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Salah Abdeslam, la radicalisation express d'un petit caïd de Molenbeek

 
 

La vie de fêtard, des petits larcins et une radicalisation éclair dans les effluves d'un troquet de Molenbeek: traqué par toutes les polices depuis plus d'une semaine, Salah Abdeslam suspect-clé dans les attentats de Paris, demeure introuvable.

Son portrait tourne en boucle à la télévision: 1m75, yeux marrons, cheveux gominés, "individu dangereux". Le Français de 26 ans est recherché pour son implication active dans les attentats au côté de son frère Brahim, l'un des kamikazes.

A Molenbeek, quartier défavorisé de Bruxelles et fief de la famille Abdeslam, le jeune homme n'a pourtant pas laissé l'image d'un apprenti jihadiste, plutôt celle d'un garçon fêtard et coquet.

Comme ses frères, Mohamed et Brahim, Salah Abdeslam vivait avec ses parents et sa soeur dans un bel immeuble avec vue sur la mairie. Une sorte de cocon pour une famille soudée, "ouverte et libérale, pas portée sur la religion", se souvient Me Olivier Martins, l'ancien avocat de Brahim.

Salah et Brahim? Une jeunesse presque ordinaire: "Ils aimaient le foot, sortaient en boîte, revenaient avec des filles", raconte Jamal, éducateur et copain des frères Abdeslam. "De gros buveurs, de gros fumeurs, mais pas des radicalisés", complète Youssef, une autre connaissance.

Puis un jour, selon Jamal, viennent "les mauvaises rencontres, au mauvais moment". Parmi ses copains, il y a Abdelhamid Abaaoud, future tête d'affiche du jihadisme belge et organisateur présumé des attentats parisiens. Ils se retrouvent derrière les barreaux en 2010, après un braquage.

- 'En vacances' -

Un temps technicien à la Stib, la société des transports en commun de Bruxelles, Salah se lance en mars 2013 dans une affaire en famille: c'est un bar, "Les Béguines", au pied d'un immeuble en briques rouges de Molenbeek.

Brahim en est le propriétaire, Salah le gérant. Derrière le comptoir, on n'y boit pas que des bières. "Beaucoup de gens fumaient de la drogue" aussi, lâche un habitué, Abdel. "Avec Brahim, dès que tu entrais, il te sautait dessus pour te vendre quelque chose".

La découverte, mi-août 2015, de joints à moitié consumés dans les cendriers lors d'un contrôle, conduit les autorités à fermer le troquet à partir du 5 novembre. Signe qu'un projet se préparait? Les frères avaient en tout cas déjà cédé la société le 30 septembre.

Ces derniers mois, "ils avaient arrêté de boire et priaient un peu plus que d'habitude", avait simplement noté un autre frère, Mohammed, interpellé puis mis hors de cause.

Aux Béguines, depuis quelques temps, certains clients avaient cependant repéré un petit manège sur internet: "A chaque fois qu'on rentrait dans ce café, il y avait des discours de l'Etat islamique (EI), c'est-à-dire des appels à la guerre", a notamment confié un habitué au programme de la télévision française Envoyé spécial.

Brahim, le patron, regarde aussi des vidéos sur le groupe jihadiste. "Des fois, quand il s'énervait, il disait: +je vais tout faire péter+", assure un autre habitant sur France 2. Vendredi 13 novembre, Brahim s'est fait exploser boulevard Voltaire. Son frère devait-il connaître le même sort? Les enquêteurs s'interrogent sur son parcours lors des attentats.

Seule certitude: Salah a loué deux véhicules et deux chambres ayant servi de planques aux commandos. Le soir des attentats, il dépose dans le 18e arrondissement une voiture, peut-être après avoir convoyé des kamikazes au Stade de France. Etait-il, lui aussi, chargé de commettre une attaque dans le nord-parisien, évoquée dans la revendication de l'EI mais qui n'a jamais eu lieu?

Une ceinture d'explosifs a en tout cas été retrouvée à Montrouge, au sud de Paris, près d'un endroit où il a été de nouveau localisé après les tueries. Depuis, il est introuvable, probablement exfiltré vers la Belgique par deux amis venus de Molenbeek.

"J'espère ne pas me tromper, (...) que Salah à la dernière minute a décidé de ne pas commettre des faits graves", a confié à France 2 son frère Mohamed, pour qui Brahim et Salah ont été "manipulés".

Il dit n'avoir rien vu venir. "Deux ou trois jours avant les attentats", Mohamed a certes constaté que les deux frères n'étaient pas rentrés. Sa mère lui a dit qu'"ils avaient trouvé un billet à prix cassé pour partir en vacances".


 

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