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"Ma voiture ne peut plus rouler à Bruxelles": Catherine ne sait plus comment se rendre à l’hôpital pour son suivi post-cancer à cause de la Zone Basses Émissions

"Ma voiture ne peut plus rouler à Bruxelles": Catherine ne sait plus comment se rendre à l’hôpital pour son suivi post-cancer à cause de la Zone Basses Émissions
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À 67 ans, Catherine a poussé le bouton orange Alertez-nous pour témoigner de la situation compliquée dans laquelle elle se trouve actuellement. Cette habitante d’Écaussinnes, dans le Hainaut, est en rémission après avoir lutté pendant 2 ans contre un cancer du sein. Aujourd’hui, elle doit régulièrement se rendre à l’hôpital d’Ixelles pour le suivi de son cancer. Mais depuis le 1er janvier 2022, sa voiture n’est plus autorisée à circuler dans Bruxelles. Et elle ne trouve pas d’autres solutions simples et sans devoir débourser des sous pour s’y rendre. Une situation qui lui cause du souci supplémentaire.

"Atteinte d’un cancer du sein depuis octobre 2020, je suis traitée, avec succès heureusement, à l’hôpital d’Ixelles. Ma voiture ne peut plus rouler à Bruxelles depuis ce 1er janvier 2022 et je viens de recevoir un premier avertissement. Mon suivi pour mon cancer se fait à l’hôpital d’Ixelles et nécessite donc que je puisse m’y rendre facilement et ce, plusieurs fois par an. Je fais quoi ?", nous écrit Catherine, 67 ans, via le bouton orange Alertez-nous.

Cette habitante d’Écaussinnes, dans le Hainaut, se trouve aujourd’hui dans une situation pour le moins compliquée. Suite à l’instauration de la Zone Basses Emissions (LEZ) à Bruxelles, elle ne peut en effet plus circuler dans la capitale avec son Diesel datant de 2008. Problème ? Elle doit régulièrement se rendre à l’hôpital d’Ixelles pour des contrôles post-cancer. C’est dans cet établissement hospitalier qu’elle a travaillé pendant des années en tant qu’infirmière. C’est aussi là qu’elle a tous ses médecins spécialistes et qu’elle a été opérée suite à la découverte de son cancer du sein. Elle connaît les équipes médicales, il est donc normal pour elle de poursuivre ses traitements là-bas. Mais pour s’y rendre, c’est devenu la croix et la bannière. "A partir du 1er juillet, je devrai payer 350 euros d’amende si je suis encore photographiée en train de circuler dans Bruxelles avec ma voiture", déplore Catherine.

Selon elle, il n’existe pas d’autres solutions actuellement : "J’ai regardé en transports en commun, depuis mon domicile, cela me prendrait une journée entière. En plus, les chimiothérapies ont aggravé mes problèmes d’arthrose, donc j’ai énormément de difficulté à marcher. Je dois me déplacer avec une canne. Et je n’imagine même pas la fatigue que cela me donnerait…", poursuit la retraitée.

Une lettre à la Région bruxelloise

Bien décidée à continuer à se faire soigner à Ixelles, Catherine nous dit avoir écrit une lettre à la Région bruxelloise. "Leur réponse était tout à fait impersonnelle. Ça ne répondait pas à mon problème… J’ai l’impression que ma situation n’a pas été prise en compte. On m’a dit de changer de voiture, mais je n’ai pas les moyens d’acheter une nouvelle voiture. On m’a aussi dit d’échanger de voiture avec un proche, mais ce n’est pas possible. Mon compagnon a une voiture de société, il ne peut pas me la prêter quand il doit aller travailler", développe notre interlocutrice.

Dans sa réponse, nous dit Catherine, la Région bruxelloise évoquait également une autre possibilité : "Voir avec une ASBL pour qu’ils me véhiculent mais ça me prend toute la journée quand je dois aller là-bas. Et puis, combien ça va me coûter ?", lance-t-elle.

Je ne veux pas changer de médecins, je veux garder mon oncologue, mon chirurgien, mon psychologue…

Il existe en réalité une dernière alternative, mais peut-être un peu plus onéreuse : acheter un pass d’une journée pour circuler dans la capitale. Celui-ci coûte 35 euros par jour, mais il est actuellement limité à 8 fois par an, par personne et par véhicule. "Je suis pensionnée et avec le coût de la vie qui augmente, on a un budget serré", regrette-t-elle, avant de poursuivre : "Je trouve ces décisions politiques scandaleuses et discriminantes, appliquées sans discernement, même si je comprends que des mesures doivent être prises pour protéger notre planète. Alors que les camions poids lourds peuvent toujours entrer dans Bruxelles…"

Idéalement, Catherine voudrait pouvoir obtenir une "dérogation permanente" pour continuer à se rendre à l’hôpital d’Ixelles. "J’ai toujours été là, et j’ai été très bien suivie pour mon cancer. Je ne veux pas changer de médecins, je veux garder mon oncologue, mon chirurgien, mon psychologue… Je trouve cela primordial de pouvoir continuer à me faire suivre et soigner par les médecins de mon choix. Un cancer, c’est important quand même… En plus, la loi garantit le libre choix du médecin pour le patient", souligne-t-elle, invoquant une loi du droit belge relative aux droits du patient.

