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Ordinaire le jour, chaos la nuit : Santiago, capitale bipolaire de la fronde chilienne

Ordinaire le jour, chaos la nuit : Santiago, capitale bipolaire de la fronde chilienne
© Image Belga
 
 

S'il n'y avait cette odeur persistante de lacrymogène ou ces graffitis, Santiago ne laisserait rien paraître de ce qui s'y déroule quand vient le soir: la capitale chilienne, centre de la contestation sociale depuis trois semaines, affiche un double visage.

Un matin comme les autres à Santiago. Au détour d'un rond-point, certains détails accrochent l'attention: le gazon brûlé, des sacs de gravats entassés sur un trottoir, des branchages calcinés qui dépassent d'une poubelle, un arrêt de bus incendié et des tags politiques qui recouvrent la plupart des bâtiments.

Depuis le 18 octobre, début d'une crise sociale qui a explosé après une hausse du ticket de métro et fait 20 morts, Santiago est le théâtre quotidien de manifestations qui dégénèrent quasi systématiquement en affrontements avec les forces de l'ordre.

Chaque fin d'après-midi, dans une tranquille transhumance humaine, des dizaines de milliers d'opposants remontent à pied l'Alameda, l'artère principale de Santiago, non sans marquer un arrêt devant le palais présidentiel jusqu'à rallier Plaza Italia, haut lieu de la contestation.


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La ville résonne de détonations

C'est là que le 26 octobre une gigantesque manifestation avait réuni plus d'un million de personnes sur les 18 que compte le pays. Chaque fin d'après-midi, depuis le 18 octobre, voit les blindés anti-émeutes kaki des carabineros, recouverts d'éclaboussures de peinture, s'avancer vers la foule, hurler les sommations d'usage puis faire usage de leurs lances à eau ou de gaz lacrymogènes.

Des milliers de manifestants courent dans tous les sens, certains cagoulés, armés de pierres qu'ils ont descellés de la chaussée. Des projectiles enflammés volent sur la police.

La ville résonne de détonations, de sirènes de police, d'ambulances, de slogans, de concerts de casserole et autres percussions urbaines improvisées sur tous les métaux de la ville sur lesquels frappent frénétiquement des opposants. Les mouvements de foule se multiplient en divers endroits de la ville, coupant subitement la circulation aux voitures.

"Je n'ai pas vu ça depuis le coup d'Etat (en 1973)", confie David Quezada, chauffeur de taxi de 67 ans. "Il faut ça pour qu'on les entende. Si tu es pacifique, ça ne marche pas".

Le manège dure quelques heures, de 17h00 à minuit environ, puis des équipes de nettoyage s'efforcent de faire oublier les émeutes jusqu'au soir suivant.


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La police, les services de nettoyage de la ville, des militants et des riverains s'activent, nettoient, ramassent, entassent, remettent en place les pierres de la chaussée, stigmates de la colère du pays.

Les voitures réinvestissent les rues, roulant sur les milliers de pierres qui jalonnent la chaussée, slalomant entre les barricades enflammées et ignorant les policiers lourdement équipés.

Les habitants semblent s'accommoder de cette vie schizophrène qui rythme leurs trois dernières semaines.

"Tout a changé, tout", confie Hortensia Ferrada, 49 ans, qui tient un kiosque sur l'Alameda. "Moi qui suis ouverte 24h/24, je dois fermer vers 16 ou 17H". Qu'importe son local, fortement endommagé, elle soutient les manifestants, mais "pas le vandalisme, ceux qui pillent, qui brûlent, non".

Le matin, les commerces rouvrent. On frotte à l'eau savonneuse ou recouvre de peinture les inscriptions.

Certains restent au chômage technique, comme Joel Silva, 56 ans employé dans un restaurant sur la Plaza Italia : "Trois semaines qu'on est fermés. Hier (lundi), on a rouvert. On a servi six tables, et dès 13H, les ennuis ont commencé. On a rebaissé le rideau".

Joel donne raison au mouvement car selon lui, "il y a beaucoup d'inégalités entre le puissant et le travailleur".

Les contestataires voudraient élargir la zone d'expression de leur colère à de nouveaux quartiers, jusqu'ici relativement préservés.

Dimanche, une caravane de milliers de cyclistes et motards a sillonné le très chic Las Condes, où vit le président Sebastian Piñera, et lundi, lors d'une journée de mobilisation particulièrement violente, a circulé un appel à envahir le quartier d'affaires de la tour Costanera, le plus haut gratte-ciel et plus grand centre commercial d'Amérique du Sud, symbole du développement économique du Chili.


 

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