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"25 dollars pour une petite bouteille d'eau": 230 passagers d'un vol Bruxelles-Kinshasa, dévié, racontent leur nuit à Brazzaville

"25 dollars pour une petite bouteille d'eau": 230 passagers d'un vol Bruxelles-Kinshasa, dévié, racontent leur nuit à Brazzaville
 
 

Plusieurs personnes sont en colère après avoir été contraintes de passer la nuit dans l'aéroport de Brazzaville le 21 janvier dernier. La compagnie Brussels Airlines présente ses excuses et assure que le personnel a fait de son mieux vu les "circonstances exceptionnelles" qu'elle nous a exposées.

Plusieurs passagères du vol Bruxelles-Kinshasa SN 0357 affirment avoir vécu un "cauchemar" le 21 janvier dernier. Nadia, Marie et Christelle faisaient partie des 230 personnes à bord de ce vol opéré par Brussels Airlines. "Quand on est arrivé au-dessus de Kinshasa lundi soir, on a commencé à tourner au-dessus de l'aéroport car un avion était tombé sur le tarmac" débute Nadia.

Ce soir-là, l'appareil de Brussels Airlines ne peut effectivement pas atterrir dans la capitale de la République démocratique du Congo suite à un accident survenu sur la piste d'atterrissage. Un avion-cargo Boeing 737 a raté son atterrissage. "L’avion  est resté immobilisé sur la piste, empêchant ainsi l’atterrissage des autres avions pendant quelques heures. Par conséquent, des vols internationaux ont été délocalisés, notamment ceux des compagnies aériennes Brussels Airlines et Turkish Airlines qui ont été orientés respectivement à Brazzaville, en République du Congo et à Libreville au Gabon", a rapporté le site d'actualité Media Congo.

L'avion dans lequel les trois femmes se trouvent a donc été détourné vers l'aéroport de Brazzaville, la capitale de la République du Congo, pays voisin, située en face de Kinshasa, de l'autre côté du fleuve Congo. "On a atterri à Brazzaville. On est resté dans l'avion de 20h à 23h, mais tout se passait bien avec les hôtesses et les stewards. Le personnel rassurait les passagers qui paniquaient un peu. On attendait qu'ils mettent du carburant avant de pouvoir décoller. Mais à 23h, la piste de Kinshasa n'était toujours pas "dégagée". C'est à ce moment-là qu'on nous a informés que nous devions descendre. Ils ont juste dit qu'ils allaient changer l'équipage. Ceux qui avaient voyagé avec nous allaient rester à Brazzaville et le nouvel équipage allait continuer le voyage avec nous", assure-t-elle.


Image envoyée par Marie

Marie, une autre voyageuse, affirme avoir eu une discussion avec une hôtesse au moment de quitter l'appareil. Selon ses dires, la femme lui aurait expliqué que "les passagers allaient pouvoir quitter l'aéroport grâce à un visa de 24h, qu'ils allaient devoir se loger par leurs propres moyens, mais que la compagnie allait les rembourser par la suite".

Vous vous rendez compte, 25 dollars pour une petite bouteille d'eau de 25 cl?

Les 230 passagers se retrouvent tous dans l'aéroport de Brazzaville vers 23h30. Ils comprennent alors qu'ils ne peuvent pas sortir faute de visa. Ils vont devoir rester là sans leurs bagages, trouver à manger, à boire et un endroit où trouver le sommeil.

"On a demandé d'aller à l'hôtel mais on ne pouvait pas sortir sans visa", se souvient Christelle. Ses mots sont durs: "On était tenu comme du bétail, même moins que du bétail". "Parmi les passagers, il y avait une vingtaine d'enfants dont quatre bébés", précise Nadia.

Image envoyée par Marie

Nadia regrette que les passagers n'aient pas reçu de bons d'achat ou d'argent de la part de la compagnie aérienne pour se nourrir. "Le seul endroit encore ouvert était une sorte de bar "VIP", dont l'entrée coûtait 22 ou 28 dollars, et dans lequel il n'y avait rien à manger. Il n'y avait que des boissons", déplore-t-elle.

Les bouteilles d'eau du bar coûtent cher. Très cher. Une amie de Marie se procure quatre petites bouteilles à 25 euros/pièce. Les passagers qui n'ont pas d'argent n'ont rien à boire, raconte-t-elle. "Vous vous rendez compte, 25 dollars pour une petite bouteille d'eau de 25 cl?", ajoute Murielle.

