En ce moment
 
 

Coronavirus: "Au secours!" les soignants désemparés par leur manque de protection

 

A découvrir

 

Anne est généraliste dans la banlieue de Grenoble: son cabinet n'a jamais reçu de masques FFP2, seule protection avérée contre le coronavirus, et utilise un vieux stock périmé depuis 2006.

Chaque jour, Kaouther ben Amor, infirmière libérale à Marseille, visite une trentaine de patients à domicile avec sa collègue. Un rendez-vous vital pour des malades parfois en fin de vie. "On a zéro équipement. J'ai dû quémander des masques à la pharmacie avec ma carte professionnelle. J'en ai obtenu dix, qu'on a partagés. Et encore, ce sont des masques chirurgicaux, pas des FFP2. Jamais je n'avais connu une situation pareille".

Partout à travers la France, l'AFP a recueilli des témoignages de médecins et d'infirmières, de ville et en milieu hospitalier, stressés par l'absence de protection pour eux-mêmes et leurs patients, alors que le virus se propage à un rythme accéléré.

"Je n'ai ni masque, ni gel, rien. Et surtout aucune information. J'ai appris par les médias qu'il ne fallait pas prescrire d'ibuprofène c'est vous dire!", s'insurge Jean-Paul Termine, médecin généraliste à Vitrolles (Bouches-du-Rhône). Beaucoup de ses confrères ont pris des congés, rapporte-t-il. Il s'est débrouillé seul pour aménager son cabinet, "avec une salle d'attente séparée pour les patients présentant les symptômes d'un syndrome grippal".

- lâchés par la tutelle -

"Mais pour moi, ils sont inconscients de consulter dans ces conditions", juge le Dr Termine qui, avec ses confrères, "se sent totalement lâché par (les) autorités de tutelle".

"En plus du boulot, on est constamment en train de faire le tour des pharmacies pour essayer de trouver des masques, des solutions hydro-alcooliques, des gants", reprend Kaouther à Marseille. "C'est très stressant de travailler comme ça. On crie au secours car on manque de moyens".

"J’ai dû menacer de fermer des maisons médicales de garde pour obtenir des masques pour les généralistes", s'émeut le Dr Pierre-Jean Ternamian, radiologue à Lyon et président de l’Union Régionales des Professionnels de Santé (URPS) Médecins en Auvergne-Rhône-Alpes.

A Pau, une dizaine de médecins ont adressé un courrier aux responsables régionaux de la santé pour signaler qu'ils avaient reçu en tout et pour tout "une boite de 50 masques chirurgicaux par médecin" - "même pas" les fameux FFP2.

- l'infanterie -

Dans les centres hospitaliers, les soignants ne se sentent pas toujours mieux protégés: une infirmière de l’hôpital Edouard-Herriot à Lyon, qui a requis l'anonymat, regrette "un manque de dépistage" chez les personnels de santé, pourtant les plus exposés. "Je travaille pour l’hôpital public donc j’irai toujours", mais "on a le sentiment d’aller au front, d’être un peu l’infanterie - et l'infanterie, on s’en fiche toujours un peu..."

Amarylis, 39 ans, infirmière urgentiste au Centre hospitalier de Valence (Drôme), s'inquiète pour sa famille: une de ses patientes de 90 ans vient d'être testée positive. Dans son service, "un collègue a déjà été détecté, d’autres peuvent être porteurs sains. C’est très stressant". Comment protéger ses enfants? Elle aimerait des masques pour eux, à la maison.

"On baigne dedans en permanence, 12 heures d'affilée, c'est difficile de passer à autre chose, ça génère forcément de l'angoisse" insiste encore Eva, infirmière aux urgences du Puy-en-Velay, mère de deux fillettes: "Pourtant on a l'habitude de gérer des virus mais là, c'est sans précédent (...) Mon mari, mes proches sont inquiets. On essaye de limiter les contacts".

L'ordre des infirmiers a réclamé lundi dans un communiqué "sept mesures d'urgence" dont, la première, des "équipements de protection (masques, lunettes, gants, blouses...) impérativement et urgemment mis à disposition de tous les professionnels de santé".

Les soignants semblent avoir été entendus: lundi soir, lors de son allocution télévisée, Emmanuel Macron a annoncé la distribution de masques dès mardi aux soignants des 25 départements les plus touchés et à l'ensemble des personnels de santé mercredi.

Selon Martin Hirsch, directeur général des Hôpitaux de Paris (APHP), "une centaine de soignants ont contracté le virus, non pas dans les hôpitaux mais dans leur vie sociale".

Le chef de l'Etat a annoncé de nouvelles restrictions des déplacements qui entreront en vigueur dès mardi à midi, avec des contrôles et des sanctions à la clé. "Si vous êtes allé faire une course alimentaire, vous ne faites rien d'autre" a précisé le ministre de la Santé Olivier Véran.


 

Vos commentaires