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Face au climat hostile instauré par le gouvernement hongrois, les LGBTQI+ pensent à quitter le pays: "Je ne peux pas avoir la vie dont je rêve ici"

Face au climat hostile instauré par le gouvernement hongrois, les LGBTQI+ pensent à quitter le pays: "Je ne peux pas avoir la vie dont je rêve ici"
© BELGA IMAGES
 
 

Ils envisagent de quitter la Hongrie ou sont déjà partis: cinq membres de la communauté LGBTQI+ (personnes homosexuelles, bisexuelles, trans, queers, intersexes et asexuelles, ndlr) ont accepté de témoigner pour l'Agence France Presse. Le gouvernement de Viktor Orban accentue la pression et vient de sortir une série de mesures anti-LGBTQI+.

"Savoir que je ne pourrai pas avoir la vie dont je rêve avec ma compagne, et fonder peut-être une famille dans le futur, cela me donne envie de partir", confie Barbara Pongracz, une Hongroise de 31 ans. 

Le climat hostile face à la communauté LGBTQI+ s'intensifie en Hongrie. Le Parlement vient d'adopter, ce mardi, un paquet législatif qui inscrit la notion traditionnelle de la famille et du "genre" dans la Constitution. Ces nouvelles lois interdisent de facto l'adoption aux couples de même sexe.

"La mère est une femme, le père est un homme", décrète l'amendement approuvé grâce au soutien des députés de la majorité, selon le site officiel de l'Assemblée.

Ce texte définit le sexe comme étant uniquement celui de la naissance, et ajoute: "L'éducation est assurée conformément aux valeurs fondées sur l'identité constitutionnelle et la culture chrétienne" du pays.

"On veut juste qu'on nous laisse en paix"

"J'en ai ras-le-bol de ce climat négatif", avoue Barbara, consultante en recrutement, mais aussi DJ à ses heures perdues dans des soirées LGBTQI+.

Les mesures prises par le Premier ministre Viktor Orban, soucieux de défendre les "valeurs chrétiennes", ont contribué à nourrir un sentiment anti-gay dans les médias et la classe politique du pays.

"La communauté LGBTQI+ est devenue un bouc-émissaire", estime Marcell Lenart, un enseignant de 39 ans. Il note une "polarisation" des comportements envers les couples du même sexe dans la rue.

Parmi les proches du Premier ministre, les exemples anti-LGBT se multiplient: l'un appelant à boycotter les sodas Coca-Cola après une campagne pro-LGBTQI+ du géant américain en 2019, un autre traitant de pédophiles les couples homosexuels voulant adopter des enfants.

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Mais Viktor Orban a été récemment affaibli par l'affaire Jozsef Szajer. Cet eurodéputé qui a été surpris fin novembre dans une soirée libertine gay à Bruxelles, suscitant un tollé de l'opposition et de la presse indépendante contre l'hypocrisie du pouvoir hongrois envers la communauté LGBTQI+.

"Si je tiens la main de mon partenaire en public, soit j'ai droit à des réactions ouvertement progressistes, soit clairement homophobes", précise Marcell.

Lui aussi envisage l'exil, écoeuré par le durcissement de la législation et par la récente dissolution d'une Autorité de lutte contre les discriminations. "On veut juste qu'on nous laisse en paix", souffle-t-il.

"Si je n'envisage pas d'adopter maintenant, cela peut changer dans le futur. Et c'est troublant de savoir que je ne peux le faire ici!", dénonce l'enseignant.  

Ces mesures anti-LGBT poussent bon nombre d'entre eux à quitter le pays

Ivett Ordog, 40 ans, a déjà franchi le cap. Poussée au départ par l'interdiction d'inscrire son changement de sexe à l'état civil au mois de mai dernier. Auparavant porte-parole de la campagne "Drop 33" qui s'opposait à ce texte, elle travaille depuis septembre à Berlin comme responsable ingénierie.

"Je me sens plus sereine ici. Avant de déménager, je commençais à souffrir de problèmes psychologiques", raconte-t-elle.

Selon Ivett, la nouvelle loi est source d'anxiété pour les personnes transgenres. Par exemple, aller chercher un colis à La Poste peut devenir un véritable cauchemar car il faut montrer sa carte d'identité et "révéler qu'on est trans".

"En général, rien de mal ne nous arrive, mais à chaque fois il faut se préparer au pire. Et si cela survient devant un large public, on ne sait jamais si quelqu'un ne va pas s'en prendre à vous!", dit-elle.

"La simple curiosité" peut rapidement se transformer en franche hostilité "contre une minorité dont ils ne connaissent pas grand-chose".

Agoston, qui a refusé de donner son nom, a lui aussi quitté la Hongrie, "fatigué de l'homophobie" verbale ambiante même si la violence physique est encore rare dans le pays.

Cet infirmier de 39 ans avait l'habitude d'encadrer la marche des Fiertés de Budapest. Il dit avoir été victime ces dernières années "de plus en plus d'attaques de l'extrême-droite en marge de ces rassemblements".

Depuis novembre, il vit dans une ville de Bavière, au sud-est de l'Allemagne, où il se sent "plus seul qu'à la maison, mais plus en sécurité".

"Quand je lis les informations sur une nouvelle loi homophobe, au moins je ne suis plus directement concerné", ajoute-t-il.

D'autres sont revenus en Hongrie mais le regrettent 

Quand Ivett et Agoston quittaient la Hongrie, Balint Meiszterics faisait le chemin inverse. Revenu à Budapest avec son compagnon après une année au Royaume-Uni en 2017 pour retrouver amis et famille, ce formateur en entreprise "commence à regretter" sa décision.

"En Hongrie, on ne peut pas avoir la même vie que les hétéros, on ne peut pas se marier, on ne peut pas adopter", soupire-t-il.

Le jeune homme de 29 ans réfléchit sérieusement à repartir à l'étranger, craignant que les mesures anti-gay ne s'intensifient à l'approche des élections législatives de 2022.

"J'espère juste qu'ils ne vont pas aller aussi loin qu'en Pologne", où plusieurs municipalités ont décrété des zones sans LGBTQI+.

La situation en Belgique 

En Belgique aussi, la communauté LGBTQI+ subit discriminations et menaces. Des refuges sont en accès libre aux jeunes de moins de 30 ans qui sont rejetés par leur famille pour leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. 

Les jeunes peuvent séjournent dans cet espace "safe" pendant une période allant de 3 à 9 mois. "L'occasion pour eux de donner une direction à la suite de leur vie, de se renforcer mentalement, de retrouver confiance en eux, d'apprendre à être indépendants. Cela passe notamment par des activités plus pratiques comme ouvrir son propre compte bancaire, gérer ses revenus, adhérer à une mutuelle, chercher de l'emploi ou avoir sa propre adresse", détaille le cabinet Schlitz.

Un ensemble de 19 mesures ont été prises pour venir en aide aux personnes fragilisées par les conséquences de la crise sanitaire du Covid-19 et du confinement. Les 75 millions d'euros mis à sa disposition ont été répartis sur 4 champs d'action.  

Parmi les mesures prises, 945.000 euros seront accordés à ces refuges, précise dans un communiqué le cabinet de la secrétaire d'Etat à l'Egalité des Chances, Sarah Schlitz.

Selon la secrétaire d'Etat, "ces jeunes sont dans une situation particulièrement fragile et précaire et la crise sanitaire a exacerbé cette urgence. Il existe un risque réel que ces personnes LGBTQI+ se retrouvent à la rue, marginalisées, et soient obligées de recourir à la prostitution, ou de prendre des risques pour leur santé en général." 

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