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"Kazakhgate": un ex-conseiller de l'Elysée sous Sarkozy mis en examen pour corruption

"Kazakhgate": un ex-conseiller de l'Elysée sous Sarkozy mis en examen pour corruption
Vue des jardins de l'Elysée, le 1er août 2014 à Paris Dominique Faget
 
 

Un ancien conseiller de l'Elysée a été mis en examen lundi pour corruption dans l'affaire du "Kazakhgate", des soupçons nés de commissions qui auraient été versées en marge d'importants contrats commerciaux conclus avec Astana pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Cette mise en examen de l'ex-préfet Jean-François Etienne des Rosaies, 73 ans, marque une accélération de cette enquête confiée à des juges financiers depuis avril 2013.

Elle est intervenue deux jours avant la levée mercredi de l'immunité parlementaire du sénateur UDI Aymeri de Montesquiou, 72 ans, qui fut le représentant de Nicolas Sarkozy en Asie centrale.

Jean-François Etienne des Rosaies a été mis en examen pour corruption active d'agent public étranger, trafic d'influence passif par personne chargée d'un service public et blanchiment de ce délit, a annoncé à l'AFP une source proche du dossier.

Après une avocate niçoise, Me Catherine Degoul, et deux intermédiaires, il est le quatrième à se voir notifier une telle mesure dans un dossier qui a des ramifications en Belgique, au Kazakhstan et en France.

Les enquêteurs étudient une hypothèse: des proches de l'exécutif sous Nicolas Sarkozy ont-ils oeuvré de manière occulte pour convaincre des parlementaires belges de changer une loi de leur pays en 2011?

L'objet de ce texte aurait été de permettre un abandon opportun, en échange d'une transaction financière, de poursuites judiciaires en Belgique contre un homme d'affaires, Patokh Chodiev, réputé proche du pouvoir kazakh.

Pour la France, pour prix de ce "coup de pouce", un enjeu économique: la signature de contrats commerciaux avec Astana.

En octobre 2009, Nicolas Sarkozy y a rencontré son homologue kazakh, Noursoultan Nazarbaïev. Paris entendait alors faire de ce pays riche en matières premières son partenaire "privilégié" en Asie centrale.

En octobre 2010, lors d'une visite à Paris de Noursoultan Nazarbaïev, les deux pays annonçaient d'importants contrats avec notamment la fourniture de 295 locomotives du groupe Alstom et de 45 hélicoptères EC 145. Montant total de ces accords: environ deux milliards d'euros.

Les enquêteurs se demandent si le président kazakh n'a pas conditionné la mise en oeuvre de ces contrats à l'aide de Paris pour sortir Chodiev d'ennuis judiciaires en Belgique. Une thèse que le président kazakh avait qualifiée de "racontars" en décembre, lors d'une visite à Astana du successeur de Nicolas Sarkozy, François Hollande.

Comme Me Degoul, Jean-François Etienne des Rosaies est soupçonné d'être intervenu auprès d'Armand De Decker, responsable politique libéral belge, bourgmestre d'Uccle et lui-même avocat de Patokh Chodiev.

- Virement suspect -

Armand De Decker aurait-il dès lors oeuvré pour influer sur le vote, au printemps 2011, d'un amendement permettant, comme l'avait révélé Le Canard Enchaîné, de mettre un terme aux poursuites judiciaires visant Patokh Chodiev et ses associés? De fait l'homme d'affaires en a bénéficié, ce qui a suscité une polémique en Belgique. Sollicité par l'AFP, Armand de Decker n'a pas donné suite.

Selon une source proche du dossier, une enquête est aussi en cours en Belgique.

Jean-François Etienne des Rosaies a été chargé de mission à l'Elysée sur la filière équestre sous Nicolas Sarkozy après l'avoir été à l'Intérieur selon sa fiche du Who's Who.

Grand amateur de cheval, nommé président des Haras nationaux (2010) puis de l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE, 2010-2013), cet ancien journaliste de l'ORTF a aussi été conseiller de l'ancien président du Gabon, Omar Bongo (1970-1971) puis d'Abdou Diouf (1978-1979), alors Premier ministre du Sénégal.

L'enquête avait démarré par un signalement de Tracfin, la cellule antiblanchiment de Bercy, qui pointait un virement suspect sur un de ses comptes.

Maintenant que son immunité est levée, Aymeri de Montesquiou devrait avoir à son tour à s'expliquer devant les enquêteurs. Son bureau et son domicile gersois avaient été perquisitionnés en octobre. Il avait alors expliqué à l'AFP avoir "participé uniquement à des entretiens politiques" avec les kazakhs, "jamais (...) à des négociations financières et politiques".


 

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