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Une maladie rare fait saigner ce petit garçon tous les jours: ses parents se battent pour l'accès à un médicament actuellement non autorisé

Une maladie rare fait saigner ce petit garçon tous les jours: ses parents se battent pour l'accès à un médicament actuellement non autorisé
 
 

Un garçonnet de 9 ans souffre depuis 4 ans de thrombopénie chronique (PTI) en Tunisie. Cette affection abaisse de moitié le nombre de plaquettes sanguines qui interviennent dans la coagulation du sang. Les traitements classiques sont restés sans effet et les spécialistes ont recommandé l’usage de médicaments jusqu’alors indisponibles dans le pays. La caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) a d'abord refusé de prendre en charge le traitement avant de changer sa position.

Touchée par le cas d'un petit garçon malade en Tunisie, une personne nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous pour nous signaler la détresse d’un père qui "ne demande pas la charité, mais juste le droit de vivre pour son fils". Youssef, souffre d’un trouble du système sanguin, appelé purpura thrombopénique idiopathique (PTI), qui lui a été diagnostiqué lorsqu'il avait cinq ans. À la moindre égratignure, au moindre choc, une hémorragie peut se déclencher. Des saignements divers (du nez, de la bouche) constituent des symptômes inquiétants de cette maladie. Nous avons contacté Samia Chaouachi, la mère de Youssef, soucieuse: "Il ne se porte pas bien. Il saigne tous les jours", nous-a-t-elle rapporté. Depuis quatre ans, les traitements se sont multipliés mais se sont avérés inefficaces. Les spécialistes ont préconisé un autre médicament, utilisé uniquement en cas d'échec aux traitements habituels. Son coût est exorbitant et les parents de Youssef ont dû remuer ciel et terre pour permettre à leur fils d’y accéder.


Qu’est-ce que la thrombopénie chronique ?

La thrombopénie chronique est une maladie auto-immune. Le système immunitaire produit des anticorps dirigés contre les propres plaquettes du malade et entrainent leur destruction. Les plaquettes jouent un rôle important dans la coagulation du sang. Si elles n'existaient pas, lors d'une blessure avec hémorragie, il n'y aurait pas de coagulation et donc le sang s'écoulerait de la plaie sans fin avec les conséquences dramatiques qu'on peut imaginer.

Le taux de plaquettes est normalement compris chez un enfant de 5 à 10 ans entre 160.000 et 450.000/mm3. Or celui de Youssef est de seulement 5.000/mm3.

En dessous de 30.000/mm3, des saignements apparaissent sous la forme d’ecchymoses (« bleus ») et de petites taches rouges sur la peau (purpura). Exceptionnellement, si le taux de plaquette tombe très bas et que rien n’est entrepris, il y a risque de saignement dans le cerveau ou l’intestin. 


Une maladie rare aux causes indéterminées

Le PTI est considéré comme une maladie orpheline. Le Docteur Catherine Lambert du Centre d’hématologie de Saint Luc, que nous avons contacté, évoque une incidence de 20 personnes touchées sur 100.000, avec seulement 3 ou 4 nouveaux cas par an. "Ce n’est pas fréquent mais en hématologie on les concentre, évidemment, donc on en voit régulièrement", rapporte-t-elle.

Cette maladie peut survenir à tout âge, de manière imprévisible. Chez l’enfant, dans la majorité des cas, elle se résout spontanément, en quelques semaines ou mois. Chez l’adulte, certaines formes deviennent chroniques, nous indique le Docteur Catherine Lambert.

Les causes n’ont pas été identifiées. Le traitement de première ligne repose sur l’usage de la cortisone pour bloquer la destruction de plaquettes. "Les prises en charge sont très variables", souligne le docteur.

Dans tous les cas, l’objectif n’est pas de normaliser le taux de plaquettes mais de le maintenir au-dessus de 30.000 à 50.000 /mm3 afin de mettre le patient à l’abri de saignements graves et de lui permettre de mener une vie normale.

4 ans de traitements variés, mais toujours pas d’amélioration

Le cas de Youssef semble plus complexe que la majorité des PTI. "Tous les traitements ont été essayés", souligne la mère de Youssef. Elle énumère: "Immunoglobuline, corticothérapie, MabThera, Vincristine, Bolus de solumédrol, Anti-D…" Son fils a aussi subi une splénectomie (ablation de la rate). Une opération qui est en général d’une grande efficacité. La rate est en effet le principal organe où sont fabriqués les anticorps et les cellules macrophages qui détruisent les plaquettes. Malheureusement, elle s’est avérée inefficace sur Youssef. "Puis on a réessayé les mêmes traitements après l'opération, mais en vain", précise Samia.

