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Lutte contre le réchauffement climatique: quel rôle pour le nucléaire ?

Lutte contre le réchauffement climatique: quel rôle pour le nucléaire ?
Image de synthèse fournies par EDF à Londres le 28 juillet 2016 des deux réacteurs nucléaires prévus à Hinkley Point au Royaume-Uni HayesDavidson
 
 

Le nucléaire est-il essentiel pour limiter le réchauffement climatique? La question divise les experts alors que le gouvernement britannique vient de donner son feu vert à la construction de deux réacteurs à Hinkley Point, en Angleterre.

Limiter le réchauffement à 2°C comme le prévoit l'accord de Paris conclu par 195 pays en décembre dernier suppose de relever un grand défi: "décarboner" le plus rapidement possible l'économie mondiale.

"Il faut une transition mondiale vers des sources d'énergie principalement sans carbone d'ici au milieu du siècle", estime Rachel Cleetus, économiste et responsable de la politique climatique à l'ONG Union of Concerned Scientists (UCS), basée à Washington.

Comme d'autres groupes de réflexion qui tirent la sonnette d'alarme à propos du changement climatique, l'UCS n'est pas un champion de l'énergie nucléaire.

Mais dans un monde où les énergies fossiles représentent toujours 80% de la consommation d'énergie, l'atome a un rôle à jouer, estiment-ils, en dépit des inquiétudes qu'il suscite en matière de sécurité et de coût.

"Moins il y a d'options sur la table, plus grand est le défi", relève Jim Williams, directeur du centre de réflexion américain Deep Decarbonization Pathways Project.

Il y a un consensus parmi les experts pour dire qu'"il sera plus difficile d'atteindre les objectifs climatiques fixés sans nucléaire dans le mix énergétique", a-t-il déclaré à l'AFP.

Actuellement, 31 pays ont des centrales nucléaires qui produisent un peu moins de 11% de l'électricité mondiale.

Une douzaine de ces pays dépendent du nucléaire pour au moins un tiers de leur production, parmi lesquels la France (75%), la Hongrie, la Slovaquie et l'Ukraine (50 à 55%).

Aux Etats-Unis, ce pourcentage est d'environ 20%, comme en Grande-Bretagne --sans prendre en compte le projet Hinkley Point qui doit fonctionner à partir de 2025.

Les capacités de production d'énergies solaire et éolienne se sont développées rapidement dans le monde, leur coût de production ayant chuté. Et de nouvelles technologies de stockage de ces énergies sont très prometteuses.

Mais les énergies renouvelables ne représentent encore qu'une faible partie de la production globale d'énergie.

"Nous avons besoin de l'énergie nucléaire conjuguée aux renouvelables pour faire face à nos obligations de réduction des émissions de gaz à effet de serre", explique Juan Mathews, professeur au Dalton Nuclear Institute de l'Université de Manchester.

- 100% d'énergies renouvelables -

Le réchauffement climatique s'accélère plus vite que prévu et ses conséquences se font sentir plus fortement, souligne Mme Cleetus.

"L'importance du changement climatique et ses conséquences --hausse du niveau de la mer, événement climatiques extrêmes, perturbations écologiques graves-- exigent que nous examinions toutes les options possibles" pour le limiter, a-t-elle déclaré à l'AFP.

Tous les experts ne sont cependant pas convaincus que le nucléaire est crucial pour juguler le réchauffement.

"Au contraire, c'est une barrière", estime Tom Burke, président d'E3G, un "think tank" sur le changement climatique basé à Londres. Selon lui, "il prive de fonds" des projets qui permettraient de produire de l'électricité propre "mieux, plus vite et moins cher".

Le nucléaire va aussi à l'encontre de la tendance générale à une production d'électricité plus décentralisée et flexible.

Pour l'expert du climat Martin Kaiser, de Greenpeace International, "le seul moyen possible et sûr de maintenir le réchauffement planétaire bien en deçà de 2°C est de basculer massivement vers les énergies renouvelables".

Selon lui, une révolution conduisant à "100%" d'énergies renouvelables est toujours possible.

Pour Jim Williams, courir les risques liés au nucléaire (déchets radioactifs, accidents comme à Fukushima et Tchernobyl) pour empêcher une catastrophe climatique n'est envisageable que si cette énergie est soumise à une stricte surveillance réglementaire.

Il souligne le contraste entre la Suisse et la Chine, où 30 centrales sont installées ou en construction et 20 dans les tuyaux.

"En Chine, les autorités chargées de la réglementation sont relativement peu nombreuses et mal formées -- c'est inquiétant", dit-il.

"Est-ce que j'habiterais près d'une centrale nucléaire si je pensais que le nucléaire est vraiment important pour limiter le réchauffement climatique?" s'interroge-t-il. "Dans le premier cas (en Suisse) oui, mais dans le second, non."


 

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