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Deux mois après la mort de George Floyd, les suites de la contestation divisent l'Amérique

 
 

Les statues n'en finissent pas de tomber, les manifestants de défier la police: deux mois après la mort de George Floyd, l'Amérique reste secouée par les convulsions d'une contestation antiraciste qui divise de plus en plus la classe politique.

Même si l'heure des grandes marches est révolue, la nuit de jeudi à vendredi a encore été marquée par le retrait de deux statues de Christophe Colomb à Chicago et de nouveaux heurts entre les forces de l'ordre et des habitants de Portland.

A environ 100 jours de la présidentielle, ces derniers soubresauts font l'objet de lectures diamétralement opposées entre les deux camps engagés dans la bataille.

Le déboulonnage de statues ? Pour les démocrates, il s'agit d'assumer le passé raciste des Etats-Unis en arrêtant de glorifier des personnages ayant joué un rôle dans l'oppression des Amérindiens ou des Afro-Américains. Le président Donald Trump, qui espère remporter un second mandat en se posant en garant de "la loi et de l'ordre", dénonce lui des actes de "vandalisme".

Les échauffourées à Portland ? Chez les républicains, on se félicite de voir des agents fédéraux engager pour restaurer l'ordre face à des "anarchistes". Dans l'opposition, on critique un usage excessif de la force par des agents en tenue militaire dont la présence aurait radicalisé les manifestants.

Le meurtre de George Floyd, un quadragénaire noir asphyxié le 25 mai à Minneapolis par un policier blanc, avait pourtant été condamné avec le même effroi par l'ensemble de la classe politique. Et, alors que des centaines de milliers de personnes descendaient dans les rues du pays pour demander plus de justice, chaque camp avait dégainé ses idées pour réformer la police.

Mais très vite, le président Trump a délaissé cette problématique pour mettre l'accent sur les violences parfois commises en marge des cortèges. Surfant sur les appels à rediriger une partie des budgets de la police vers l'action sociale, il accuse désormais sans relâche ses adversaires politiques, et même son rival le modéré Joe Biden, d'être des "gauchistes radicaux" désireux de démanteler les forces de l'ordre.

- 600 meurtres -

Une recrudescence, depuis le début du mois de juillet de la violence par armes à feu dans plusieurs grandes villes aux mains des démocrates ont alimenté son discours et justifié l'envoi de renforts fédéraux aussi bien à Portland qu'à Chicago, malgré l'opposition des élus locaux.

De même, ses partisans mêlent les deux problématiques.

"On a eu cet événement terrible à Minneapolis et une réaction extrême qui a diabolisé la police et des appels à couper ses budgets. La hausse significative des crimes violents dans plusieurs villes est un résultat direct de l'affaiblissement des forces de police", a ainsi assuré mercredi son ministre de la Justice Bill Barr.

En "50 jours de silence démocrate face aux appels à couper les fonds de la police", il y a eu "600 meurtres dans 6 villes démocrates", a renchéri vendredi l'association des procureurs généraux républicains. Les démocrates contrôlent la plupart des grandes villes du pays.

Pour Thomas Abt, spécialiste des violences urbaines au sein du groupe de réflexion Council on criminal justice, la hausse des homicides est d'abord lié à la pandémie de nouveau coronavirus qui a "mis sous pression les personnes les plus susceptibles de commettre des violences".

Et s'il y a un lien entre ces crimes et les manifestations antiracistes, "ce n'est pas pour les raisons invoquées par Donald Trump", a-t-il dit au site d'informations progressiste Mother Jones.

Pour lui, le meurtre de George Floyd a d'abord augmenté la défiance de la population noire envers la police, si bien que victimes et témoins se tournent encore moins vers elle en cas de violences. "De plus, dans certaines villes, on a vu la police se retirer du terrain", a-t-il souligné.

Ainsi à Atlanta, dans le Sud, les policiers se sont portés malades pendant au moins trois jours après l'inculpation de deux agents, dont l'un a tiré des balles dans le dos d'un jeune homme noir. Ce mouvement avait été baptisé la "grippe bleue" en référence à la couleur des uniformes.

Il faudra sans doute plusieurs mois et des données statistiques plus solides pour trancher le débat. D'ici là, les électeurs auront eux livré leur verdict.


 

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