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En accueillant les réfugiés, l'Allemagne commence à faire les investissements qu'on lui réclamait

 
 

Il y a quelques mois, l'Allemagne était accusée de ne pas en faire assez pour aider à la relance de la croissance européenne. Aujourd'hui elle débourse des milliards pour accueillir les réfugiés, et cela change un peu la donne.

"L'économie allemande est enfin devenue ce que beaucoup de critiques internationaux lui réclamaient depuis un bail: une économie tirée par sa demande intérieure", relève Carsten Brzeski, économiste chez ING. "Du moins au troisième trimestre", tempère-t-il.

En effet, le détail, dévoilé cette semaine, des composantes de la croissance de la première économie européenne entre juillet et septembre en atteste: si le Produit intérieur brut (PIB) allemand est parvenu à augmenter d'un petit 0,3% au troisième trimestre, c'est grâce à la consommation des ménages et aux dépenses de l'Etat.

Le phénomène n'est pas totalement nouveau, le moteur de l'économie allemande ayant déjà en 2014 basculé des traditionnelles exportations vers la consommation des ménages allemands, profitant d'un marché du travail en bonne forme.

Mais à cela s'ajoute désormais une augmentation de l'argent dépensé par l'Etat, notamment en raison des milliards d'euros nécessaires à l'accueil des centaines de milliers de réfugiés qui affluent cette année en Allemagne. Cet argent - de l'ordre de 10 milliards d'euros pour 2015 et 2016, a rappelé jeudi le vice-chancelier Sigmar Gabriel -, va servir à acheter des lits, organiser des hébergements, acheminer les nouveaux arrivants vers des centres d'accueil dans tout le pays ou encore financer des cours de langue.

- Sourde oreille de Schäuble -

"L'afflux de réfugiés a déjà eu un impact sur la croissance allemande au troisième trimestre, avec notamment une hausse des dépenses publiques", estime Philippe Waechter, responsable de la recherche économique chez Natixis.

Pour Stefan Kipar, de BayernLB, ces "dépenses supplémentaires agissent comme un petit et imprévu programme de relance". C'est même "aujourd'hui le plus gros programme de relance des dernières années", a pointé vendredi l'homme politique conservateur Armin Laschet.

Or c'est exactement ce que réclamaient avec force il y a quelques mois le Fonds monétaire international (FMI), la Commission européenne et Paris, entre autres, qui reprochaient à l'Allemagne de ne pas utiliser ses excédents - commercial et budgétaire - pour faire des investissements dont profiteraient par ricochet toute l'économie européenne.

Mais à l'exception d'un programme d'investissements dans les infrastructures de 15 milliards d'euros d'ici 2018 concédé à la composante sociale-démocrate du gouvernement, Berlin avait plutôt tendance à faire la sourde oreille, quand l'objectif si cher à son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, est un budget où les dépenses ne dépassent pas d'un pouce les rentrées d'argent.

Les récentes évolutions n'ont d'ailleurs pas encore fait changer le ton à l'égard de l'Allemagne à Bruxelles. L'enquête ouverte début 2014 par la Commission européenne sur les excédents des comptes courants allemands reste d'actualité. Jeudi l'institution a répété dans un rapport qu'il y avait "le besoin d'un rééquilibrage continu vers des sources intérieures de demande".

- 'Plus durable' -

Pour Philippe Waechter, il est quand même clair que "l'Allemagne commence à jouer ce rôle (de moteur par la consommation), au bénéfice de tous les autres en Europe".

Pour autant, "les dépenses publiques du troisième trimestre sont surtout des dépenses de court terme. Ce ne sont pas encore les investissements, notamment dans les infrastructures, que tout le monde attend, mais cela pourrait venir plus tard", avance M. Waechter.

En outre, pour l'heure, avec une croissance limitée à 0,3%, ralentie par rapport aux 0,4% du deuxième trimestre, le "moteur" européen ne fait pas figure de grosse cylindrée.

"Pour faire face aux défis actuels et nouveaux, l'économie va avoir besoin d'une stimulation par l'investissement plus durable. Compter uniquement sur la solidité actuelle de la consommation privée pourrait être une stratégie dangereuse", met en garde également M. Brzeski.

Un avertissement qui a encore du mal à convaincre vraiment Berlin. "Nous n'avons pas le droit d'abandonner l'objectif d'un budget à l'équilibre", a martelé mercredi la chancelière Angela Merkel.


 

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