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Abaaoud, instigateur présumé des attentats de Paris, va-t-il être enterré en Belgique? "Ce n'est pas Ben Laden"

 
Bruxelles
 

Une question délicate se pose alors que les dépouilles des terroristes vont bientôt être "disponibles". Voici quelques éléments de réponse.

Alors que très lentement, la situation redevient "normale" à Paris et à Bruxelles après les attentats meurtriers du 13 novembre dernier et les innombrables perquisitions dans les milieux jihadistes européens qui ont suivi, une délicate question se pose: où va-t-on enterrer les terroristes ?

Il y a dix corps de jihadistes à gérer: sept qui sont morts le soir des attentats, et trois lors d'un assaut important à Saint-Denis, quelques jours plus tard. Comme l'ont précisé nos confrères de RTL France, le premier réflexe des autorités est souvent de renvoyer ce genre de dépouilles à l'étranger, et donc en Belgique pour certains terroristes.

Mais ce n'est pas forcément ce qui va arriver... A titre d'exemple, rappelons-nous que l'Algérie et le Mali avaient refusé d'accueillir le corps de Mohamed Merah (le terroriste de Toulouse en 2012), des frères Kouachi et d'Amedy Coulibaly (terroristes de 'Charlie Hebdo' et de l'Hyper Cacher début 2015), estimant qu'ils avaient été radicalisés en France.

Un des instigateurs enterrés à Bruxelles?

Mais dans peu de temps, quand l'autopsie sera terminée, la justice française va essayer de se débarrasser de la dépouille d'Abdelhamid Abaaoud, l'un des instigateurs présumés (appelé à tort le "cerveau") des attentats de Paris. Il a la double nationalité belge et marocaine.

Selon La Libre, le père du terroriste avait initialement préféré ne pas entreprendre de démarches pour récupérer la dépouille de son fils tué lors de l'assaut de Saint-Denis, le 18 novembre. Mais la famille, selon des "bonnes sources" du quotidien, espère pourtant bel et bien que le cadavre lui soit remis afin de l'enterrer au Maroc – mais rien n'indique que ce pays acceptera.

Si le Maroc refuse, la famille devra sans doute se tourner vers Bruxelles, et plus particulièrement vers le cimetière multiconfessionnel. Ce cimetière se situe sur le territoire des communes d'Evere et de Zaventem, mais se trouve également dans l'enceinte du cimetière de Schaerbeek. Il n'est donc pas géré par les autorités schaerbeekoises. "En aucun cas, une décision d'y inhumer quelqu'un ne relève des autorités communales Schaerbeekoises mais bien des autorités gérant ce cimetière en toute autonomie", nous explique le bourgmestre de Schaerbeek, Bernard Clerfayt. "Si un problème d'ordre public devait apparaître, il appartiendrait au bourgmestre de la commune concernée d'envisager des mesures", ajoute le mandataire DéFI.

Dans les colonnes de La Libre, Bernard Clerfayt s'est exprimé de façon plus générale sur le sort à réserver aux dépouilles des terroristes. "Ce n'est pas Ben Laden, on ne peut pas le mettre à la mer. Même les pires crapules ont droit à une tombe. Et les familles qui souhaitent rendre hommage à un défunt ne peuvent être pénalisées", précise le maïeur de Schaerbeek. Une tombe anonyme ? Ce n'est pas une bonne idée, selon lui: "S'il n'y en a qu'une où aucun nom ne figure, les gens qui la cherchent la trouveront rapidement".

"Si je comprends bien, personne ne veut de ce corps"

Notre journaliste Quentin Ceuppens a rencontré le directeur du cimetière multiconfessionnel. "C'est pas tous les jours que ce genre de truc arrive, mais on n'a jamais refusé de corps jusqu'à présent", explique Ludo Beckers. "Maintenant c'est un cas particulier, et si je comprends bien, personne ne veut de ce corps", ajoute-t-il. L'intercommunale qui gère le cimetière multiconfessionnel renvoie la balle dans le camp de la commune. Reste à savoir si c'est la commune d'Evere qui prendra la décision. Le cimetière se situe géographiquement sur son territoire. Ou si la responsabilité reviendra à la commune de Schaerbeek, dont le cimetière communal abrite le cimetière multiconfessionnel.


Des "questions inédites"

"On est face des questions inédites", a expliqué la sociologue Riva Kastoryano, qui a écrit 'Que faire des corps des jihadistes ?'. "Autoriser une sépulture, c'est reconnaitre que c'est un combattant légitime. Or ce n'est pas une guerre normale, ce ne sont pas des soldats d'un État", dit-elle.

"Leur guerre n'est reconnue par aucune convention internationale, aucun État. L'État français est donc incapable d'agir face à ces corps embarrassants. La réponse, c'est de ne pas laisser de traces de ces gens-là", poursuit Riva Kastoryano, citée par RTL France.

Ne pas laisser de traces, c'est ce que l'Amérique a fait avec Oussama Ben Laden: son corps a été jeté à la mer.

En France, la réponse pour l'instant, ce sont des sépultures anonymes. C'est le cas des tombes des frères Kouachi et de Coulibaly, qui ont été enterrés à 6 heures du matin avant l'ouverture du cimetière. À Toulouse, dans le cimetière où Mohamed Merah a été mis en terre en petit comité, la sépulture a disparu.

Si Schaerbeek accepte cette dépouille et celle de Brahim Abdeslam (selon La Libre, la famille est favorable à une inhumation en Belgique), le risque est bien réel que le cimetière devienne un lieu de pèlerinage pour (candidats) jihadistes. Ce que tout le monde veut éviter.


 

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