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Leurs trois fils étaient au Bataclan: le couple Le Guen tient à prendre la parole au procès des attentats du 13 novembre

Leurs trois fils étaient au Bataclan: le couple Le Guen tient à prendre la parole au procès des attentats du 13 novembre
(c)AFP
 
Procès des attentats de Paris
 

Maryline et Jacky Le Guen prendront la parole au procès des attentats du 13-Novembre, ils l'ont décidé avec leur avocate. Le couple livrera à la cour un de ces témoignages qui imposent le silence: celui de parents dont les trois fils étaient au Bataclan.

Aller à ce concert était une idée de Renaud, l'aîné de la fratrie, un fan de rock qui avait déjà vu les Eagles of Death Metal sur scène. Il a réuni ses frères, sa compagne, celle de son cadet.

Renaud, 29 ans, n'a pas survécu à la tuerie.

Depuis le 13 novembre 2015, Maryline et Jacky Le Guen ont dû faire le deuil de leur aîné et aider leurs deux autres enfants*, âgés alors de 15 et 25 ans, à se reconstruire. Et vivre, eux aussi. "On a voulu tout faire pour reprendre une vie normale", racontent-ils, avant de compléter l'un et l'autre: "Une vie normale entre guillemets".

Le couple vit toujours dans le paisible pavillon de banlieue parisienne, tout en bois comme un chalet de montagne, où les enfants ont grandi.

Dans le jardin, on imagine les rires des frères lors des déjeuners dominicaux. Dans le salon, au-dessus de la télé, trône un poster avec des portraits de Renaud, et en fond, l'affiche du concert des Eagles of Death Metal.

Jacky compare sa situation à celle de "quelqu'un à qui on aurait amputé un membre": "Si on lui demande cinq ans après comment ça va, forcément, il va s'être adapté à son handicap. On s'adapte".

"Les enfants d'abord" 

Il n'a pas eu de suivi psy. "On a essayé de faire passer nos enfants en priorité. Notre thérapie, c'était peut-être de nous occuper d'eux", confie le père. "Le traumatisme des enfants, c'est tellement angoissant", ajoute son épouse.

Lors de l'attaque du commando jihadiste, le petit groupe s'est retrouvé séparé. La compagne de Renaud s'est cachée dans un faux plafond. Celle de son frère cadet a réussi à s'échapper: c'est elle qui a prévenu, très tôt, Maryline et Jacky Le Guen.

Leurs appels sont restés sans réponse. "Pendant deux heures, nous avons cru que nos trois enfants étaient morts", raconte la mère.

Leurs deux fils qui ont survécu étaient ensemble, au pied de la scène: ils sont restés allongés une heure et demie à faire les morts, à entendre les balles qui sifflaient. Le plus jeune est sorti couvert du sang du jihadiste qui s'est fait exploser sur scène.

"Ils nous en ont parlé une seule fois. On leur a posé quelques questions, ils nous ont répondu", raconte Maryline. Il y a, depuis le drame, "un lien indéfectible entre eux", "ils sont restés soudés comme le soir du Bataclan, ils n'ont pas besoin de se parler pour se comprendre", explique leur mère.

Au nom de Renaud 

Maryline et Jacky n'ont jamais su où Renaud se trouvait dans la salle de concert. Il est mort quelques heures après l'attaque, à la Pitié-Salpêtrière. Il a été retrouvé par un proche de la famille qui a fait le tour des hôpitaux parisiens avec sa photo.

Une interne est venue voir la famille dans une petite salle au sous-sol de la Salpêtrière. "Elle nous a dit: Renaud est probablement mort. Je lui ai répondu: Soit il est mort, soit il n'est pas mort, mais pas probablement", raconte la mère de famille. Il n'avait pas sur lui de papier d'identité, seulement sa place de concert qui portait son nom.

Si le couple Le Guen veut prendre la parole au procès, c'est en grande partie pour Renaud.

"Il y a les accusés, mais aussi des victimes. Beaucoup sont décédées. Il faut représenter Renaud", raconte Maryline. "Ça sera certainement une épreuve: cette solennité, des centaines de personnes... On va s'exprimer sur des choses intimes", se prépare Jacky.

Les jihadistes du Bataclan, qui ont tué 90 personnes, sont morts. "S'ils avaient été dans le box, ça aurait changé beaucoup de choses. On les aurait regardés en se disant: +c'est peut-être lui qui a tué notre fils+".

Au total, vingt personnes seront jugées à partir du 8 septembre. "A part Salah Abdeslam, je ne mémorise aucun nom. Je n'en ai pas envie. C'est certainement un blocage", racontent ensemble les époux.

* Les deux enfants qui ont survécu n'ont pas souhaité que l'AFP donne leur identité.


 

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