En ce moment
 
 

Trêve en Syrie: Pompeo espère que Turcs et Kurdes "prendront au sérieux leurs engagements"

 

A découvrir

 

Washington espère que Turcs et Kurdes "prendront au sérieux leurs engagements" pour faire cesser le conflit dans le nord de la Syrie, a déclaré le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo à quatre jours de l'expiration de la trêve négociée à Ankara mais qui semble avoir volé en éclat.

Au moins 14 civils ont été tués vendredi dans le nord de la Syrie par des raids aériens turcs et des bombardements à l'artillerie des rebelles proturcs, qui poursuivent une offensive contre des forces kurdes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Interrogé à Bruxelles par des journalistes sur l'accord de cessez-le-feu arraché jeudi au président turc Recep Tayyip Erdogan, M. Pompeo a reconnu qu'il n'avait pas été "instantanément" mis en oeuvre par les belligérants. Il a pointé du doigt des problèmes de "coordination" pour assurer "un retrait sécurisé des combattants des YPG (Kurdes des Unités de protection du peuple, ndlr) de la zone contrôlée par les Turcs couverte par l'accord".

Le chef de la diplomatie américaine a rappelé vendredi soir que ces forces kurdes, qualifiées de "terroristes" par Ankara, disposaient encore de "96 heures", soit quatre jours, jusqu'à mardi soir, pour se retirer des zones frontalières de la Turquie, dans le nord-est de la Syrie.

A l'expiration de ce délai, si le retrait n'est pas effectif, l'offensive déclenchée le 9 octobre pourrait reprendre, avait lui-même averti le président Erdogan plus tôt dans la journée.

En dépit de la situation sur le terrain, le président américain Donald Trump s'est montré optimiste, assurant qu'il y avait "de la bonne volonté" des deux côtés et que les Kurdes étaient "très heureux" de la façon dont les chose se passaient.

"Je viens de parler au président Erdogan (...) Il veut vraiment que le cessez-le-feu, ou la trêve, fonctionne", a-t-il tweeté.

- "Demande de capitulation" -

L'opération lancée par la Turquie avec des supplétifs syriens a ouvert un nouveau front dans la Syrie en guerre depuis 2011, où les forces kurdes, partenaires des Occidentaux dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI), ont accusé Washington de les avoir abandonnées.

Jeudi soir, après une intervention diplomatique des Etats-Unis, la Turquie a dit accepter de suspendre pendant cinq jours son offensive, réclamant un retrait des forces kurdes de sa frontière pour y mettre un terme définitif.

Le président français Emmanuel Macron a annoncé vendredi une "initiative commune" avec la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre britannique Boris Johnson pour rencontrer "prochainement" M. Erdogan.

De son côté, le président du Conseil européen Donald Tusk a dénoncé l'accord turco-américain, le considérant plutôt comme "une demande de capitulation pour les Kurdes".

Mazloum Abdi, le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition dominée par les combattants kurdes, avait annoncé jeudi soir que ses forces étaient prêtes à "respecter le cessez-le-feu".

- "Crimes de guerre" -

Des combats sporadiques se poursuivent dans la ville frontalière de Ras al-Aïn. Une correspondante de l'AFP, présente du côté turc de la frontière, a entendu en matinée des explosions et frappes d'artillerie, et aperçu des volutes de fumée blanche côté syrien.

L'offensive d'Ankara a permis aux forces turques et à leurs supplétifs syriens de conquérir une bande frontalière de près de 120 km, allant de la ville de Tal Abyad à Ras al-Aïn.

L'ONG Amnesty International a accusé l'armée turque et les rebelles proturcs de "mépris honteux pour les vies civiles", évoquant des "preuves accablantes de crimes de guerre".

Les autorités kurdes ont déjà accusé Ankara d'utiliser des armes non conventionnelles, comme le napalm, ce que la Turquie a démenti.

Vendredi, les autorités kurdes ont tenté de dépêcher des secours à Ras al-Aïn pour évacuer les blessés, a indiqué à l'AFP Hassan Amin, un responsable de l'hôpital de Tal Tamr, plus au sud.

"La situation des blessés est critique et leur nombre élevé", a-t-il dit, assurant que "l'équipe médicale n'a pas été autorisée à entrer" dans la ville, refus que l'OSDH a attribué aux rebelles proturcs.

Dans cet hôpital, des blessés ont afflué à la suite d'affrontements près de Ras al-Aïn, hurlant de douleur sur des brancards de fortune ou portés à même le corps, selon un correspondant de l'AFP.

L'opération turque a tué 86 civils, et 239 combattants des FDS, selon le dernier bilan de l'OSDH, qui indique également que 187 combattants proturcs ont péri. Environ 300.000 personnes ont été déplacées par les combats, selon l'OSDH.

La Turquie a fait état de la mort de six soldats turcs en Syrie et de 20 civils tués dans les villes frontalières par des tirs des combattants kurdes syriens.

- "Deux gamins" -

Donald Trump s'est félicité jeudi de la trêve annoncée avant d'expliquer qu'il avait sciemment décidé de laisser les Turcs et les Kurdes se lancer dans cette bataille féroce, "comme deux gamins" qu'il faut "laisser se bagarrer un peu" avant de "les séparer".

Le 6 octobre, M. Trump avait ordonné le retrait des forces américaines dans le nord syrien.

L'accord turco-américain prévoit la mise en place d'une "zone de sécurité" de 32 km de largeur en territoire syrien, dont doivent se retirer les forces kurdes.

L'objectif est d'éloigner de la frontière la milice kurde des YPG, mais aussi d'y installer une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens vivant en Turquie.

M. Erdogan a répété vendredi que cette zone devrait "s'étendre en longueur sur 444 km" et pas seulement dans les zones dont les forces turques ont pris le contrôle.

Aucun soldat américain n'aidera à faire respecter la "zone de sécurité" entre les Kurdes et la Turquie, a prévenu vendredi le ministre américain de la Défense Mark Esper.

Selon un haut responsable du Pentagone, les Etats-Unis maintiendront néanmoins une surveillance aérienne de la zone, pour s'assurer notamment de la sécurité des prisons où sont détenus les combattants de l'EI.


 

Vos commentaires