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Prix de l'électricité: Charles Michel dénonce un système "devenu absurde" et met la pression sur la Commission européenne

 
 

Charles Michel, président du Conseil européen, lance un appel à des mesures urgentes pour faire face aux prix des énergies qui ne cessent de grimper. La cible de son message: la Commission européenne.

L'appel intervient à quelques jours d'une réunion extraordinaire des ministres européens de l'Énergie. Charles Michel estime que la Commission "ne va pas assez vite" pour trouver des solutions pour contrôler les prix du gaz et de l'électricité. Il compare également le système actuel de fixation des prix de l'électricité comme un "cercle vicieux": les producteurs qui n'ont pas besoin de gaz pour produire de l'électricité répercutent quand même la hausse du coût du gaz sur le prix de l'électricité. Notre journaliste Chantal Monet a interrogé le président du Conseil européen ce samedi.

Pour rappel, la Commission a un rôle majeur au niveau européen: elle exerce un pouvoir exécutif (un peu comme un gouvernement), mais aussi législatif en proposant de nouvelles lois. Quant au Conseil européen, c'est l'institution qui réunit les chefs d'État ou chefs de gouvernement des 27 pays membres de l'Union européenne. Dans la pratique, le Conseil européen prend les décisions sur base des propositions formulées par la Commission. Quant aux personnalités, on sait qu'entre Ursula von der Leyen et Charles Michel, les relations sont compliquées.

Chantal Monet: Vous appelez à des mesures urgentes de la part de la Commission européenne. Ça ne va pas assez vite?

Charles Michel: Ça ne va pas assez vite en termes de prix de l'électricité et de prix du gaz. C'est urgent parce que les prix sont catastrophiques aujourd'hui. On voit que nos familles, nos ménages en Europe, sont brutalement impactés dans leur pouvoir d'achat, que les entreprises sont impactées également. C'est une menace pour l'emploi dans les semaines et les mois qui viennent. On attend de l'Union européenne pour qu'elle montre sa capacité à agir pour changer les choses. Et changer les choses, c'est avoir un impact pour faire baisser le prix des ressources énergétiques.

Chantal Monet: C'est un message qui s'adresse directement à Ursula von der Leyen, qui ne va pas assez vite, assez loin?

Charles Michel: C'est un message exprimé depuis de nombreux mois, puisque c'est depuis le mois d'octobre l'année passée que les chefs d'Etat et de gouvernement ont mis à l'ordre du jour cette question du lien entre le gaz et le prix de l'électricité. Depuis de nombreux mois, en mars, en mai, en juin, unanimement, ils ont demandé à la Commission de mettre sur la table des propositions concrètes. Parce qu'on mesurait bien que la situation n'allait pas se résoudre toute seule. Et que donc on devait agir, peut-être même en touchant au marché de l'électricité. Pour faire en sorte qu'il n'y ait plus ce lien entre le prix du gaz qui a considérablement augmenté depuis un an, et le prix de l'électricité. Donc il y a une impatience, et je relaie ce sentiment d'urgence. Les ministres de l'énergie vont se réunir la semaine prochaine. Il n'est pas imaginable à mes yeux qu'il n'y ait pas des propositions très concrètes pour permettre aux ministres, la semaine prochaine, je l'espère, de prendre des premières décisions.

Chantal Monet: Mais madame von der Leyen présente tout ça le 14 septembre. Pourquoi sortir maintenant?

Charles Michel: Parce qu'il n'y a pas de raison d'attendre le 14 septembre quand on sait que cette guerre en Ukraine a démarré depuis de nombreux mois. […]

Chantal Monet: Pourquoi ça bloque? On n'imagine pas que la Commission veuille volontairement pousser tout le monde à des situations intenables.

Charles Michel: La Commission a fait de bonnes propositions pour aider les derniers mois en termes de stockage de gaz. Le travail de coordination entre le Conseil et la Commission a bien fonctionné sur ce sujet-là. De bonnes propositions ont été émises en termes de réduction de la consommation. Je crois qu'il faut aller plus loin. Et sur le prix, on voit bien que le sujet, qui sans doute est difficile, ne donne pas lieu à des solutions simples et immédiates, a conduit à ce que du retard a été pris. Maintenant on ne peut plus attendre.

Chantal Monet: Vous pensez que pour la fin de l'année, on aura un prix plafonné pour le gaz et l'électricité? Et un découplement de ces deux marchés?

Charles Michel: Moi je suis certain, en tout cas, qu'on ne peut pas attendre. Chaque jour qui passe est un jour de trop. […] Nos citoyens ne peuvent pas vivre encore pendant des mois jusqu'en début d'année prochaine avec la situation telle qu'on la connaît aujourd'hui. Le prix du gaz, en un an, a été multiplié par dix ou par douze, selon le type de comparaisons qui sont faites. C'est un impact majeur sur le prix de l'électricité. Et puis, il y a un cercle vicieux absolument insensé dans lequel nous sommes aujourd'hui. Aujourd'hui, les entreprises qui produisent des ressources énergétiques, y compris quand elles ne doivent pas payer du gaz parce qu'elles n'ont pas besoin de gaz pour produire, répercutent pourtant le prix du gaz qui a été terriblement augmenté sur les factures des consommateurs, des particuliers et des entreprises. C'est insensé. C'est un système qui est devenu absurde dans un moment où le prix du gaz a tellement augmenté en Europe.

Chantal Monet: Vous craignez pour la paix sociale? Est-ce qu'il risque d'y avoir des mouvements importants?

Charles Michel: Moi, je salue globalement dans tous les pays européens la résilience et la raison, la rationalité, de l'immense majorité des citoyens européens. Tous comprennent bien, plus ou moins intuitivement, que cette guerre déclenchée par la Russie contre l'Ukraine, c'est très grave. Parce que c'est une guerre qui porte directement atteinte à nos modes de vie, fondés sur la liberté, sur les principes démocratiques, sur la liberté de la presse, sur la liberté d'expression. En attaquant l'Ukraine, Vladimir Poutine attaque nos modèles démocratiques, veut les mettre sous pression, veut les mettre en difficulté. Nos citoyens savent bien que si l'Europe réagit aussi fermement, c'est parce qu'on n'a pas le choix. Et qu'en réagissant fermement, on protège la liberté de notre génération et des générations qui vont nous suivre. Dans le même temps, je comprends que les citoyens européens qui sont directement impactés par les conséquences de cette guerre décidée par la Russie vont être sous pression de plus en plus. Nous devons effectivement prendre de mesures pour faire la démonstration que nous avons la capacité, comme entité démocratique européenne, qu'on peut agir vite, dans l'unité, et agir fortement pour avoir un impact.

Chantal Monet: Donc, vous ne craignez pas trop pour la paix sociale?

Charles Michel: Nous sommes attentifs à la situation, et on compte sur la responsabilité, la raison et la compréhension des citoyens européens. Mais que je pense que chaque jour qui passe sans une solution concrète, opérationnelle, nourrit effectivement le désespoir, nourrit les désillusions, et donc nourrit un risque de pression sur notre cohésion sociale. Raison pour laquelle on doit agir extrêmement vite afin d'avoir un impact positif.


 

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