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Coronavirus - Témoignage de Claude, 67 ans: "On m'a sorti du cercueil"

Coronavirus - Témoignage de Claude, 67 ans: "On m'a sorti du cercueil"
 
 

Contaminé par le coronavirus, Claude Gatti, un vétérinaire corse, a frôlé la mort. Tout juste sorti de réanimation à Ajaccio, il raconte à l'AFP ces semaines terribles.

Début mars, Claude répétait encore joyeusement dans une chorale pour une fête religieuse. Deux des choristes revenaient d'un rassemblement à Mulhouse sans savoir que cette ville du Haut-Rhin était devenue un des principaux foyers de l'épidémie de Covid-19 en France, et qu'elles allaient transmettre le virus à Claude.

Le 14 mars, il est hospitalisé et sa vie bascule. "Je suis entré en me disant : "Je suis bientôt mort". Je l'ai admis, avec amertume. Je pensais à mes enfants, à tous ceux que je laissais."

Le 17 mars, il appelle sa famille juste avant d'être intubé pour faire ses adieux. Ses chances de survie sont minces. "Je me disais : "Bon, on va mourir. Le tout est de savoir maintenant comment, quand et avec quelles souffrances?" Donc moi, je me disais : "Pourvu que je meure vite maintenant, pour que ce soit fini et qu'on n'en parle plus"."

Autour de lui, il voit toute la violence de cette lutte désespérée entre la vie et la mort qui se joue en réanimation. "C'est effrayant! De voir des gens... et puis de voir des nouveaux", parce que d'autres sont morts, parce que le flot de malades ne tarit pas.  "J'ai vu un couple de vieux arriver, avec une petite peluche, une canne, des petits chiens qui étaient dessus... Ils sont morts. C'est poignant. On les voit (...) et on voit tout l'acharnement du personnel. Le vieux monsieur, il était dans un coma dépassé et j'ai vu que tous les jours ils le massaient, ils le tournaient, ils lubrifiaient sa peau pour pas qu'il dessèche, ils le nourrissaient, ils vidaient ses urines, ils le perfusaient... Tous les jours, tous les jours! J'étais admiratif."

Lui aussi restera dans un coma profond durant six jours. Claude pense à une phrase du poète Charles Baudelaire. "Je me disais: "Je vais mourir immobile dans d'immenses efforts." J'étais incapable de bouger la tête. Je regardais du coin de l'oeil. J'ai vu des gens tomber, je ne savais plus si c'était vrai ou pas. (...) J'ai vu un type très costaud tomber comme un porte-manteau qui se décroche, un boum, et après je l'ai vu dans un lit, inerte. Et je crains qu'il soit mort."

Pourtant, Claude s'accroche, se disant que s'il reste une "petite chance" de s'en sortir, il ne doit pas la laisser passer. "Même inerte, j'ai commencé à faire travailler mes mains, justement pour arriver à soulever une main puis l'autre, essayer de toucher mon genou, et ça en permanence. Je me disais si j'ai peut-être une chance de vivre, il faut que je puisse marcher, il faut que je puisse retrouver un petit peu mes sensations et il ne faut pas perdre de temps. Puisqu'on ne fout rien, eh bien je vais travailler mes petits muscles, et ça, ça m'a tenu de bout en bout."

Aujourd'hui, Claude est le deuxième patient à être sorti du centre de réanimation d'Ajaccio. Il doit rester encore deux semaines à l'hôpital pour sa rééducation. "Je ne me plains pas, j'arrive à marcher de nouveau", dit-il, même s'il se sent comme un funambule, pas sûr que ses jambes tiennent le coup. "Il a fallu tout réapprendre, réapprendre à écrire, à marcher, à tenir debout. Je ne pensais pas que ça pouvait être aussi dur", confie-t-il à l'AFP. La maladie et la réanimation ont aussi "tapé dans le cerveau, et fort". "Bon, je n'ai plus la paranoïa, ni le délire, mais j'ai des difficultés de souvenirs. On me dit quelque chose (...) ça rentre par une oreille, ça sort par l'autre".

Pourtant, malgré cette épreuve, il se réjouit chaque matin en regardant le soleil. "Je dis "Sol invictus, le soleil invaincu se lève". C'est une matinée que je n'aurais pas dû voir. Tout est beau, tout est bien, tout est merveilleux."  Il insiste: "La vie est tragique mais elle est belle. Chaque journée, il faut la déguster."


 

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