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Dans les campagnes de Chine, la vie rude des enfants sans parents

 
 

Liang Zhaolü, 12 ans, fréquente une école de fortune tout en aidant son grand-père aux champs: comme lui, 61 millions d'enfants des campagnes chinoises vivent sans leurs parents, morts ou partis travailler en ville.

On les surnomme les "enfants laissés derrière". Ils sont pour la plupart élevés par leurs grands-parents ou d'autres proches.

"A la maison, j'aime regarder les séries de guerre sur la télévision de papy et mamie, mais seulement après avoir terminé le travail de la journée dans les rizières", confie le gamin.

Avec sa petite soeur de 10 ans, Yuxiu, il part chaque lundi à travers d'étroits sentiers boueux jusqu'à la route où ils attrapent le bus scolaire. A l'école, ils resteront jusqu'au vendredi et dormiront dans un dortoir sommaire.

Le week-end, ils retrouvent leurs grands-parents et la rizière à Donglan.

Leur père est décédé et leur mère a quitté la région il y a deux ans pour travailler en ville.

Donglan est l'un des 28 districts les plus pauvres du Guangxi, une "région autonome" peuplée de minorités du sud de la Chine, frontalière du Vietnam.

Leur école, au village de Aidong, accueille 400 élèves derrière un portail rouillé, perchée au sommet d'une petite montagne.

Autre écolière, Li Dandan, elle, a perdu ses deux parents en décembre dans un accident de voiture. Elle réside désormais chez sa grand-mère, qui vit chichement d'une retraite de 300 yuans par mois.

Cheveux court sous un serre-tête rose, Dandan, 11 ans, marche plus d'une heure dans la montagne pour gagner l’école: elle économise ainsi les quatre yuans du billet de bus, dit-elle.

D'autres de ces enfants -- plus de deux millions officiellement en Chine -- sont entièrement livrés eux-mêmes.

Au Guizhou voisin, quatre d'entre eux, âgés de 5 à 13 ans, se sont donné la mort. Le frère aîné a empoisonné ses trois petites sœurs avant d'ingurgiter lui-même du pesticide. Un fait divers qui a ému le pays.

Dans son dernier documentaire, "Les Trois Soeurs du Yunnan", le cinéaste Wang Bing a dépeint l'histoire de trois fillettes survivant à la misère à force d'ingéniosité.

Une majorité des enfants "laissés derrière" sont néanmoins scolarisés. Mais dans des écoles rurales mal équipées où tout manque, indique Wei Jixue, enseignant d'un district voisin.

"Le plus gros problème pour les enfants, c'est l'eau potable. Nous buvons l'eau de pluie, faute de mieux, mais cela devient difficile en saison sèche", dit-il, à côté d'une file d'élèves patientant devant un robinet relié à une citerne.

Pour ses élèves, qui rentrent chez eux le soir -- deux heures de marche pour certains --, "la nourriture est un autre souci majeur: l'école ne fournit pas de repas. Certains emportent un panier déjeuner, d'autres restent à jeun toute la journée".

Son école ? une cour entourée d'un muret de pierre brute, une unique salle où s'entassent 70 élèves. Tous niveaux confondus.

Sur la façade: "Aimez votre pays, aimez votre travail, travaillez dur et innovez!".

La plupart n'iront pas au bout de leur scolarité, déjà accaparés par les travaux des champs dès la classe terminée.

Depuis la mort de sa mère il y a trois ans, Liang Yongyao, 12 ans, vit avec son père dans un hameau entouré de rizières en terrasse. L'école est à deux heures à pied. La santé vacillante de son père --il peine à marcher-- l'inquiète.

"Je le vois se tuer à la tâche, et je ne sais pas quoi lui dire", dit le gamin. "Parfois, j'ai le sentiment d'être un fardeau".


 

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