"Chaque mois, je compte à l'euro près". Lena Christien, comme de plus en plus d'étudiants, s'avoue "en galère" face à l'inflation et doit se tourner vers les distributions alimentaires dont l'affluence bat des records.
Emmitouflée dans sa parka bleue, Lena se positionne dans la file d'attente à l'entrée du local de l'association de distribution alimentaire Cop’1, dans le IIIe arrondissement de Paris.
Pour la troisième fois cette année, la jeune femme de 20 ans est contrainte de faire partie des 1.200 étudiants qui défilent chaque semaine aux distributions de l'association.
"Dans mon frigo, sans cette aide, je n'aurais pas de quoi me faire un repas", avoue-t-elle, grelottante alors que la température ne dépasse pas 0°C.
Etudiante en management du sport, en alternance dans un club sportif amateur, Lena se croyait pourtant privilégiée face à l'inflation.
"Cette année, j'ai un salaire d'environ 800 euros par mois. Je fais pourtant vraiment attention, je ne suis pas à découvert car je demande parfois à reporter des dépenses, comme mon loyer (de 450 euros)", explique la jeune femme en présentant sa carte d'étudiante aux membres de l'association.
Déplacements, école, fournitures, c'est elle qui finance la totalité de ses frais.
"Mes parents m'aidaient l'année dernière. Là, ma mère finance mon pass Navigo les mois où elle peut". Une indépendance qui la force à " prioriser" dans ses achats quotidiens.
Et, ce mois-ci, pas de place pour "le surplus" comme les activités culturelles ou les sorties. "Je n'ai pas un budget défini mais, si je sors, je calcule pour égaliser avec moins de courses alimentaires par exemple".
A Bagneux, en banlieue parisienne où elle vit avec ses trois colocataires, l'augmentation du prix de l'énergie a également été source de sacrifice. "C'est le propriétaire qui allume l'électricité.
Cette année, il avait prévenu qu'il fallait faire attention."
Résultat, dans sa chambre "mal isolée", pas de chauffage avant la semaine dernière et ce, malgré la vague de froid qui traverse le pays.
- "sous les radars" -
Face à la situation des étudiants, le gouvernement a annoncé cet été la revalorisation des bourses sur critères sociaux de 4%, des aides au logement de 3,5%, ainsi que le prolongement et la généralisation du ticket restaurant universitaire à 1 euro pour les plus précaires.
Mais le cursus de Lena n'est pas une licence "classique". "Je n'ai donc pas accès aux bourses, ni au repas et logements Crous", précise la jeune femme. L'aide personnalisée au logement (APL), quant à elle, tarde à arriver, "je l'attends depuis un an".
"J'ai l'impression de passer sous les radars", explique la jeune femme, légumes, conserves et briques de lait récupérés dans son sac à dos. "Je ne suis pas la plus précaire car je gagne un peu. On aide les plus prioritaires, c'est normal, mais parfois je ne sais pas si je suis considérée comme étudiante ou comme une salariée".
Dans la file d'attente, les profils comme Léna sont de plus en plus nombreux.
"Avant, c'était beaucoup d'étudiants étrangers, raconte la directrice des opérations de Cop'1 Jenny Dai. Maintenant ce sont des profils beaucoup plus diversifiés et en majorité des femmes."
Un constat partagé par Félix Sosso, représentant de la Fage, syndicat étudiant qui gère les épiceries solidaires Agoraé:" on voit de nouveaux étudiants. Avant, ils s'en sortaient à peu près mais, avec le contexte global, ils ont pris dans leurs économies et ont perdu le filet de sécurité qu'ils s'étaient constitué".
De son côté, Lena a pu récupérer dans son sac des aliments pour environ quatre jours de repas. Sur le retour, elle pense déjà aux économies réalisées: "ça va permettre d'alléger mon budget pour les autres dépenses du mois et peut-être me faire plaisir avec une petite gourmandise".
Vos commentaires