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"Mensonges": les espoirs brisés des migrants bloqués à la frontière gréco-turque

 

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Après avoir appris que la Turquie ne retiendrait plus ceux qui voulaient se rendre en Europe, plusieurs milliers de migrants se sont rués vers la frontière grecque, munis de leurs rêves et d'une conviction: traverser serait un jeu d'enfant.

Mais arrivés sur place, ils n'ont trouvé qu'une frontière grecque fermée à double tour. Entassés par milliers à proximité du poste de Pazarkule, à deux pas du continent tant désiré, ils subissent les gaz lacrymogènes le jour, et le froid mordant la nuit.

"La frontière est fermée. On nous a dit +c'est ouvert, c'est ouvert !+ Mais ce sont des mensonges", peste Nejip, un Afghan âgé de 20 ans, veste en cuir sur le dos et capuche sur la tête.

Il a réussi avec des amis à se frayer un chemin à travers les barbelés, mais à peine avaient-ils posé le pied en Europe, qu'une patrouille grecque les a interceptés et renvoyés.

"La police grecque nous a attrapés. Ils nous ont tout pris, notre argent, tout", déplore-t-il. Certains de ses compagnons de route avancent pieds nus: leurs chaussures, disent-ils, ont été confisquées par les Grecs.

Comme Nejip, plusieurs migrants interrogés par l'AFP ont fait part de leur désillusion et de leur frustration croissante, après plusieurs jours d'attente et de tentatives de traversée avortées.

La Turquie, qui accueille quelque quatre millions de réfugiés, dont une majorité de Syriens, a décidé vendredi d'"ouvrir les portes" de l'Europe, en dépit d'un accord conclu en 2016 aux termes duquel elle s'engageait à lutter contre les passages clandestins.

En réveillant le souvenir de la crise migratoire majeure qui a secoué l'Europe en 2015, Ankara essaie ainsi d'obtenir un appui occidental en Syrie où il est en délicate posture.

- "Plus envie" -

Face à cet afflux, les autorités grecques ont barricadé le poste frontalier de Kastanies, en face de Pazarkule, utilisé dimanche des canons à eau et des grenades assourdissantes et envoyé des SMS pour dissuader les migrants de tenter de traverser.

Furieux, un migrant jette des pierres en direction des policiers tout en déployant devant lui un parapluie, maigre protection face aux grenades lacrymogènes qui fusent.

Plus loin, quelques hommes réussissent à ramper sous une clôture avant de courir ventre à terre dans le no man's land qui sépare les deux frontières.

Et au milieu du chaos, Ahmet Hacali attend que le calme revienne en caressant nonchalamment son chat et son chien, qu'il a emmenés avec lui.

Ce Palestinien installé en Turquie depuis sept ans essaie aujourd'hui de rejoindre son épouse, en Grèce depuis quatre mois. "On essaie de construire une nouvelle vie", dit-il. "Quand la porte s'ouvrira, je passerai".

D'autres ont déjà jeté l'éponge. Resul, un Afghan, s'éloigne de la zone avec son enfant sur les épaules. "La frontière est fermée (...) Maintenant, on marche pour rentrer chez nous, à pied. Nous n'avons plus envie d'aller (en Europe)", dit-il.

Les milliers de migrants ayant choisi de rester s'apprêtaient dimanche à passer une nouvelle nuit à proximité de la frontière, qui prend de plus en plus l'allure d'un campement. Des braseros épars projettent sur les arbres des ombres silencieuses.

- Passeurs aux anges -

A quelques kilomètres de là, d'autres ont tenté toute la journée de gagner la Grèce en traversant le fleuve frontalier, l'Evros, parfois avec succès.

Des taxis et des autocars déposent des migrants au bord d'un chemin terreux qui mène jusqu'au cours d'eau, où des canots pétaradants se dirigent vers la Grèce.

Pour colmater la brèche, des militaires grecs érigent à la hâte une clôture de barbelés sur l'autre rive.

La Grèce a indiqué dimanche matin avoir empêché près de 10.000 migrants d'entrer "illégalement" sur son territoire en 24 heures depuis la Turquie.

Si les migrants sont victimes de cette situation, au fleuve Evros, les passeurs, eux, se frottent les mains.

Sous le regard d'un garde-frontière turc impassible, ils multiplient les navettes entre les deux rives, l'embarcation chargée à l'aller, les poches remplies au retour.

"J'exerce ce métier depuis plusieurs années, mais c'est la première fois que je le fais avec la permission" des autorités, déclare l'un d'eux, qui préfère ne pas donner son nom. "J'ai l'impression de remplir mon devoir".


 

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