit Alain. C’est ainsi que le jeune homme a tout quitté et est arrivé en Belgique, dans un centre d’hébergement pour demandeurs d’asile à Oignies (Hainaut) après un long voyage.

Quand Adil commence son stage dans le restaurant gastronomique d'Alain, le courant passe tout de suite

Bien qu’il ne parle pas français, Adil commence rapidement les cours d’hôtellerie et se distingue par son sérieux et son amabilité. "L’un de ses professeurs était une amie à moi, une ancienne patronne d’un restaurant étoilé à Namur, se souvient Alain. Elle m’a demandé si je n’étais pas intéressé de prendre un stagiaire vraiment très bien, mais qui parlait peu français. J’ai dit oui tout de suite, il n’y avait pas de raison de refuser". Adil débarque alors dans le restaurant gastronomique d’Alain Boschman et le courant passe à merveille. "Il s’est parfaitement intégré à notre équipe, raconte le patron. Il sourit tout le temps, ne se plaint jamais. Il est très reconnaissant, généreux et positif. C’est un vrai bonheur de travailler avec lui".

Adil, tout sourire, juste avant un service en salle.
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Ci-dessous, Adil en cuisine avec son patron Alain Boschman et des collègues.
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Les liens se tissent: Alain devient le "papa belge" d'Adil

La progression d’Adil se poursuit et, lorsqu’il entame un CEFA (formation en alternance), il intègre pour de bon le restaurant Le Grand Ryeu. "Il suivait deux jours de formation et passait trois jours en entreprise chez nous, raconte M. Boschman. Il a appris le français à une vitesse folle. A partir de ce moment, il a quitté le centre de Oignies et je l’ai pris chez moi. Je devenais son tuteur. Aujourd’hui, il m’appelle son ‘papa belge’ et mon épouse, sa ‘maman belge’!".

Alors qu’il s’intègre parfaitement, Adil reçoit un ordre de quitter le territoire

Petit à petit, Adil se fait sa place et devient un membre à part entière de l’équipe. "Il sert en salle et les clients l’adorent, assure M. Boschman. Il apporte tellement à notre équipe, à nos clients, à mon entreprise,… Je suis convaincu qu’il aporterait tellement à la société belge s’il pouvait rester"

Car malheureusement, le 8 février dernier, la famille Boschman reçoit un courrier de l’Office des Etrangers. "On nous annonce que la demande d’asile d’Adil est refusée, se désole le patron. Quelques jours plus tard, la police faisait son travail et emmenait Adil vers le centre fermé de Vottem".


"Il m'a regardé en pleurant et en me demandant 'Pourquoi?'"

Un moment difficile à vivre pour toute la famille ainsi que les employés. "Ce jour-là, le restaurant était fermé, se souvient Alain. Chacun s’est montré très respectueux: les policiers comme Adil. Adil a obéi comme il le fait toujours. Il m’a simplement regardé en pleurant et en me demandant ‘Pourquoi?’. Je lui ai dit que je ne savais pas lui répondre".

"L’arrestation d’Adil Ahmad s’est effectivement passée dans le calme", confirme Dominique Ernould, porte-parole de l’Office des Etrangers. Adil, lui, est resté positif. "Quand il est arrivé dans ce centre, Adil a embrassé les policiers qui l’y ont déposé, se souvient Alain. Le gardien m’a dit qu’il n’avait jamais vu ça de toute sa carrière!".


Une cliente appelle le restaurant en pleurs: "Est-ce qu'Adil va bien?"

Dans le restaurant, l’absence d’Adil se fait rapidement ressentir. "Les clients se sont habitués à son sourire, indique le patron du restaurant. L’une de nos habituées m’a appelé en pleurant en demandant s’il allait bien. Une autre est venue avec une enveloppe pour, disait-elle 'payer les avocats d’Adil'. Je n’ai pas accepté cette enveloppe bien-sûr, mais tous ces gestes nous touchent beaucoup". Puis, il y a eu la pétition lancée sur internet pour obtenir la libération du jeune garçon. "Je n’en croyais pas mes yeux, reconnaît Alain. 15.000 personnes qui nous soutiennent? Waw, c’est génial! ".

Adil et Alain sont sur la même longueur d’ondes: "Il faut respecter la loi, mais s’il y a une chance pour qu’il reste, nous la saisirons "

Alain a tout de suite exprimé qu’il voulait que cette mobilisation reste positive. Hors de question pour lui de tomber dans une guéguerre anti-gouvernement. "J’ai refusé que notre histoire soit reprise par des partis politiques, affirme-t-il. Nous, on ne reproche rien à personne, on ne critique aucune personnalité gouvernementale, il y a des lois, il faut les appliquer et les respecter. Néanmoins, nous voulons nous battre pour qu’Adil obtienne un droit de séjour car sa place est ici, chez nous, entourés des siens".

C’est la raison pour laquelle les avocates d’Adil ont contesté la décision du juge de l’incarcérer. "Elles ont eu gain de cause: le Conseil des contentieux a décidé de le libérer", confirme Dominique Ernould. Ce jour-là, Alain et son épouse sont allés chercher Adil. Ensemble, ils ont immortalisé cet instant en postant cette photo sur les réseaux sociaux.
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Les deux avocates sont sur le point d'introduire un recours

Cependant, l’ordre de quitter le territoire court toujours. Il faudra donc introduire un recours rapidement. "Nous devons justifier des circonstances exceptionnelles pour qu’il puisse obtenir un droit de séjour et ce n’est pas facile, reconnaissent les avocates du jeune homme, Valérie Henrion et Oriane Todts. Nous allons invoquer son excellente intégration, le fait qu’il parle parfaitement français, qu’il gagne sa vie et ne dépend d’aucune aide financière de l’Etat, etc. Ce n’est pas gagné d’avance, mais nous allons tout essayer".


Adil a-t-il une chance de rester? "Son excellente intégration pourrait faire la différence"

En effet, Adil n’est pas un poids pour la société belge. "Il travaille, gagne un salaire, vit chez moi, a des amis, des collègues,… C’est un modèle d’intégration!", martèle Alain Boschman. Alors, Adil a-t-il des chances de pouvoir rester en Belgique? L’Office des Etrangers devra analyser le dossier et se refuse à tout commentaire sur des cas particuliers.

Néanmoins, une source bien informée nous indique que son profil peut faire la différence. "S’il s’agit d’une personne pleine de bonne volonté, qui travaille et ne coûte rien à l’Etat belge, ça peut jouer, nous dit-on. L’Office des Etrangers tient compte du fait que la personne est autonome et indépendante. Il s’agit d’un jeune qui débute sa vie, est déjà très actif et est un très bon élément dans le milieu de la restauration. L’Office des Etrangers pourrait le régulariser temporairement pour commencer par exemple, mais ce n’est pas certain, c’est vraiment du cas par cas".

Alain et son épouse, eux, préparent le dossier d’Adil. "Nous avons rendez-vous cet après-midi avec les avocates, explique Alain. Ensuite, nous rentrerons en famille à la maison. Adil est un rayon de soleil dans notre entreprise, dans nos vies, et nous ne l’abandonnerons pas".


 

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