Il existe en effet de très rares cas de malades multiréfractaires, qui résistent à plusieurs lignes de traitements. On cherche alors à les faire accéder à des innovations thérapeutiques. Deux professeurs en hématologie ont orienté Youssef vers un médicament qui s’appelle "Revolade", nous a précisé Samia. Ce traitement n’était jusqu’alors pas disponible en Tunisie. La CNAM (NDLR: Caisse nationale d'assurance-maladie en Tunisie) a d’abord refusé de le prendre en charge, arguant que Revolade est classé hors liste.


Revolade en traitement de seconde intention

En Belgique, Revolade est produit par le géant pharmaceutique Novartis. Ce médicament qui stimule la production de plaquettes est à usage hospitalier seulement. Le traitement est disponible depuis 2011. Il doit être instauré et surveillé par un médecin spécialisé. Une boîte de 23 comprimés de 25 mg coûte... 1083 euros, 2167 euros pour la même boîte avec des comprimés de 50 mg. "On ne le donne pas comme ça non plus, même en Belgique", nous indique le Docteur Catherine Lambert. Ces médicaments qui stimulent la production de plaquettes sont remboursés dans des conditions très spécifiques pour des patients ayant déjà subi une ablation de la rate et pour lesquels les traitements préalables par corticoïdes ou immunoglobulines se sont révélés inefficaces, nous explique la spécialiste.

Selon un rapport de l’Agence européenne des médicaments, Revolade est actuellement indiqué pour les patients adultes seulement. Nous avons donc contacté Belinda Delys, responsable de la communication chez Novartis, pour en savoir plus sur son usage pédiatrique. En Europe, Revolade n’est pas encore enregistré pour celui-ci, nous a-t-elle informé. Mais Novartis a introduit une demande auprès de l’Agence européenne des médicaments pour l’indication pédiatrique de Revolade sur le marché européen, explique-t-elle. L’approbation est attendue d’ici trois mois. Aux Etats-Unis, Novartis a déjà obtenu de l'Agence sanitaire américaine (FDA) une extension d'indication pour ce même médicament. La substance peut être administrée à des enfants dès l'âge de un an, à condition que ces patients n'aient pas démontré de réponse appropriée à d'autres traitements ou à l'ablation de la rate.


Mobilisation pour Youssef sur les réseaux sociaux

Les médias locaux se sont fait l’écho de sa situation et du refus initial de la CNAM. Les Tunisiens se sont mobilisés sur les réseaux sociaux pour défendre sa cause. Certains ont même lancé une cagnotte sur internet pour permettre l’achat des médicaments. Son père a créé une page Facebook intitulée "Youssef, le droit au traitement, le droit à la vie" et est intervenu sur plusieurs stations de radio pour évoquer le cas de son fils. "Suite à la médiatisation de l'affaire, ils ont révisé leur position", nous-a-indiqué la maman du petit garçon.


De nouvelles analyses et le début du traitement Revolade tant attendu

Le 26 janvier, un rendez-vous décisif a eu lieu avec un expert désigné par la CNAM. Un professeur en pédiatrie hématologique a posé la probabilité d’une autre maladie associée au PTI. D’autres examens sont donc nécessaires. Des prélèvements de sang et de moelle osseuse seront faits en Tunisie et envoyés en France pour analyse. Un rapport final sera remis après l’obtention de ces résultats.

En attendant les parents de Youssef tâchent de rester optimistes. Ils se réjouissent d’ailleurs d’une bonne nouvelle pour leur fils : "Le traitement promis par le ministère de la santé est désormais réalité. Deux boîtes de Revolade (parmi les 6 boites promises) sont déjà disponibles au CHU de Monastir. Des efforts que nous ne pouvons qu'apprécier. Merci Mr le ministre de la santé", peut-on lire sur leur page Facebook. GSK a retenu une commande la part de la pharmacie centrale en Tunisie, nous a indiqué la porte-parole de l’entreprise pharmaceutique en Belgique. Youssef est le premier enfant à essayer ce traitement en Tunisie.

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