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"Certains vont avoir des surprises", estime Jean: nos salaires sont souvent indexés, mais qu'en est-il des barèmes fiscaux?

 
 

Ces derniers mois, avec l'inflation qui atteint actuellement plus de 9% dans notre pays, les indexations de salaire se sont succédé. Face à cette situation exceptionnelle, Jean, retraité, se pose une question : est-ce que les barèmes fiscaux sont indexés de la même manière ? En effet, sans indexation des barèmes fiscaux, et avec une augmentation importante des salaires, les impôts de certains ménages pourraient être eux aussi augmentés.

Jean est retraité, et coule des jours heureux près d'Eupen, dans la région germanophone du pays. "Tout se passe bien", nous assure-t-il d'emblée, en cette période de crise économique. "Je suis propriétaire, j'ai été cadre toute ma vie, je suis assez à l'aise". Pourtant, une question le taraude, au point de pousser le bouton orange Alertez-nous sur notre site. "Je vis très bien, mais je me pose la question pour la collectivité. Les revenus vont être indexés, c'est vrai, mais si les barèmes fiscaux ne le sont pas, l'État va probablement reprendre d'une main ce que l'on nous donne de l'autre."

"Certains vont avoir des surprises"

Jean se demande donc si les barèmes fiscaux sont indexés comme les salaires, en Belgique. "Je trouve ça bien que les salaires soient indexés, c'est un avantage par rapport aux pays voisins, et ça protège le pouvoir d'achat des citoyens." Ce qui n'empêche pas le retraité de préciser : "Cela dit, l'indexation bénéficie surtout aux gens qui ont des gros salaires, alors que les travailleurs qui perçoivent un salaire élevé bénéficient souvent d’une voiture de société et/ou d’une carte carburant. Cette situation, vu le contexte économique actuel et les perspectives peu réjouissantes, est aussi de nature à accroître les inégalités sociales."

Jean redoute ainsi que les barèmes fiscaux ne suivent pas le rythme des indexations de salaire. "Si on n’indexe pas les barèmes fiscaux, certains vont avoir des surprises. J’ai l’impression qu’on n’y pense jamais. Et vu les indexations encore prévues, il faut pouvoir anticiper." En effet, pour les salaires indexés une seule fois par an (c'est le cas dans la Commission paritaire 200, par exemple), cette indexation devrait atteindre 10%, selon une estimation de la société de ressources humaines SD Worx. Pour les salaires indexés à chaque dépassement de l'indice-pivot (seuil de prix des biens et services prédéfini), plusieurs augmentations ont déjà eu lieu, et d'autres (aux alentours des 2%) sont encore prévues sur les prochains mois.

Autrement dit: si vous gagnez 2.200€ brut au lieu de 2.000€ grâce à l'indexation des salaires, mais que vous passez dans une tranche fiscale davantage taxée (en gros: plus on gagne, plus le % d'imposition augmente sur les tranches élevées), vous risquez de ne pas toucher grand chose de plus en net. La question de Jean est la suivante: les seuils d'impositions des tranches de salaire sont-ils eux aussi indexés ? Si ce n'est pas le cas, on va tous être davantage imposés, car plus on gagne, plus les tranches élevées de nos salaires sont imposées. 

Une indexation, oui, mais rien à voir avec celle des salaires

Pour répondre à la question de Jean, nous contactons le Service Public Fédéral Finances (SPF Finances). Selon la porte-parole Florence Angelici, les barèmes fiscaux sont effectivement indexés chaque année, "mais cette indexation n'est pas liée à l'indexation automatique des salaires. Chaque barème est indexé, par tranche d'imposition."

Pour l'exercice d'imposition 2022, il n'y a donc pas de changement. Contrairement à l'indexation des salaires, l'indexation des barèmes est calculée une seule fois par an. Ce calcul se fait en fonction du "résultat de la division de la moyenne des indices des prix de 2021 (112,26), par la moyenne des indices des prix de 1988 (57,93)", selon les informations du SPF Finances. "Il existe différents calculs avec des coefficients différents selon chaque tranche d'imposition", précise la porte-parole du SPF, pour les détails techniques.

