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L’Afsca contrôle Jenny, 81 ans, à répétition: elle ne peut pas vendre des œufs de particuliers pour les aider

L’Afsca contrôle Jenny, 81 ans, à répétition: elle ne peut pas vendre des œufs de particuliers pour les aider
 
 

L’histoire a fait l’effet d’une bombe dans le petit village de Sart-lez-Spa, sur la commune de Jalhay en province de Liège. La gérante de la petite épicerie de la place du marché est convoquée par l’Agence pour la sécurité de la chaine alimentaire (Afsca) pour s’expliquer sur la provenance d’œufs non traçables. Pas question de faire fermer l'épicerie, rassure l'Agence. Mais pour les habitants du village, les contrôles sont une forme de harcèlement envers une dame aimée de tous et qui est proche d'une retraite bien méritée.

"L’Afsca est venue depuis le mois de juin 6 fois chez moi et doit encore revenir 2 fois jusqu’au 6 février. C’est beaucoup, je n’ai jamais eu ça. Comme mes clients disent, c’est vraiment du harcèlement", déplore Jenny, 81 ans, au micro de Guillaume Fraikin pour Bel RTL.

Produits périmés donc nouveau contrôle prévu

Un contrôle a de nouveau eu lieu hier, "suite à une plainte d’un consommateur tombé malade", nous explique l’Afsca. La 3ème plainte en quelques mois. Ce qu’on lui reproche ? "Un grand nombre de produits périmés, notamment de la viande, du fromage ou des produits de charcuteries qui pourraient engendrer des intoxications alimentaires. Des produits sans étiquette, des denrées alimentaires au sol, des boites de conserves bosselées ou encore des œufs vendus sans traçabilité" détaille l’Agence dans un communiqué.

L'Afsca nous précise cependant que lors des contrôles de 2020, Jenny s'était parfaitement mise en conformité suite à leur passage. Les manquements constatés ne sont donc pas récurrents. D'ailleurs, "ils ont relevé certaines choses logiques", concède Jenny. Pour vérifier qu’elle s’est bien mise en conformité, un nouveau contrôle est donc prévu ce mois-ci.

Oeufs non traçables : Jenny doit être entendue

Mais l’Afsca l’a également convoquée. Contrairement à une information qui circule, elle n’est pas convoquée par la police. Mais vu son âge et sa situation géographique, l’Afsca a en fait proposé à Jenny de l’entendre au poste de police de Jalhay plutôt que dans ses bureaux de Liège. Ce qu’ils veulent savoir : d’où proviennent précisément les œufs qu’elle vend ?

"Partout en Europe, il est exigé de marquer les œufs avant leur commercialisation. Ceci pour des raisons évidentes de sécurité alimentaire (date de ponte, par exemple) et de traçabilité. En Belgique, il existe des exceptions au cachetage obligatoire des œufs, notamment si le producteur vend directement ses œufs au consommateur final. L’épicerie de Sart ne répond à aucune exception en la matière. Les œufs vendus, même s’ils proviennent d’un poulailler local doivent être tracés et cachetés", détaille l’Agence dans son communiqué.

D’où ils viennent ? La réponse est simple : de poulaillers de particuliers qu’elle aide ainsi à gagner un peu d’argent. "J’ai toujours essayé de faire plaisir à tout le monde et je me mets peut-être en tort pour ça mais je n’y pense pas", explique-t-elle. Mais quant à donner le nom de ces personnes qu’elle aide, Jenny ne le souhaite pas.

Une pétition pour soutenir Jenny

Face à ce qui apparait pour beaucoup comme du harcèlement de la part de l’Afsca, de nombreuses personnes de la région ont fait entendre leur voix pour défendre celle qui est décrite comme l’âme du village et qui a commencé à tenir cette épicerie à l’âge de 20 ans.

Amélie Besonhé a lancé une pétition en ligne, déjà signée par plus de 500 personnes. "J’ai créé la pétition parce que je trouve important de garder une certaine activité économique et commerciale dans des petits villages. C’est toujours très utile pour les personnes précarisées qui n’ont pas de voiture ou les personnes plus âgées", explique-t-elle au micro de Lionel Solheid pour Radio Contact.

"Jenny tient ce commerce-là depuis 1960 et c’est une épicerie qui a plus de 100 ans. Elle a un rôle social aussi. En plus de pouvoir débarquer là à n’importe quelle heure, elle a aidé beaucoup de personnes dans le village qui à un moment ou à un autre avaient peut-être des problèmes financiers et elle a toujours ses petites notes de crédit collées derrière sa caisse. C’est assez typique. C’est une figure emblématique et c’est un pilier de Sart", détaille-t-elle. "Jenny arrête son activité ici fin de l’année. Je trouve ça aberrant et scandaleux de s’acharner comme ça sur une dame en fin de carrière et finalement lui ruiner la fin de sa vie pour une histoire d’œufs. Quand on voit les conditions dans lesquelles certains poules de batterie sont obligées de pondre, je trouve ça aberrant", ajoute-t-elle.

Si pour 3 œufs on doit foutre le moral de la dame en l’air…

Joël, qui vient "trois ou quatre fois par semaine" chez Jenny, tient le même discours. "Je trouve ça d’une bassesse sans nom. Il n’y a pas d’autre mots. C’est dégueulasse", estime-t-il au micro de Guillaume Fraikin.

"Elle a toujours été une commerçante hors pair, serviable et disponible qui a su garder cet esprit de village. Cet acharnement est inadmissible, on devrait plutôt mettre à l’honneur des commerces de ce genre", ajoute Isabelle via notre bouton Alertez-nous.

Même son de cloche du côté de Jean, enfant du village qui malgré son déménagement vient toujours faire ses courses chez Jenny. "Je connais l’épicerie depuis 68 ans. Elle représente toute ma jeunesse. Jenny c’est une institution à Sart. Je ne comprends pas qu’on puisse lui chercher des misères. D’ailleurs les Sartois seront bien embêtés le jour où Jenny ne sera plus là. Vous avez besoin de quelque chose le dimanche, vous frappez à la porte et Jenny sera là pour vous donner ce qu’il vous manque. Pauvre Jenny. Si pour 3 œufs on doit foutre le moral de la dame en l’air…"

Aider Jenny à se mettre en conformité pour ne plus être ennuyée jusqu'à sa retraite

Le moral, celle qui fait encore vivre le cœur du village ne l’a effectivement plus. "Au mois de septembre, le 21, je vais arrêter. J’espère tenir jusque-là niveau santé aussi, parce que je n’ai plus 20 ans ou 50. Mais ça devient difficile vu les conditions actuelles. J’aimerais bien que tout s’arrange et qu’il n’y ait plus de gros problème parce que c’est quand même tracassant."

L’Afsca tient à préciser qu’il n’est nullement question d’obliger Jenny à fermer son commerce. L’Agence veut plutôt l’accompagner pour l’aider à se mettre en ordre. "L’Afsca comprend les difficultés rencontrées par la gérante et n’exige en rien la fermeture l’épicerie. Néanmoins, nous proposons des aides et nous pouvons soutenir l’épicière pour l’aider à vendre des produits conformes", explique enfin l’agence.


 

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