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Au Brésil, les élections pourraient prendre un tournant inédit après un méga scandale

Au Brésil, les élections pourraient prendre un tournant inédit après un méga scandale
Manifestation à Rio de Janeiro le 31 mars 2017
 
 

Choqués par le méga-scandale de corruption qui secoue le pays, les Brésiliens pourraient bien tourner le dos à la classe politique traditionnelle et donner leurs voix à des candidats certes atypiques, voire de l'extrême-droite, mais aux mains propres.

La vague anti-establishment pourrait déferler sur les prochaines élections générales de 2018, jugent les analystes.

Une centaine de politiciens de tous bords, dont des figures de la politique, ont été mis en cause la semaine dernière dans le dossier Petrobras, dit "Lavage Express". Le 11 avril, la Cour Suprême a donné son feu vert à l'ouverture de dizaines d'enquêtes: au moins un tiers des ministres du président Michel Temer et du Sénat sont dans le collimateur de la justice, ainsi qu'une quarantaine de députés.

Ces nouvelles accusations proviennent des confessions d'ex-cadres du géant du BTP Odebrecht, au coeur du vaste système de trucage systématique des marchés publics qui avait détourné plus de 2 milliards de dollars de la compagnie pétrolière d'Etat Petrobras depuis le début des années 2000.

La plupart des hommes politiques cités sont soupçonnés d'avoir reçu des pots-de-vin d'Odebrecht pour financer leurs campagnes, mais certains sont aussi visés pour blanchiment d'argent et association de malfaiteurs.

Donald Trump brésilien

Les Brésiliens "veulent du changement", a assuré David Fleischer, professeur émérite de l'université de Brasilia, qui fait le parallèle avec la victoire du Brexit au Royaume-Uni et celle de Donald Trump aux Etats-Unis.

"Cela ouvre d'énormes possibilités à ceux qui peuvent dire 'Je ne suis pas un politicien, je n'ai jamais été un homme politique'", a-t-il ajouté.

La déferlante est d'une telle ampleur qu'elle éclabousse à différents degrés les cinq ex-présidents de la République encore vivants depuis la fin de la dictature en 1985.

Ainsi l'icône de la gauche brésilienne, Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), pourrait voire ses chances de briguer à nouveau la présidence fortement compromises par les cinq affaires de corruption dans lesquelles il est cité.

S'il figure toujours en tête des sondages, dont celui de CNT en février, qui lui accordait 30,5% des intentions de vote, une condamnation à de la prison ferme ou à une peine d'inéligibilité l'écarteraient du jeu politique. 

Si les électeurs brésiliens décidaient de confier leur voix à un outsider aux mains propres, le nouveau maire de la mégalopole Sao Paulo, Joao Doria, pourrait en être le grand bénéficiaire.

Immensément riche, ce spécialiste de la communication a présenté la version brésilienne de "The Apprentice", l'émission de téléréalité animée de 2008 à 2014 par Donald Trump.

Sous les couleurs du Parti social-démocrate brésilien (PSDB, centre droit), il a ravi la capitale économique du Brésil au Parti des Travailleurs (PT) de Lula. Sans s'être encore déclaré candidat à la présidentielle, il est déjà crédité de 5% des intentions de vote, selon le dernier sondage publié mardi par Vox Populi.

Propos ouvertement homophobes 

Les Brésiliens pourraient également se tourner vers le député Jair Bolsonaro, célèbre pour son éloge d'un tortionnaire et de la dictature militaire (1964-1985) devant des millions de téléspectateurs, en 2016, lors de la procédure de destitution de l'ancienne présidente Dilma Rousseff.

Outre ses propos ouvertement homophobes, il est également connu pour sa violente diatribe contre une députée du PT, Maria do Rosario. En 2003, il l'avait traité de "salope" en hurlant, et en 2015, il lui avait lancé: "Je ne te violerais pas. Tu ne le mérites pas".

Bolsonaro, qui ne figure pas sur la liste des politiciens soupçonnés de corruption, est vu par certains comme l'homme fort qui pourrait assainir le paysage politique.

"Nous devons stopper l'hémorragie de corruption", affiche-t-il sur son profil Twitter. 

Dans le sondage de février comme dans celui de mardi, il réunit 11,3% des intentions de vote.

Le ressentiment de la population pourrait également se matérialiser lors des législatives de l'an prochain, à l'image des municipales de fin 2016, véritable hécatombe pour le PT.

"Une crainte est en train de se répandre parmi les membres des partis brésiliens traditionnels : que l'opération Lavage Express détruise le système politique tel qu'ils le connaissent", a écrit mardi le cabinet d'analyse Stratfor.


 

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