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Crise des migrants: silence et réticences des monarchies du Golfe

Crise des migrants: silence et réticences des monarchies du Golfe
Un camp de réfugiés syriens, le 11 janvier 2015, au nord-est d'Amman, en JordanieKhalil Mazraawi
 
 

Plus de quatre millions de Syriens ont fui la guerre mais les riches pétromonarchies du Golfe n'en accueillent que très peu, suscitant critiques et interrogations sur la solidarité arabe.

"Les pays du Golfe devraient avoir honte quand ils voient les portes de l'Europe s'ouvrir devant les réfugiés syriens, tandis qu'eux, ils les ferment devant nous", s'offusque Abou Mohammed, un Syrien de 30 ans réfugié en Jordanie.

Depuis le début de la "crise des migrants", de telles critiques sont relayées sur les réseaux sociaux, avec des hashtags comme "Accueillir des réfugiés est une obligation pour le Golfe".

A l'intérieur même des pays du Golfe, certains s'interrogent sur le silence des autorités.

"Malheureusement, les riches pays du Golfe n'ont publié aucun communiqué sur la crise et encore moins proposé une stratégie pour aider les migrants, en majorité des musulmans", relevait récemment l'éditorialiste du quotidien qatari Gulf Times.

Les six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG - Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar) ne sont cependant pas restés inactifs depuis le début de la guerre en Syrie en 2011.

Ils ont dépensé des milliards de dollars en aide humanitaire pour améliorer la vie des centaines de milliers de Syriens qui s'entassent dans les camps installés dans les pays voisins (Liban, Jordanie, Turquie).

Mais lorsqu'une partie de ces réfugiés décident de quitter ces camps pour tenter leur chance ailleurs, ils regardent plutôt vers les pays occidentaux, en particulier européens, en dépit des risques du voyage.

Depuis le début de l'année, 365.000 migrants et réfugiés ont ainsi traversé la Méditerranée et plus de 2.700 sont morts, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

L'Allemagne symbolise l'eldorado pour beaucoup d'entre eux, alors que les Etats du Golfe sont eux aussi prospères, sont plus proches géographiquement et partagent davantage de valeurs culturelles et religieuses communes avec leur pays.

- 'Qu'ils aident les gens' -

Face au silence des autorités, un éminent blogueur émirati, Sultan Al Qassemi, a appelé les monarchies pétrolières à lancer une initiative "morale et responsable" pour accueillir des réfugiés.

Même le père endeuillé d'Aylan Kurdi --le petit garçon de trois ans dont le corps sans vie sur une plage en Turquie a ému le monde entier-- a déclaré à l'enterrement de sa femme et ses deux enfants: "Je veux que les gouvernements arabes, et non les pays européens, voient ce qui est arrivé à mes enfants et qu'ils aident les gens".

Pourtant peu d'experts s'attendent à des changements rapides dans l'attitude des pays du Golfe, non signataires de la Convention de l'ONU sur les réfugiés.

"Je ne vois aucun dirigeant faire comme David Cameron, qui a changé d'attitude en 36 heures", explique Michael Stephens, spécialiste du Moyen-Orient à l'institut Rusi, en référence aux informations prêtant au Premier ministre britannique l'intention d'autoriser l'accueil de 15.000 réfugiés de Syrie.

"La grande majorité des citoyens du Golfe estiment que ce que leurs gouvernements ont fait en Syrie est la bonne chose", ajoute-t-il.

La "crise des migrants" intervient en outre alors que les pays du Golfe concentrent leur attention sur le conflit au Yémen et sur la complexe opération militaire qu'ils y mènent contre des rebelles chiites Houthis.

- Craintes sécuritaires -

Opposées au président Bachar al-Assad soutenu par l'Iran chiite, leur rival régional, des pays du Golfe ont soutenu, avec de l'argent et des armes, des groupes rebelles sunnites engagés contre le régime de Damas. L'Arabie saoudite et le Qatar ont ainsi été accusés de soutenir des organisations extrémistes jihadistes.

Dans ce contexte, des considérations sécuritaires sont parfois avancées pour expliquer le refus d'accueillir des réfugiés.

"Comme les pays du Golfe sont impliqués dans les affaires politiques de la Syrie, ils peuvent s'inquiéter de ce que pourraient entreprendre ceux qui viendraient chez eux", explique Sultan Barakat, du Brookings Doha Center.

L'Arabie saoudite a notamment été visée depuis le début de l'année par des attentats du groupe Etat islamique (EI).

En outre, de petits Etats, comme les Emirats et le Qatar où la population autochtone est largement minoritaire, craignent d'être submergés par des réfugiés alors qu'ils font travailler des millions de migrants, notamment originaires d'Asie du sud.

Pour Sultan Barakat, un geste pourrait aider les Syriens et désamorcer les critiques: permettre l'entrée des réfugiés ayant déjà des membres de leur famille dans le Golfe.

Des centaines de milliers de Syriens vivent en effet depuis des années dans la région, attirés par les opportunités d'emploi. L'octroi de visas reste cependant strictement contrôlé.


 

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