Une loi de 2002

Cette loi, entrée en vigueur le 6 octobre 2002, garantit en effet "une meilleure protection au patient en le (re)-plaçant au centre des soins de santé", peut-on lire sur Wallex, le site du Service Public de Wallonie publiant l’information juridique en lien avec l’organisation, l’activité et les compétences de la Région wallonne. Concrètement, le patient a notamment droit à des prestations de qualité, au libre choix du dispensateur de soin et à être informé sur son état de santé. Il a également le droit de consentir librement à toute intervention du praticien professionnel moyennant information préalable, de consulter son dossier médical qui doit être tenu à jour et conservé en lieu sûr ou encore droit au respect de sa vie privée et de son intimité.

Avec cette Zone de Basses Émissions et l’interdiction pour son véhicule de circuler dans la capitale sans devoir s’acquitter d’une quelconque somme, Catherine a ainsi l’impression que son droit à choisir librement son dispensateur de soin n’est pas respecté. "C’est illégal d’empêcher quelqu’un d’aller voir son médecin. Déjà avec le confinement, mon cancer n’a pas été diagnostiqué directement… C’est une situation qui me pèse, et le moral fait partie des chances de guérison d’un cancer", glisse l’habitante d’Écaussinnes.

La LEZ est là pour protéger la santé des gens, améliorer la qualité de l’air et lutter contre les maladies

Du côté de Bruxelles Environnement, on rappelle l’importance de cette Zone Basses Émissions et les raisons de sa mise en place en 2018. "La LEZ est là pour protéger la santé des gens, améliorer la qualité de l’air et lutter contre les maladies. Et c’est ce qu’on fait en interdisant progressivement les véhicules diesel. Les diesel Euro 4 sont la dernière génération de voitures qui ne possèdent pas de filtre à particules, et on sait que ces particules fines sont cancérigènes", insiste Sarah Rolander, cheffe du département Mobilité Durable à Bruxelles Environnement.

Les solutions proposées par Bruxelles Environnement sont effectivement identiques à celles mentionnées par Catherine. "C’est ce qu’on préconise aux personnes concernées", nous confirme Sarah Rolander. Elle nous parle cependant d’un service de coaching en mobilité : "Quelqu’un peut donner des conseils individualisés aux personnes par rapport à leur mobilité. Elle peut regarder s’il y a la possibilité d’utiliser des voitures partagées mais je sais que l’offre est moins importante en Wallonie. Le coach peut aussi donner des informations sur les services qui existent pour le transport des personnes malades", développe-t-elle, précisant que ce système s’oriente, à la base, davantage vers des personnes qui ne possèdent pas de voiture. "Il existe aussi différents services de transport social", ajoute notre interlocutrice.

Concernant le pass d’une journée à 35 euros, celui-ci est "assez cher mais donne une certaine flexibilité, poursuit Sarah Rolander Il peut être acheté le jour même et même encore le lendemain, après le déplacement à Bruxelles". La Région bruxelloise envisage d’ailleurs d’augmenter le nombre de jours par an de 8 à 24, mais "ça n’a pas encore été validé définitivement par le gouvernement", dit-elle.

Obtenir la carte PMR

Notre habitante d’Écaussinnes estime donc se trouver dans une impasse puisqu’aucune solution apportée ne peut, pour l’instant, la contenter. La sexagénaire nous confie donc avoir entrepris des démarches pour obtenir une carte pour les personnes à mobilité réduite. "De cette façon, je pourrai avoir une dérogation pour entrer dans Bruxelles sans devoir payer la taxe."

Si Catherine pense que c’est la solution à son problème, en réalité, rien n’est moins sûr… "Si la personne est dans les conditions pour obtenir la carte de personne à mobilité réduite, elle doit aussi avoir le statut BIM", note la cheffe du département Mobilité Durable à Bruxelles Environnement. Le statut BIM (pour Bénéficiaire d’Intervention Majorée), est un statut octroyé automatiquement via la mutuelle à plusieurs catégories de personnes : celles qui ont bénéficié du revenu d’intégration sociale ou une aide équivalente sur une période de 3 mois ininterrompus ; celles bénéficiant du revenu garanti aux personnes âgées (GRAPA) ; ou celles présentant un handicap et qui reçoivent une allocation. Ce statut s’adresse également aux personnes qui reçoivent une allocation pour un enfant à charge atteint d’un handicap d’au moins 66% ; aux mineurs étrangers non accompagnés (MENA) ; et enfin, aux orphelins qui ont perdu leurs deux parents et qui ont moins de 25 ans.

Catherine nous dit n’entrer dans aucun de ces critères. Et les autres exceptions permettant d’obtenir cette précieuse dérogation ne la concernent pas non plus, à savoir : "Si la voiture a été adaptée pour transporter une personne en chaise roulante, ou si la personne porteuse d’un handicap a fait des modifications à sa voiture pour pouvoir conduire", détaille notre interlocutrice de Bruxelles Environnement.

La situation de Catherine ne semble donc pas prête d’être résolue. Mais la retraitée de 67 ans l’affirme, elle ne compte pas baisser les bras de sitôt. Et elle compte bien continuer à se renseigner pour espérer obtenir sa dérogation.


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