Actuellement, la quotité des revenus exemptés d'impôt est de 9.750 euros (revenus annuels). Cela veut dire qu'en dessous de 9.750 euros, vos revenus ne sont pas imposés. Il s'agit de la première tranche d'imposition. Pour comparer : en 1992, ce seuil était équivalent à 5.705 euros. Cette différence de montant est donc le résultat des indexations des barèmes fiscaux depuis 1992. Pour la dernière tranche, le seuil a même doublé en 30 ans, passant de 24.800 à 43.370 euros. Cela veut dire que pour l'exercice d'imposition 2023 sur les revenus de 2022, les revenus au-dessus de 42.370 euros seront taxés à 50%.

Voici le détail de l'évolution des différents barèmes (en euros) :


source : SPF Finances

Une mauvaise nouvelle pour le contribuable ?

Cela peut paraître très complexe, et ça l'est ! Mais retenons que les salaires n'augmentent pas au même rythme que les barèmes fiscaux. Selon le SPF Finances, il est très difficile de calculer les pertes ou les gains pour chaque contribuable, tant les situations sont différentes. Par exemple, en fonction de vos enfants à charge, vous avez droit à certaines exonérations d'impôts. Si vous êtes propriétaire, ou avez contracté un prêt bancaire, votre situation est également très différente d'une personne qui n'a aucune exonération. Ainsi, chaque foyer est susceptible de recevoir une "bonne" ou une "mauvaise" surprise. 

Cela dit, lorsque vous dépassez un seuil barémique, seule la somme qui dépasse ce seuil est taxée au taux d'imposition prédéfini. Voici un exemple :

  • Vous gagnez 29.000 euros par an. 9.750 euros ne seront pas taxés. Vos revenus entre 9.750 et 13.870 euros seront taxés à 25%. Vos revenus entre 13.870 et 23.120 euros seront taxés à 40%. Enfin, la dernière portion de vos revenus, entre 23.120 et 29.000 euros (correspondant à vos revenus), est taxée à 45%. 

Plus on gagne, plus on paye

Pour encore mieux comprendre, nous contactons une avocate fiscaliste : Typhanie Afschrift. Selon cette professeure de l'Université libre de Bruxelles, cette année fiscale sera tout de même particulière. "Le souci, ici, c'est l'inflation", explique l'avocate. "Les indexations de salaires se sont suivies plus rapidement, et cela a un impact négatif pour le contribuable." Typhanie Afschrift se réfère aux taux d'imposition, comme dans le calcul ci-dessus : "Plus on gagne, plus on paye un taux élevé. Si on gagne plus à cause de l’indexation, on se retrouve dans une tranche plus élevée et on paye plus d’impôts, puisque l’indexation rattrape seulement le coût de la vie."

Ce déséquilibre est ensuite corrigé avec l'indexation des barèmes fiscaux. "Mais celle-ci n’a lieu que l’année suivante", précise l'avocate. "Entre temps : le contribuable y perd et l’Etat y gagne."

Le citoyen ne peut que subir

Thibault Bouvier, autre avocat fiscaliste, confirme en effet que la situation actuelle risque de ne pas être favorable au contribuable. "Vous payez aujourd’hui des impôts sur base de barèmes qui ne sont pas indexés", résume le spécialiste. "Les particuliers n’ont aucun moyen d’anticiper ce problème. Le citoyen ne peut que subir."

L'intuition de Jean, notre retraité, est donc bonne : ce retard entre l'indexation des salaires et celle des barèmes pourraient faire augmenter les impôts de certains ménages, et cela dépendra de chaque situation fiscale. Pour Thibault Bouvier, la responsabilité du problème revient à l'État. "C'est à l'État de diminuer le taux d'impôt pour éviter le problème. Les barèmes et les tranches d'imposition ne sont plus d'actualité, aujourd'hui. Et le montant exonéré d'impôts [9.750€, NDLR] est trop bas."

Pour l'instant, aucun changement général des barèmes fiscaux n'est envisagé. "Il n'y a que des promesses électorales", conclut le fiscaliste.


 

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