Nadia immortalise la facture reçue après l'achat d'une bouteille d'eau à 28 dollars pour prouver ses dires.


Image envoyée par Nadia

La solidarité s'installe

Rien à manger. De l'eau à prix d'or. Il ne reste plus qu'à aller se coucher. "Comme il n'y avait rapidement plus de place dans le bar "VIP" et que de toute façon l'entrée était trop chère, j'ai installé mes enfants sur des bancs métalliques dans le hall principal pour qu'ils puissent s'allonger. Il devait être minuit à ce moment-là. La situation s'est rapidement compliquée, lorsque l'eau a commencé à manquer dans le bar "VIP". Le personnel n'avait pas prévu l'arrivée de 230 passagers", précise le quarantenaire.

"Il y avait deux équipes de SN qui logeaient dans les hôtels mais la compagnie a laissé les passagers comme ça. Ils nous ont jetés là, sans eau, et nous ont laissé pourrir", enrage-t-elle.

Les voyageuses nous parlent ensuite d'une autre scène interpellante... "Un vieil homme malade en chaise roulante a dû dormir assis", relate Nadia. Marie évoque la même histoire. Elle précise qu'une de ses amies, kinésithérapeute, a aidé cet homme âgé. Ce dernier, livré à lui-même, aurait souillé ses vêtements. "Elle a dû changer sa couche", dit-elle crûment.

Image envoyée par Marie

"A un moment, la situation est devenue tellement catastrophique qu'on a demandé aux gens qui travaillaient dans l'aéroport s'ils voulaient bien sortir pour nous acheter à boire et à manger. On a donné 20 dollars en échange d'un poulet et de pain. On a partagé avec les passagers qui n'avaient pas assez d'argent sur eux", explique Nadia.

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"Vers 2h du matin, des gens nous ont apporté cinq matelas. On a placé les enfants à deux trois par matelas. Ils nous ont donné de l'eau gratuitement. On a pu boire. Ils ont été super gentils", dit-elle.

Image envoyée par Marie

Le jour se lève, la compagnie aérienne apporte "quelques plateaux"

Quatre heures plus tard, "les magasins de l'aéroport ont ouvert. On s'est précipité, vers 6h, pour s'acheter à manger", relate Christelle. "Vers 9h, une équipe envoyée par SN nous a apportée quelques plateaux "petit-déjeuner" avec du thé et du café, mais il n'y en avait pas assez pour tout le monde", poursuit Nadia. 

Elle précise que des personnes de l'ambassade de Belgique à Brazzaville sont arrivées à l'aéroport vers 11h.
 "On a pu tout leur expliquer la situation", ajoute la mère de famille. "Juste après, une responsable de Brussels Airlines est enfin venue. Elle a fait la traversée depuis Kinshasa. Elle nous a dit qu'on allait recevoir des explications dans l'avion, puis elle est partie", relate Marie, encore énervée par la situation.


"J'ai tourné de l'œil devant mon fils"

Les passagers, plus qu'impatients, attendent donc le départ... "Vers 13h, un premier groupe est monté dans un des bus qui se trouvaient sur le tarmac. Mais on est resté 1h à l'intérieur avant de pouvoir monter dans l'avion. On a finalement quitté Brazzaville vers 14h", détaille Nadia. 

Si pour cette dernière, la situation dans le bus est "compliquée", pour Marie, elle est plus qu'insupportable. La femme, claustrophobe, affirme avoir fait un malaise dans le véhicule bondé. "Le bus avançait vraiment lentement, car l'avion, en plein nettoyage, n'était pas encore prêt. Je me suis sentie mal et j'ai tourné de l'œil devant mon fils", raconte la mère de famille.

Comme Nadia, Marie 
espère que la compagnie dédommagera les 230 passagers.


Brussels Airlines s'excuse et déclare qu'elle n'avait pas le choix

Nous avons contacté la compagnie aérienne. Wencke Lemmes-Pireaux, la porte-parole de Brussels Airlines revient sur la nuit du 21 janvier. "Nous avons dévié le vol vers Brazzaville et là nous avons attendu, mais malheureusement, après quelques heures, on nous a signalé qu'on ne pouvait pas retourner sur Kinshasa et qu'il fallait attendre de nouvelles informations pour pouvoir revenir sur Kinshasa.

