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Brexit: article 50, c'est "l'intention" qui compte

 
 

L'article 50 du Traité de Lisbonne, invoqué par le Royaume-Uni, prévoit une porte de sortie pour un Etat membre qui souhaite quitter le projet européen, mais le caractère irréversible de cette "intention" est discuté.

"Pas de retour en arrière possible", a lancé mercredi la Première ministre britannique Theresa May, immédiatement après réception par l'UE de sa lettre de notification du déclenchement de l'article 50.

Cette clause, qui régit depuis 2009 le "mécanisme de retrait volontaire et unilatéral" de l'UE, est assez laconique.

"Un pays de l'UE qui souhaite se retirer doit informer le Conseil européen de son intention", est-il expliqué au deuxième paragraphe. Un accord doit être conclu sous deux ans entre les deux parties sur les modalités de retrait.

A Londres, la Cour Suprême britannique part du principe qu'il est "acquis" que la notification est "irrévocable" et "ne peut être conditionnelle".

L'immuabilité, c'est pour certains la garantie qu'une éventuelle révocation ne sera pas utilisée comme un levier par le Royaume-Uni.

"Nous ne souhaitons pas que le retrait de la notification puisse être exploité comme stratagème procédurier pour temporiser ou essayer d'obtenir des conditions préférentielles pour une nouvelle adhésion", a prévenu le "M. Brexit" du Parlement européen, Guy Verhofstadt.

Un rapport de la commission "Affaires constitutionnelles" du Parlement souligne que l'article 50 prévoit au dernier paragraphe la possibilité de revenir.

Cette précision "peut être interprétée comme signifiant que les rédacteurs du Traité (de Lisbonne) avaient en tête de répondre à la possibilité qu'un Etat en train de partir change d'avis, et a fourni la seule réponse possible: une nouvelle demande d'adhésion", argumente le rapport.

Mais cette même étude le reconnaît: il n'y a rien dans l'article 50 qui interdit formellement à un Etat qui s'est lancé dans la procédure de divorce de faire marche arrière.

- Stratagème -

Au départ, "l'analyse du service juridique du Conseil a été de dire que l'article 50 est irréversible. Toute l'économie de cet article vise à faciliter la sortie d'un pays", a expliqué à l'AFP un expert européen.

Mais "il a été admis qu'on pourrait considérer qu'il est réversible dans des cas exceptionnels", a-t-il aussitôt nuancé.

Le rédacteur de l'article 50, John Kerr --un Britannique, ironie de l'Histoire-- a lui-même soutenu cette hypothèse.

"Le fait est que l'article 50, qui a vu le jour sous l'intitulé de +retrait volontaire+, n'est pas une procédure d'expulsion", a-t-il expliqué devant la Chambre des Lords lors d'un débat le 21 février.

"Si, après avoir regardé dans l'abîme, nous devions changer d'avis sur le retrait, nous pourrions certainement le faire et personne à Bruxelles ne pourrait nous en empêcher", a soutenu Lord Kerr.

Jean-Claude Piris, ex-directeur général des services juridiques du Conseil européen devenu consultant, remarque que l'article 50 évoque "l'intention" d'un Etat membre de partir, et non sa "décision".

"Si les autorités britanniques disent +je ne veux plus+, on ne peut pas forcer un Etat membre à partir", a-t-il expliqué à l'AFP. "Ma thèse c'est de dire (que dans ce cas) on revient au statu quo".

La Commission européenne considère que la procédure, une fois lancée, "ne prévoit pas de retrait unilatéral de la notification".

Et le président du Parlement Antonio Tajani a renchéri mercredi: "Si le Royaume-Uni décide maintenant de changer d'avis, il ne pourra pas le faire seul". Les 27 autres membres de l'Union devront alors donner leur accord, selon lui.

- Une question politique -

La question sera plus politique que juridique. Pour l'instant, le climat au Royaume-Uni ne laisse pas envisager de volte-face: selon un sondage YouGov réalisé les 26 et 27 mars, 44% des Britanniques interrogés ne regrettent pas l'issue du référendum, contre 43% qui pensent que c'était un mauvais choix.

"Il est osé de supposer que la situation va rester stable", observe Jolyon Maugham, un avocat qui a lancé une procédure légale en Irlande et espère obtenir l'opinion de la Cour de justice de l'UE (CJUE) sur la révocabilité de l'article 50.

Selon lui, l'opinion publique pourrait exprimer des remords en voyant la facture du Brexit et ses conséquences sur leur vie quotidienne.

Tout le monde s'accorde à dire que si une interprétation de l'article 50 devenait nécessaire, la CJUE tranchera. "Alors même que l'une des motivations du retrait britannique est de se soustraire à sa juridiction", constatent des députés français de la Mission d'information sur le Brexit.


 

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