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Alost: quand un carnaval local débouche sur une polémique mondiale

Alost: quand un carnaval local débouche sur une polémique mondiale
Un char représentant un juif orthodox lors du Carnaval d'Alost, le 23 février 2020 en BelgiqueJuliette Bruynseels
 
 

Accusations d'antisémitisme contre droit à la satire: le carnaval d'Alost, fête folklorique née au Moyen-Age, suscite une nouvelle vague d'indignation bien au-delà de la Belgique. Décryptage d'une polémique.

- Les raisons du scandale ?

Un char représentant le Mur des lamentations suivi par des juifs orthodoxes (habits noirs, toque en fourrure) au corps de fourmi a principalement créé la controverse cette année.

Des responsables de la communauté juive, de l'Union européenne, des élus belges et français se sont indignés, fustigeant pour les uns "une débauche antisémite", pour les autres "une honte" et "une déshumanisation" des juifs.

Dans la cité flamande, ses concepteurs disent avoir voulu faire un jeu de mots entre Mier (fourmi en néerlandais) et Muur (mur).

"Mais caricaturer les juifs en insectes, il ne faut pas être naïf, cela renvoie à l'idée qu'il faut les supprimer, les exterminer. C'est choquant", estime Patrick Charlier, qui dirige l'organisme public belge de lutte contre les discriminations Unia.

L'an dernier, des juifs orthodoxes au nez crochu avaient été représentés assis sur des coffres d'or ou d'argent, soulevant un torrent de critiques qui y voyaient un retour des stéréotypes de la propagande nazie des années 1930.

- Quelle peut-être la réponse pénale ?

La Première ministre belge Sophie Wilmès a prévenu dès dimanche que la justice se pencherait sur de possibles violations de la loi.

La police, en lien avec le parquet local, a procédé à des relevés d'identité sur les chars mis en cause. M. Charlier n'exclut pas que certains carnavaliers puissent être poursuivis pour infraction à la loi de 1981 contre le racisme.

La controverse de 2019 et la sanction de l'Unesco, qui a retiré le carnaval de sa liste du patrimoine culturel immatériel, ont été très médiatisées. Et il pourrait s'avérer plus difficile cette année de s'abriter derrière la liberté d'expression.

"En Belgique, la loi n'est pas la même qu'en France où l'on risque plus facilement une condamnation pour provocation à la haine raciale. Ici le seuil pour engager des poursuites est plus élevé, il faut pouvoir démontrer l'intention d'inciter à un acte inspiré par le racisme", explique le directeur d'Unia.

Dans le royaume, une autre loi punit le fait de nier ou de minimiser le génocide des juifs pendant la Seconde guerre mondiale. Sa violation a valu à un ex-député belge de se voir imposer par la justice en 2017 la visite de cinq anciens camps de concentration nazis, condition pour suspendre sa peine de prison avec sursis prononcée en 2015.

- Alost est-il un cas à part en Belgique ?

Comme ailleurs dans le plat pays ou dans le nord de la France, le carnaval est l'occasion, une fois par an pendant plusieurs jours, de rire de tout, de tout critiquer et d'inverser les rôles. Comme l'illustre la tradition des hommes déguisés en femmes (il y à Alost la journée des "Voil Jeannetten", littéralement des "sales tapettes", lors de laquelle les participants sont invités à se travestir et s'enlaidir).

"C'est un moment de rupture" relevant de l'"hygiène collective" pour retrouver sa communauté et se lâcher, explique Laurent Dubuisson, expert belge des traditions populaires.

Mais, ajoute-t-il, "ce qui est triste à Alost c'est que derrière ce moment de retrouvailles, il y a des valeurs négatives et l’utilisation de clichés nauséabonds".

Des "clichés" qui circulent de plus en plus vite autour du globe à l'heure des réseaux sociaux, relève l'expert. Ce qui impose d'évoluer et d'adapter son message "en écoutant ceux qui peuvent être blessés".

"A Alost, beaucoup de blagues relèvent de la +private joke+ et quand quelqu'un en Israël voit ça, sans les clés de décodage, clairement c'est insupportable. Les carnavalistes ne comprennent pas qu'ils blessent et à l'extérieur on ne comprend pas leur objectif de satire et de critique", conclut M. Dubuisson.


 

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