Vote blanc, "vote gris" et "deuxième bulletin": certains électeurs refusent de voter pour Emmanuel Macron alors même qu'ils disent craindre l'élection de la candidate du FN Marine Le Pen, et multiplient les initiatives pour contourner le duel du second tour de la présidentielle.
Pourtant la pression est forte pour voter Macron, même chez ceux qui ne l'ont pas soutenu au premier tour: "Un vote blanc ne sera jamais président de la République !", lançait mercredi le président LR de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur Christian Estrosi.
Chez les quelque 7 millions d'électeurs de Jean-Luc Mélenchon au premier tour, dont le report de voix est incertain après que le leader de La France insoumise a refusé de donner une consigne de vote, le dilemme est particulièrement évident.
Consultés sur internet, les militants de La France insoumise ont refusé aux deux tiers de reporter leurs voix sur le candidat d'En Marche!: 29% des 243.000 participants à cette consultation prévoient de s'abstenir, 36% de voter blanc ou nul.
C'est le cas de Clara Boudet, étudiante lilloise de 23 ans : "Je me permets de voter blanc parce que d'autre votent Macron", confesse-t-elle.
Christine Evrard, écologiste de 66 ans, "en a marre de voter utile". En 2002, elle avait voté Chirac au second tour contre Jean-Marie Le Pen. "J'ai regretté énormément, confie-t-elle. Il a fait une politique de droite."
Cette année, après avoir voté pour Benoît Hamon (PS) au premier tour, elle prendra "le risque" de "ne rien mettre dans l'enveloppe". Pourquoi voter blanc plutôt que de s'abstenir? "Si on ne va pas voter, cela peut vouloir dire qu'on s'en fout", répond Mme Evrard.
La retraitée ajoute qu'elle voterait "davantage blanc", si ce vote était reconnu, comme le réclame l'Association pour la reconnaissance du vote blanc, qui revendique 300 membres.
Selon le président de cette association, Olivier Durand, malgré la "culpabilisation" des électeurs, il pourrait y avoir entre 6% et 11% de votes blancs et nuls dimanche.
- 'Nous prêterons notre vote'
L'estimation "n'est pas inconcevable", selon Jérémie Moualek, chercheur en sociologie politique : "Il y en aura plus en 2017 qu'en 2002", ajoute-t-il. Et davantage qu'au premier tour, c'est certain : "Les votes blancs et nuls augmentent à chaque fois au second tour, car l'offre politique se réduit", souligne le doctorant à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne. Ces votes représentaient déjà 2,5% des suffrages le 23 avril.
Quant à l'abstention, l'institut Odoxa la prédit plus forte qu'au premier tour, avec seulement 75% de participation contre 78% le 23 avril, selon une enquête pour franceinfo réalisée jeudi et publiée vendredi.
Néanmoins, la majorité des électeurs semblent se préparer à déposer un bulletin Macron dans l'urne. Selon un sondage Ifop-Fiducial diffusé jeudi, le candidat d'En Marche! recueille 61% d'intentions de vote, après avoir gagné 24% des voix le 23 avril.
Mais certains voteront à contre-coeur, et tiennent à le faire savoir.
L'écrivain Dalibor Frioux a lancé une pétition pour appeler à "voter gris" : "Nous prêterons notre vote à votre candidature (...). Nous le reprendrons aussitôt, afin de vous imposer une cohabitation avec une gauche rassemblée", écrit-il, en évoquant les législatives de juin. Sa pétition a réuni un millier de signatures.
L'organisation Open France propose d'envoyer un "deuxième bulletin" à M. Macron par mail, afin de lui rappeler que "l'égalité, le social, l'écologie ne peuvent pas perdre cinq ans de plus". Quelque 10.000 "deuxièmes bulletins" ont été envoyés depuis mardi.
Plus tactiques, certains électeurs proposent de se rendre aux urnes "après 17 heures" dimanche. L'objectif: voter Macron sans être comptabilisé dans les chiffres de la participation à 12H00 et à 17H00. La pétition "Bloquer Le Pen sans soutenir Macron, c'est possible!" a déjà réuni 45.000 soutiens en ligne.
"Toutes ces tactiques ne me surprennent pas", reprend le chercheur Jérémie Moualek.
"Cela me rappelle 2002, quand les électeurs mettaient des gants et des pinces à linge sur le nez" pour aller voter Chirac au second tour. Et de souligner que seule "une minorité d'individus très politisés" adoptent ces stratégies. "Le phénomène augmente", mais la majorité des votants ira voter de façon classique dimanche, prédit-il.
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