Pour Brussels Airlines, ce qui importe c'est de prendre soin de nos passagers. Mais il faut savoir que tout ça s'est déroulé pendant la nuit. Donc, nous avons demandé si on pouvait laisser passer les passagers, car nous avions déjà prévenu l'hôtel qui devait les loger. 
Mais vu l'heure tardive, on n'a pas pu recevoir l'autorisation pour qu'ils passent la frontière. Malheureusement, notre seule possibilité, si les passagers ne peuvent pas entrer dans le pays, c'est de les laisser dormir à l'aéroport", indique Wencke Lemmes-Pireaux, porte-parole de brussels Airlines. 

La porte-parole confirme que l'équipage qui avait voyagé avec les 230 passagers est allé se reposer à l'hôtel, mais en explique la raison: "Un équipage doit se reposer pour des raisons de sécurité avant de reprendre un vol, c'est la loi européenne... sinon on aurait même pas pu quitter Brazzaville"

Cette dernière affirme cependant qu'une autre équipe de Brussels Airlines, qui se trouvait déjà à Brazzaville, s'est chargée de donner aux passagers les couettes et les coussins qui se trouvaient dans l'avion avant de retourner loger à l'hôtel.

Wencke Lemmes-Pireaux nous apprend aussi que quatre enfants, qui voyageaient seuls ce jour-là, ont été pris en charge par la compagnie. "Après une longue discussion et après avoir rempli des papiers, nous avons pu prendre les enfants". Ces derniers ont donc dormi à l'hôtel avec l'équipage.

Concernant le passager en chaise roulante qui aurait dormi dans le hall de l'aéroport, la porte-parole nous dit ceci: "Un passager, qui était un cas médical, avait aussi droit de rentrer (à l'hôtel) pour les soins. C'est le service médical qui a pris soin de ce monsieur-là, mais encore une fois, est-ce que ça a été immédiatement... Ca, je ne sais pas vous dire, mais, encore une fois, ce sont des circonstances exceptionnelles (...) ça a sans doute pris trop de temps".


"On était dépendant de parties tierces"

La porte-parole a tenu à préciser certains points. "Il faut savoir que normalement, on ne vole pas sur Brazzaville. Évidemment, on a contacté l'agence locale pour dire: "aidez-nous pour donner des boissons, du "catering" et des lits à nos passagers. Mais évidemment, encore une fois, c'était pendant la nuit et Brazzaville Airport n'a pas toujours les mêmes moyens que les autres aéroports. Et donc, ils ont fait de leur mieux... Ils ont donné de l'eau et un petit-déjeuner, mais malheureusement cela a pris du temps", reconnaît-elle, précisant que c'est sous leur demande que des matelas et de l'eau ont été apportés aux passagers vers 2h du matin.

"On était dépendant de parties tierces, mais évidemment, on a donné tous les soins qu'on pouvait donner (...) mais encore une fois, c'était dans un aéroport où il n'y avait pas beaucoup de choses, surtout pas à minuit", insiste la porte-parole.

"Il faut s'imaginer que c'était une situation exceptionnelle en plein milieu de la nuit dans un aéroport que nous, on n'a pas l'habitude d'opérer (...) C'est désolant que l'on n'ait pas pu prendre soin des passagers comme on le fait d'habitude. On était dépendant de plusieurs parties et ces parties-là ont aussi fait le maximum dans des circonstances un peu exceptionnelles (...) il va de soi que ce n'est pas confortable de dormir dans un aéroport, mais malheureusement on n'avait pas d'autres possibilités", admet-elle.


"Elle ne pouvait pas faire ça pendant la nuit"

La porte-parole explique que la compagnie aérienne a tardé à communiquer avec les passagers car la responsable basée à Kinshasa n'a pas pu traverser le fleuve pendant la nuit. Cela n'a été possible que le lendemain vers 10h30... "Notre Country Manager de Brussels Airlines basée à Kinshasa s'est rendue par bateau à Brazzaville, accompagnée par des autorités belges, des personnes de l'ambassade belge, pour expliquer la situation aux passagers... Mais, évidemment, elle ne pouvait pas faire ça pendant la nuit car on ne peut pas traverser le fleuve ", déclare-t-elle.

"Dès qu'on nous a signalés que l'aéroport de Kinshasa était ouvert, nous avons préparé l'avion et on s'est rendu à Kinshasa", explique la porte-parole. 

"Tout ça a pris un peu plus de temps. Mais tout ce qu'on a pu influencer, on l'a fait au maximum. Mais on se rend bien compte que les passagers n'ont pas vécu une bonne expérience. On s'excuse profondément pour le désagrément", ajoute Wencke Lemmes-Pireaux.


 

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