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Ethiopie: une église vieille de 9 siècles espère beaucoup de la visite de Macron

 
 

Ce mercredi matin de mars, le prêtre Mekonnen Fatne, debout parmi ses fidèles orthodoxes éthiopiens, observe une église vieille de neuf siècles qu'ils craignent de voir détruite à tout moment.

Au-dessus de l'église s'étend une bâche massive soutenue par un treillage métallique: c'est l'un des quatre abris mis en place pour protéger les églises historiques de la ville de Lalibela, dans le nord de l'Ethiopie. Mais selon les habitants, ces protections pourraient au contraire les faire disparaître, malgré les assurances des experts.

"Si cela devait s'effondrer, pensez-vous qu'il resterait quoi que ce soit de l'église ?" demande le prêtre en désignant les épaisses tiges de métal qui plongent dans la terre rouge autour de l'église de Bete Maryam.

Cette semaine, le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, doivent se rendre à Lalibela pour une visite dont les habitants espèrent qu'elle se traduira par un nouveau plan, de l'argent et une expertise pour la rénovation du complexe religieux.

Inscrites au patrimoine mondial par l'Unesco en 1978, les églises de Lalibela sont uniques. Taillées dans la roche, elles sont situées sous le niveau du sol, entourées de profondes douves sèches. Seuls leurs toits sont visibles.

Les cours entourant ces lieux de culte extraordinaires ne sont accessibles que par des escaliers et des tunnels.

Les défenseurs du patrimoine assurent que les abris érigés en 2008 pour protéger les églises de la pluie ne représentent aucune menace. Ils sont malgré tout devenus un symbole de la négligence subie, selon les habitants de Lalibela, par eux-mêmes et le site.

"Nous sommes ici à cause du patrimoine", dit Yitibarek Getu, un diacre local. "S'il n'y a pas de patrimoine, imaginez ce qu'il va se passer !"

- Histoire ancienne -

Lalibela tire son nom du roi Gebre Mesqel Lalibela, au pouvoir au 13e siècle, dont la légende veut qu'il ait fait construire onze églises avec l'aide d'anges après que Dieu lui eut ordonné d'édifier une "Nouvelle Jérusalem".

Située à 680 km au nord d'Addis Abeba, Lalibela est une destination populaire auprès des touristes étrangers et des orthodoxes éthiopiens. La religion orthodoxe est la plus pratiquée dans le pays.

Les églises taillées dans la roche mesurent jusqu'à 15 mètres de haut, regorgent d'ornements et de fenêtres sculptées en forme de croix, mais leur composition rocheuse les rend vulnérables à l'érosion due aux précipitations torrentielles durant la saison des pluies.

Les abris de fabrication italienne qui protègent certaines églises ont suscité la colère des habitants qui les trouvent laids et pensent qu'ils risquent de s'effondrer par vent fort.

"C'est comme une vengeance des Italiens !", lance Negash Adamu, un habitant de Lalibela âgé de 27 ans, en référence aux conflits répétés qui ont opposé dans le passé l'Ethiopie à ses colonisateurs italiens.

Les prêtres et les fidèles se plaignent que les lourds piliers de soutien des abris ont endommagé la chapelle souterraine de la Trinité, dont le toit se fissure sous le poids.

La chapelle n'est pas ouverte au public.

Les habitants de la région s'inquiètent aussi de la solidité des abris, qui sont assortis d'une garantie de 10 ans.

"Nous voulons une restauration permanente et nous voulons que l'abri soit retiré", déclare Tsigieselassie Mazgebu, le curé de la paroisse du complexe. "Il y a de grandes chances que s'il tombe sur le trésor, il le démolisse."

- Manque de confiance -

L'année dernière, les habitants de Lalibela vêtus de chemises portant l'inscription "Save Lalibela" ("Sauvez Lalibela") ont protesté contre l'état des églises, selon Negash.

Pour Hailu Zelekeke Woldetsadik, le directeur de la conservation du patrimoine culturel à l'Autorité éthiopienne de recherche et de conservation du patrimoine culturel, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Il a nié tout dommage causé à la chapelle de la Trinité et déclaré que les abris avaient été conçus pour résister en toute sécurité au-delà de leur garantie de 10 ans.

"Il n'y a pas de danger imminent", a-t-il affirmé à l'AFP. Les structures ont été conçues pour bouger en cas de vents violents plutôt que de résister jusqu'à leur point de rupture.

Kidanemariam Woldegiorgis, un archéologue qui a grandi à Lalibela, a attribué la controverse à un manque de consultation des habitants de la ville, qui a alimenté les soupçons. "Ce qu'ils font n'est pas clair, pas transparent", dit-il.

Selon M. Hailu, MM. Abiy et Macron signeront un accord pour l'entretien des abris temporaires et l'embauche de scientifiques qui seront chargés d'étudier la possibilité de restaurer les églises endommagées.

Cela pourrait ouvrir la voie au remplacement des abris par des structures plus légères qui pourraient être ouvertes ou fermées selon les conditions météorologiques, pendant que sont effectuées les réparations.


 

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