L'auteur présumé de l'attentat sanglant dans un hôtel en Tunisie s'est formé au maniement des armes en Libye, pays livré au chaos séparé de la Tunisie par une frontière poreuse, a annoncé mardi un haut responsable.
"Il s'avère qu’il est allé en Libye de manière illégale. Il a été formé (au maniement des armes) à Sabratha", à l'ouest de Tripoli, a déclaré à l'AFP le secrétaire d’Etat chargé de la sûreté nationale, Rafik Chelly.
Vendredi, un étudiant tunisien de 23 ans, identifié comme Seifeddine Rezgui et armé d'une kalachnikov qu'il avait cachée dans un parasol, a ouvert le feu sur des vacanciers sur une plage et au bord des piscines de l'hôtel Imperial Marhaba à Port El Kantaoui, au sud de Tunis.
Trente-huit personnes, en majorité des touristes britanniques, ont été tuées dans l'attaque revendiquée par le groupe Etat islamique (EI), le pire attentat jihadiste de l'histoire de la Tunisie.
D'après M. Chelly, l'assaillant se trouvait en Libye en même temps que les deux auteurs de l'attentat perpétré contre le musée du Bardo, à Tunis, le 18 mars, déjà revendiqué par l'EI.
Les trois jeunes gens se sont peut-être connus et formés ensemble dans le même camp mais il n'était pas possible de le confirmer dans l'immédiat, selon le secrétaire d'Etat.
- Camp à Sabratha -
"Ils se sont absentés (de Tunisie) à la même période. Et en principe, à Sabratha, il y a un seul camp qui entraîne les jeunes Tunisiens", a-t-il dit.
M. Chelly n'a pas pu préciser la date à laquelle Rezgui et les assaillants du Bardo, Yassine Abidi et Jabeur Khachnaoui, ont d'après lui séjourné en Libye. Mais après l'attentat du Bardo, M. Chelly avait indiqué que ces deux derniers s'y étaient rendus en décembre.
Le secrétaire d'Etat a en outre indiqué que le camp en question dépendait du groupe jihadiste Ansar al-Charia. "Quand ils s'y sont formés, c'était Ansar al-Charia", a affirmé M. Chelly.
Pour l'analyste tunisien Slaheddine Jourchi, cette information vient confirmer le "réel danger" du chaos libyen pour la Tunisie.
"Notre sécurité est liée aux développements en Libye", a-t-il dit à l'AFP. "Malgré les mesures sécuritaires tunisiennes, il y a des réseaux capables de franchir la frontière pour amener des jeunes vers des camps en Libye, les former au type d'armes qu'ils vont utiliser dans leurs attaques puis les ramener en Tunisie pour faire appel à eux le moment venu".
Plus tôt, le président Béji Caïd Essebsi avait reconnu que les forces de l'ordre n'étaient pas préparées à l'éventualité d'une attaque sur une plage: "C'est vrai que nous avons été surpris par cette affaire", a-t-il dit à la radio Europe 1.
Après le Bardo, des jihadistes avaient menacé de lancer de nouvelles attaques en été.
- Interrogations sur la sécurité -
"S'il y a des défaillances, des sanctions seront prises immédiatement", a assuré M. Caïd Essebsi alors que selon plusieurs témoignages, l'attaque de vendredi aurait duré une trentaine de minutes sans que les forces de l'ordre interviennent.
Un nombre indéterminé de personnes ont été arrêtées en lien avec l'attaque. Le gouvernement a décidé d'armer la police touristique et de la renforcer par un millier d'agents supplémentaires à partir de mercredi pour protéger hôtels, plages et sites touristiques.
La Grande-Bretagne a payé le plus lourd tribut dans l'attaque avec 25 ressortissants tués, a indiqué mardi à l'AFP le ministère tunisien de la Santé qui doit encore identifier cinq dépouilles.
Mais le bilan pourrait monter à 30 morts britanniques selon Londres. Deux Allemands, trois Irlandais, une Portugaise, une Belge et une Russe figurent aussi parmi les victimes.
Outre le choc qu'elle a suscité en Tunisie et à l'étranger, cette attaque risque d'avoir un impact économique de plus de 450 millions d'euros en 2015, selon le ministère du Tourisme.
Des milliers de touristes ont été évacués par leurs voyagistes, et le syndicat des agences de voyages françaises (Snav) a indiqué enregistrer "80% d'annulations et de demandes pour une autre destination" pour juillet.
Enfin, aussitôt ouvert à Tunis, le procès de 24 personnes accusées d'être impliquées dans l'assassinat en 2013 de l'opposant de gauche Chokri Belaïd, farouche critique des islamistes, a été reporté au 30 octobre. Ce meurtre, revendiqué par des jihadistes ralliés à l'EI, avait choqué le pays et provoqué une profonde crise politique.
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