Les dirigeants des pays d'Asie du Sud-Est, réunis mercredi au Laos, ont exhorté la junte birmane et ses adversaires à entreprendre des "actions concrètes" pour relancer le processus de paix en Birmanie, au point mort depuis le coup d'Etat du 1er février 2021.
La situation en Birmanie, un Etat membre en proie à un chaos à la fois politique, économique et humanitaire, a dominé la première journée du sommet de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean), à Vientiane.
Ce bloc de dix pays, souvent décrit comme un forum de discussions sans réel pouvoir, où les principes de non-ingérence et de consensus priment sur l'efficacité, essaye en vain de négocier une sortie de crise depuis trois ans.
Le conflit en Birmanie, qui a provoqué la mort de plus de 5.300 civils et le déplacement de plus de 3,3 millions de personnes, selon l'ONU, constitue l'un des plus grands défis que l'association ait eu à affronter depuis sa création en 1967.
L'Asean a bien établi une feuille de route de retour à la paix, dite "en cinq points" mais le texte est resté lettre morte auprès de la junte, engagée dans des combats toujours plus violents avec des rébellions issues de l'opposition politique et de minorités ethniques.
Dans le projet de déclaration commune obtenu par l'AFP, l'Asean a "exhorté toutes les parties impliquées à entreprendre des actions concrètes pour faire immédiatement cesser la violence aveugle".
- "Nouvelles stratégies" -
"Nous essayons de trouver des moyens d'aller de l'avant, parce que nous devons admettre qu'en dépit des cinq points (...), nous n'avons pas connu beaucoup de réussite pour changer la situation", a déclaré mercredi le président philippin Ferdinand Marcos.
"Nous essayons de formuler de nouvelles stratégies", qui restent à être déterminées, a-t-il poursuivi.
Le porte-parole du ministère thaïlandais des Affaires étrangères, Nikorndej Balankura, a confirmé qu'il n'y avait pas de discussions détaillées sur la mise en oeuvre des cinq points.
Le sommet au Laos a débuté sous de bons auspices pour les partisans du dialogue. Pour la première fois en trois ans, Naypyidaw a envoyé un "représentant non-politique", la seule présence tolérée par le bloc qui a banni les généraux birmans.
Il s'agit du secrétaire permanent du ministère des Affaires étrangères, Aung Kyaw Moe.
Son déplacement intervient dans un contexte difficile sur le terrain pour le pouvoir militaire, qui a reculé ces derniers mois dans plusieurs régions. La junte a appelé fin septembre à un cessez-le-feu et à des pourparlers de paix mais sa proposition a pour le moment été rejetée par ses adversaires.
Daniel Kritenbrink, le sous-secrétaire d'Etat américain chargé de l'Asie de l'Est, a partagé ses doutes sur la démarche de la junte.
Il a assuré que le chef de la diplomatie des Etats-Unis Antony Blinken, attendu vendredi, ferait pression sur le gouvernement militaire en vue de réduire les violences, libérer des prisonniers politiques et nouer un dialogue avec l'opposition.
"Malheureusement, nous n'avons vu virtuellement aucun progrès sur aucune de ces priorités", a-t-il fait remarquer.
La crise birmane, qui se décline en des volets humanitaire, politique et économique, a mis en lumière des divisions au sein du bloc, au sein duquel l'Indonésie, la Malaisie et les Philippines apparaissent comme les partisans d'une ligne plus dure vis-à-vis des généraux.
"C'est la crise birmane qui va définir l'avenir de l'Asean, quant à sa capacité à naviguer dans un paysage géopolitique en mutation", estime Mustafa Izzuddin, un analyste travaillant Singapour.
- Li Qiang attendu jeudi -
En parallèle des pourparlers menés par l'Asean, la Thaïlande doit accueillir en décembre une réunion informelle, possiblement en présence de la Chine et de l'Inde, sur la Birmanie.
Jeudi, le Premier ministre chinois Li Qiang est attendu à la grand-messe de l'Asean, qui invite chaque année ses principaux partenaires. Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol et le nouveau Premier ministre japonais Shigeru Ishiba vont également parler avec leurs partenaires du Sud-est asiatique.
Au programme des discussions devrait figurer la situation en mer de Chine méridionale, après plusieurs récents épisodes de tensions entre Pékin d'un côté et Manille et Hanoï de l'autre.
Début octobre, le Vietnam a condamné le "comportement brutal" de la Chine, après l'agression de pêcheurs vietnamiens.
La Chine revendique la quasi-totalité de cette mer. Le Vietnam, les Philippines, la Malaisie et Brunei ont en outre chacun des intérêts qui se chevauchent dans certaines parties.
Au coeur des différends se trouve la question de l'appartenance des centaines d'îlots, atolls et récifs, à l'origine inhabités, qui parsèment cette zone maritime aux forts enjeux commerciaux et stratégiques.
Le projet de déclaration finale a réitéré l'attachement de l'Asean à la retenue et au respect du droit international.
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